On l’a surnommé « Docteur KO » – il faut dire que sur 114 combats officiels, il a raflé 109 victoires dont 87 par KO ou par abandon. André Panza a l’œil qui pétille quand il en parle, bien sur, comment ne pas être fier ? On imagine la rage qui a du l’animer pour conquérir tous ces titres, surtout quand on l’a déjà vu à l’œuvre à l’entrainement chez Panza Gym. Il se présente comme un autodidacte, un outsider dont les circuits sportifs officiels n’ont jamais vraiment su quoi faire.
C’est un self-made man, revenu d’opérations et de blessures graves, pour remonter chaque fois sur le ring avec plus de détermination. Est-ce parce qu’il est encore debout et au top de sa forme aujourd’hui, ou est-ce parce qu’il s’est assagit avec le temps, en tout cas son discours est aujourd’hui celui de la longévité dans et par le sport. Et c’est ainsi qu’il continue, à Panza Gym, à former des champions et à accompagner en même temps des familles entières dans leurs loisirs. Ensemble, les gants aux poings.
Champion oui, mais pas de « championnite »
André Panza se décrit volontiers lui-même comme un éternel insatisfait, il affirme même que c’est « l’apanage du champion ». Un état d’esprit à double tranchant, puisqu’il permet d’aller de l’avant mais qu’il peut parfois conduire à de vrais dérapages :
« La championnite, c’est un rouleau compresseur prêt à vous fracasser. Et puis au final, il y a un champion et 10 000 cassés. Et on ne reste champion qu’un moment ! Il faut se remettre en question perpétuellement. C’est comme ça que je m’amuse encore. C’est aussi pour ça que je continue à former des champions : je ne reste pas sur les mêmes choses que j’ai pu véhiculer il y a 30 ans. Panza est considéré comme une « machine à champions » parce qu’on travaille bien, sur le long terme. »
André Panza avoue volontiers qu’il s’est lui-même parfois surentraîné, au risque de se faire mal. Il met ça en lien avec le fait d’avoir été assez seul, pas bien accompagné dans son entrainement. C’est aussi pour ça qu’il s’y est pris totalement différemment avec sa fille, elle aussi plusieurs fois championne, Angélina Panza :
« Je ne l’ai jamais forcée. À 18 ans elle a tout gagné, elle a été pré-selectionnée olympique en boxe anglaise. Elle n’a jamais eu une seule blessure. À son âge, j’avais déjà une hernie discale et une luxation récidivante de l’épaule. Personne ne m’avait expliqué comment me respecter. J’en suis sorti grandi quand même, mais il y a tellement de gens qui n’en sortent rien du tout ! »
Message anti-dopage
La course aux titres présente aussi ses côtés sombres, contre lesquels Panza l’entraîneur lutte avec véhémence : les drogues et le dopage :
« Je profite de votre article pour passer le message : ne pas toucher au doping, à ces facilités qui fracassent et finissent par vous tuer. Je trouve que votre démarche d’interviewer des anciens champions est très intéressante à cet égard : je suis toujours en activité, je boxe toujours avec tout le monde pour jouer, malgré ma prothèse de hanche et un accident de moto qui m’a arraché le genou à 19 ans. On m’avait dit alors que le sport était fini pour moi, pourtant je suis devenu champion du monde après. Il faut de la volonté et du travail. »
Ne pas encaisser de coups !
C’est l’une des prescriptions du Docteur KO à ses élèves. Il s’agit avant tout de durer, quitte à savoir abandonner lorsque les limites sont atteintes – ne serait-ce que temporairement. Il s’agit de boxer sans y laisser trop de plumes : d’ailleurs André Panza lui même ne présente pas trop de stigmates de se combats. Il avoue juste que ses mains sont toutes cassées aujourd’hui. C’est parce qu’il a vu trop de champions durer si peu de temps qu’il le répète à l’envi :
« Encaisser, surement pas ! Esquiver, je veux bien, mais encaisser, laissez ça pour les autres ! On ne s’habitue jamais à encaisser quoi que ce soit. Encaisser, c’est ne rien comprendre à la boxe, ni au judo d’ailleurs. Ce n’est pas parce que vous apprenez à chuter que vous êtes un bon judoka : vous devez faire chuter les autres, pas chuter. Quand un coup arrive en boxe, vous avez plusieurs choix : soit l’encaisser, ce qui est la toute dernière des options, soit esquiver, soit esquiver ET remiser, soit contrer et bloquer, soit anticiper. »
Un peu de violence pour rester zen
Pour arriver à faire les bons choix, il prescrit la « zen attitude », la même qu’il faudrait avoir au travail et dans la vie de tous les jours. C’est rejoindre, d’une certaine façon, la voie de ce qu’il appelle « les samouraïs, mais modernes » :
« On ne vit plus l’épée au côté, et même si les arts martiaux c’est la compétition, on ne doit pas mourir pour ce qu’on fait. Il faut faire les entraînements avec intelligence et parcimonie, privilégier la qualité à la quantité. Durer, c’est beaucoup mieux que de vivre pour mourir. »
On constate cependant une certaine « violence » – comme il le décrit lui-même, faute d’autres mots plus justes, dans sa manière d’entraîner. Il explique ce besoin de fermeté par cette nécessité de préservation. Cette façon d’entraîner est selon lui bien décrite dans le film De rage et de raison de Didier Asson :
« Il a su montrer le pourquoi du comment, parce que je ne veux pas que mes élèves prennent des coups. Je veux pouvoir me regarder dans la glace, ne pas envoyer les gens au casse-pipe. »
Panza Gym : pour tout le monde, de 4 à 90 ans
André Panza a monté sa propre salle d’entrainement il y a plus de 30 ans – faute d’être dans les circuits officiels qui lui auraient permis de s’entraîner ailleurs. Il n’est pas un homme d’affaires, comme il mentionne volontiers au sujet d’un jeu vidéo à son nom sorti dans les années 90 (cf. vidéo ci-dessous), mais il a tout de même fait grandir sa salle au fur et à mesure, jusqu’à racheter la totalité du bâtiment. Grand bien lui en a pris, puisque il y donne toujours des cours aujourd’hui, dans beaucoup de disciplines différentes, de la cardio-boxe à la lutte contact.
Les gens qui viennent s’entraîner chez lui, surtout ses aînés, sont ses sources d’inspiration :
« Mes meilleurs copains d’entrainement sont beaucoup plus âgés que moi, et ils sont en super forme. C’est ce que je regarde : comment, grâce au sport, on peut durer, comment on peut être mieux et pas cassé par le sport. »
Lui-même a une prothèse de hanche, ce qui ne l’empêche pas de sauter comme un cabri. Il estime que les activités qu’il propose peuvent aider à la rééducation après certaines blessures, et son expérience depuis 30 ans lui apporte des clés fondamentales à ce sujet. Tout comme un certain nombre de chirurgiens qui, selon lui, fréquentent assidûment la salle.
La cardio-boxe, discipline faite maison
L’une des disciplines reines est la cardio-boxe, un cours dynamique et joyeusement mixte (en âge, en genre et en niveaux sportifs), dont André Panza aurait inventé le concept il y a une trentaine d’années :
« Je conseille de commencer par de la cardio-boxe. C’est une discipline qui nous est spécifique, ce n’est pas du tout la même chose que dans les autres clubs, même si depuis le concept a été repris partout. Certaines personnes viennent pour le plaisir, pour le côté self-défense, ou le contact avec d’autres, comme dans n’importe quelle activité. Il y a aussi des gens qui viennent pour maigrir, pour leur bien-être. Et puis un faible pourcentage de gens viennent pour la compétition. »
L’ambiance est familiale, à commencer par les enfants d’André Panza lui-même, dont certains sont encore petits, qui courent sur les tapis en mousse. On va chez Panza de père en fils et de mère en fille. Il affirme accueillir parfois les enfants des enfants de ses premiers élèves !
À Strasbourg, bien sûr!
Le multiple champion du monde a fait le tour de la terre pour ses compétitions. Il estime qu’il aurait probablement encore mieux réussi s’il s’était installé aux États-Unis. Mais l’Alsace avait comme un petit goût de reviens-y. Pas question pour autant de nager comme « un gros poisson dans une petite mare » :
« Je suis quand même un alsaco. (rires) Un peu italien du côté de mon père, mais je suis né là. J’ai envie de continuer l’histoire ici. J’aime enseigner, ça me permet de me remettre en question. Tous les profs du coin sont passés par la salle. J’aide les gens à se former pour passer des diplômes, ouvrir leurs propres salles. Je travaille aussi pour la ligue bénévolement. Plus il y aura des gens bons, plus je dois être meilleur que les meilleurs : c’est ça qui m’intéresse. »
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