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Amalia Sartori, députée européenne : « Strasbourg, c’est comme aller en prison »

Amalia Sartori est députée européenne depuis 1999 (Parti Populaire Européen, centre droit). Tous les mois, elle se rend au Parlement européen de Strasbourg à l’occasion de la session plénière. Dans son témoignage, cette ancienne conseillère régionale du Veneto explique en partie les raisons du vote anti-Strasbourg des eurodéputés.

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Amalia Sartori, députée européenne : « Strasbourg, c’est comme aller en prison »

Amalia Sartori (Photo groupe PPE / FlickR / CC)
Amalia Sartori (Photo groupe PPE / FlickR / CC)

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Amalia Sartori est une élue du parti Il Popolo de la libertà (Le peuple de la liberté, centre-droit), le parti de Silvio Berlusconi. Après trois mandats locaux de 1985 à 1999 dans la région du Veneto en Italie, elle se présente aux élections européennes et devient députée pour la première fois en 1999. Elle a été réélue deux fois et depuis près de quinze ans, les allers-retours à Strasbourg l’insupportent.

Quand êtes-vous venue pour la première fois à Strasbourg ? Quelles avaient été vos impressions ?

En juillet 1999. On ne peut pas rester indifférent à la ville. On a vraiment l’impression d’arriver en Europe, là où il est normal de parler, travailler et vivre chaque jour avec des collègues venant de 27 pays (ndlr : aujourd’hui, en 1999 il y avait 15 Etats membres de l’Union Européenne). Je dois admettre que cela a été une expérience exaltante, puisque j’ai pu me faire une idée de ce que sera notre futur.

Avez-vous eu l’occasion de prolonger votre séjour dans la ville en dehors des sessions ?

Non. C’est déjà difficile de rester à Strasbourg pendant quatre jours tous les mois. Je suis toujours présente aux sessions plénières à Strasbourg et la présence ici est usante. A Bruxelles, on est organisés, on y habite, on a nos habitudes, tandis que venir ici c’est toujours un déplacement, 12 fois par an. J’arrive le lundi et je pars le jeudi. Ça suffit pour moi.

En quoi avoir une session parlementaire par mois à Strasbourg complique ou facilite votre travail ?

Ça le complique, sans aucun doute, car Strasbourg est mal desservie : on ne peut jamais faire l’aller-retour dans la journée. Quand on vient ici, on dit toujours que c’est comme aller en prison : quand on va au Parlement, il est difficile d’en sortir avant le soir. On peut tenir le même discours pour la ville en général.

Les eurodéputés ont-ils l’occasion de rencontrer un peu les Strasbourgeois ? Comment ont été vos échanges ?

Ces occasions sont vraiment rares. On rencontre les Strasbourgeois dans les hôtels, dans les restaurants, etc.

L’impression qui se dégage est que les eurodéputés sont considérés comme des « vaches à laits » pour le personnel des magasins ou des hôtels, qui donne l’impression de n’être guère habitué à traiter les touristes. La relation avec les citoyens strasbourgeois n’est pas très bonne. C’est comme s’ils se disaient qu’on se doit d’être à Strasbourg pour notre travail, par nécessité et pas par intérêt pour la ville. Mes collègues du Conseil de l’Europe, qui travaillent toute l’année à Strasbourg, le constatent aussi.

La ville est très jolie et intéressante, mais les personnes qui y travaillent ne donnent pas l’envie d’y revenir.

Il y a-t-il des endroits particuliers où vous aimez séjourner, dîner ou prendre un verre ?

Strasbourg est bien organisée et intéressante, malheureusement, je suis presque toujours au Parlement et je ne peux pas aller au centre-ville ou visiter la ville, sauf exceptionnellement. Il y a quelques semaines quand je suis allée à Colmar, j’ai fait la route des vins, etc. A Colmar aussi je n’ai pas aimé l’approche des vendeurs ou du personnel hôtelier.

Pour dîner le soir, on se retrouve souvent avec les collègues de la délégation italienne qui préfèrent manger dans des restaurants italiens, comme « La Casella », « Trattoria da Giovanni », « La Trattoria », « Il Girasole » etc. Personnellement, j’aime beaucoup la « Cloche à Fromages », c’est un endroit spécial, parfois je vais aussi au « Crocodile », même si à mon avis il est surcoté.

Pour mes achats, je vais presque toujours dans des magasins qu’on peut qualifier « d’internationaux », notamment quand j’ai eu besoin d’acheter des cadeaux.

Votre travail à Strasbourg est-il différent par rapport à Bruxelles ?

A Strasbourg on a une surcharge de travail, car beaucoup d’évènements sont organisés pendant les sessions plénières. C’est très intense. On est sûr que presque tous les eurodéputés sont présents pendant les sessions plénières, tandis qu’à Bruxelles, pendant les travaux des commissions, la présence des députés est plus étalée dans la semaine.

Le siège du Parlement européen à Strasbourg est aujourd’hui contesté, quelle est votre position dans ce débat ?

Je comprends parfaitement pourquoi, dans les traités, on a décidé d’avoir différents sièges pour les institutions européennes. Pourtant je crois qu’il faut bien se rendre compte de la situation : oui, peut-être l’Histoire a donné à la Belgique un privilège que d’autres États pouvaient également mériter, mais je ne parle pas de ce qui est juste ou pas. Je veux dire que la réalité, c’est que le lieu principal et central de notre travail est à Bruxelles et il est de plus en plus nécessaire de collaborer avec le Conseil de l’Union Européenne et la Commission, qui sont aussi à Bruxelles.

C’est compréhensible que Strasbourg, l’Alsace et la France en général veuillent garder un rôle important, c’est pourquoi je propose de créer à Strasbourg un centre d’excellence. Il y a quelques années, au début de cette législature, j’ai envoyé une lettre à Nicolas Sarkozy en lui disant qu’avec la crise économique, il est difficile de justifier les dépenses des déplacements. Certes, il y en a qui défendent idéologiquement Strasbourg, en soutenant que le siège unique doit être là, mais ça ne résout pas les problèmes de communication avec les autres institutions à Bruxelles.

C’est pourquoi je pense que ce serait bien que la France, qui est connue dans le monde entier pour avoir la plus importante Ecole Nationale d’Administration (ENA), instituait une Ecole d’Administration européenne. On en a de plus en plus besoin, à tous les niveaux de « gouvernance », d’un personnel qui soit préparé et qui connaisse les enjeux européens. Strasbourg serait la ville idéale pour le faire, à mon avis, et on pourrait enfin exploiter la ville 365 jours par an.

D’autres propositions ont été faites : faire de Strasbourg la citadelle de la sécurité, celle de la justice etc. Pour la France et pour toute l’Europe, il faut en parler et trouver une solution faisable et surtout utile.

Comment pensez-vous que les citoyens strasbourgeois, mais aussi français et européens puissent mieux comprendre les enjeux qui sont débattus au Parlement européen ?

Les organes d’information ont un rôle fondamental à jouer. On est en train de travailler sur cela, mais ce serait une erreur de développer des moyens purement « européens » pour le faire. Je crois que c’est aux média nationaux de donner plus d’importance à l’Europe. On a besoin de journalistes compétents et préparés sur les thématiques européennes et aujourd’hui il n’y en a pas beaucoup.

Je parle aussi des journalistes qui travaillent au niveau national : souvent les nouvelles venant du correspondant de Bruxelles sont, à tort, considérées comme moins importantes que d’autres nouvelles nationales.

Remerciements à Andrea Chiarello pour la réalisation et la traduction de cet entretien.


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