Michel Lucas est avare de mots. Mais lors d’une conférence de presse vendredi où il s’est félicité d’avoir réussi à dégager 1,8 milliard de bénéfices pour son groupe, le PDG du Crédit Mutuel a quand même eu un mot pour les journalistes qu’il s’est offerts au cours de l’année 2011 : » Il y a deux fois plus de journalistes côté est [de la France] que du côté ouest « . Ça, c’est dit. Et s’il leur prend de faire grève pour s’opposer à être contraints de faire le même boulot en étant deux fois moins, Michel Lucas répond : » Je m’en fous, j’ai la trésorerie pour tenir « . Transmis aux clients-sociétaires, qui seront sûrement ravis d’apprendre l’utilisation qui est faite de leurs frais de tenue de compte. Quant à la chaîne de télévision Alsace 20 qui faisait partie du même paquet, Michel Lucas n’a pas caché son désintérêt pour elle et a annoncé vouloir la vendre.
« 300 000 Alsaciens nous regardent chaque semaine »
Les 15 salariés de la chaîne n’ont pas sursauté à cette annonce. Lorsque Michel Lucas est passé dans les locaux des DNA, où est installée la chaîne, en août 2011, ce dernier avait indiqué qu’il procéderait avec le groupe de l’Est-Républicain, dont dépendent les DNA, comme avec celui du Progrès à Lyon, que le Crédit Mutuel avait racheté quelques mois plus tôt. Du coup, les salariés d’Alsace 20 se sont renseignés et se sont aperçus que Michel Lucas a vendu la télévision lyonnaise qui appartenait au Progrès, TLM.
Olivier Hahn, directeur d’Alsace 20, confirme l’existence d’un projet de reprise:
« Il nous a fallu tout ce temps depuis notre création en 2009 pour parvenir à une équipe stable et à un modèle économique valide. Ce serait dommage de l’abandonner maintenant ! Actuellement, 300 000 alsaciens nous regardent au moins une fois chaque semaine et cette audience est en progression mécanique, au fur et à mesure des migrations des télévisions sur le numérique. Par ailleurs, nous ne perdons pas beaucoup d’argent : 300 000€ sur un budget annuel de 1,8 million d’euros. L’équilibre est à portée de main. Donc, on compte bien être sur les rangs pour racheter la chaîne à Michel Lucas puisqu’il veut la vendre, mais une fin d’Alsace20 n’est absolument pas à l’ordre du jour. »
Le CSA a son mot à dire dans le rachat
Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aura son mot à dire. La fréquence TNT qui a été concédée à Alsace 20 pour cinq ans comporte des clauses de production minimale de contenus originaux et régionaux*. Selon Olivier Hahn, ces clauses empêcheront qu’un repreneur national reprenne la télévision régionale sans des garanties équivalentes :
« Même si Mirabelle TV ou si le groupe NRJ concourent au rachat d’Alsace20 pour s’approprier cette fréquence, le CSA pourrait s’y opposer. Et si la fréquence est libre, nous proposerons le seul projet avec une ligne éditoriale à 100% régionale. »
A Lyon, TLM a survécu au changement de propriétaire, malgré une cure d’amaigrissement, comme l’explique son directeur, Jean-Pierre Vacher:
« OL TV voulait reprendre la fréquence, mais notre projet avait la préférence des salariés. Nous avons dû nous séparer de six personnes et ramener le budget de 4,5 à 3,5 millions d’euros. Nous en avons profité pour rajeunir l’image, moderniser la chaîne et améliorer notre site web. Nous ne sommes pas encore rentables, mais nous réduisons nos pertes. Nous avons trois ans pour atteindre l’équilibre. »
Reste que si Michel Lucas ne voit pas d’avenir économique radieux aux chaînes régionales, lui qui avec 1,8 milliard d’euros de bénéfice ne veut même pas combler les 300 000€ de déficit annuel d’Alsace 20, on voit mal qui en Alsace aurait la surface financière pour proposer un projet de développement ambitieux. Mais la nouvelle aventure d’Alsace 20 ne fait que commencer…
L’identité régionale à l’écran
Depuis sa création, Alsace 20 parcourt la région et nous ramène des pépites. Comme ce sujet dans le village de Delphine Wespiser, au lendemain de son élection au statut de Miss France 2012.
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