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En Allemagne, des associations et des élus se mobilisent contre le « scandale environnemental » de Stocamine

Outre-rhin, des associations écologistes, des élus et même la représentante de l’État allemand à Fribourg demandent le déstockage le plus important possible des déchets toxiques de Stocamine. La nappe phréatique rhénane, menacée de pollution, alimente des millions d’Allemands en eau potable.

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En Allemagne, des associations et des élus se mobilisent contre le « scandale environnemental » de Stocamine

Stocamine a des opposants au-delà des frontières. Des écologistes allemands prennent position contre cette décharge souterraine depuis les années 90 et sa présentation du projet par l’État français. À l’époque, la branche de Fribourg du Bund (l’équivalent allemand d’Alsace Nature) a participé à de nombreuses manifestations avec le collectif Déstocamine.

Pour rappel, trois ans après le début de l’activité de Stocamine, un incendie a mis fin à l’activité du site en 2002. Depuis, 42 000 tonnes de déchets toxiques sont restés dans la mine et l’État souhaite les confiner définitivement par un sarcophage de béton sous la nappe phréatique rhénane, réserve d’eau potable d’au moins 5,6 millions de personnes en Alsace, en Allemagne et en Suisse.

« Si un jour l’approvisionnement en eau potable en Alsace est menacé par ces produits toxiques, cela nous concerne tous », considère Stefan Auchter, directeur du Bund du Rhin supérieur sud depuis 2020. Interrogé par le Badische Zeitung en 2018, son prédécesseur, Axel Mayer, qualifiait déjà Stocamine et le fait que le gouvernement français n’ait pas décidé de sortir les déchets comme l’un des plus grands scandales environnementaux dans la vallée rhénane.

Des militants du Bund manifestent contre Stocamine en 2002. Photo : remise

Participation à l’enquête publique et à un appel aux dons

En avril 2023, le Bund a appelé les Allemands à participer à l’enquête publique dans le cadre de la nouvelle procédure pour l’enfouissement des déchets toxiques. L’association a mis en ligne des ressources complètes pour tous ceux qui voulaient participer, y compris une aide à la traduction pour le site officiel de l’enquête publique. « Plus il y a de participants, plus il y a d’espoir que l’enfouissement ne soit pas réalisé », soulignait Stefan Auchter en mai.

En conséquence, le Bund s’est également associé à l’appel aux dons d’Alsace Nature en juillet pour financer une expertise indépendante visant à démontrer que l’extraction des 42 000 tonnes de déchets est possible. Le Bund a collecté une contribution et prévoit de la remettre prochainement à son équivalent français.

Même Bärbel Schäfer, la Regierungspräsidentin de Fribourg (équivalent d’un préfet français) a publié un communiqué début mai exprimant son inquiétude concernant Stocamine. Elle estimait alors que « la France doit prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer au maximum les déchets dangereux, sécuriser efficacement la décharge et surveiller en permanence la nappe phréatique ». Bärbel Schäfer a également demandé davantage de transparence sur la composition des déchets stockés dans la décharge.

Des Allemands ont manifesté contre Stocamine devant le consulat français à Francfort le 31 août. Photo : remise / L’Alterpresse68

Des députés mobilisés

Vingt parlementaires écologistes allemands et français ont signé une lettre ouverte en mai 2021 adressée à Emmanuel Macron pour demander de suspendre la décision de confinement. Parmi eux : Josha Frey, le député écologiste (Bündnis 90-Die Grünen) de la circonscription de Lörrach, à côté de Saint-Louis. Ce dernier a aussi présidé le Conseil du Rhin supérieur, un parlement trinational de la région du Rhin supérieur composé de représentants élus des régions frontalières du Sud-Palatinat, de l’Alsace, du Bade-Wurtemberg et du nord-ouest de la Suisse. Ce conseil a adopté à l’automne 2021 une résolution demandant la « réduction du risque de pollution des eaux souterraines dans le bassin versant du Rhin par l’application du principe de précaution ». Cette formulation diplomatique signifiait le souhait que le gouvernement français ne décide pas de laisser les déchets toxiques sous terre.

Déjà en 2019, le Conseil du Rhin supérieur s’était prononcé en faveur de l’extraction des déchets. Dans une lettre de mars 2020, Josha Frey a également tenté de sensibiliser le ministère fédéral allemand de l’Environnement concernant Stocamine. Selon lui, « si l’on considère la vallée rhénane comme un espace de vie transfrontalier commun, il est important, surtout dans le cadre d’une question environnementale controversée comme Stocamine, de souligner que la solution intéresse également outre-rhin ». Le ministère fédéral s’est estimé incompétent sur le sujet et a renvoyé vers la Regierungspräsidentin de Fribourg, d’où le communiqué de Bärbel Schäfer en mai.

Une manifestation à Francfort

Une autre initiative politique émane du député libéral de Fribourg, Christoph Hoffmann (FDP). Membre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, il a initié la rédaction d’une lettre à destination du ministre français de la Transition écologique Christophe Béchu. Cette dernière a été signée par un groupe de députés de la région de Fribourg et envoyée en juin 2023 :

« À la lumière du réchauffement climatique et de l’augmentation des périodes de sécheresse, la ressource en eau dans la vallée du Rhin est un trésor commun précieux qu’il faut absolument préserver. En outre, du point de vue de l’économie, les coûts d’une éventuelle pollution de la nappe phréatique dépassent de loin à long terme les coûts d’une extraction plus poussée. »

Les militants du collectif Endfossil occupy Frankfurt s’estiment concernés par Stocamine comme la nappe phréatique rhénane est aussi leur source d’eau potable. Photo : remise / L’Alterpresse68

Entre-temps, des activistes environnementaux ont également pris conscience de la question de Stocamine. Le 31 août, des manifestants se sont rassemblés devant le consulat général français de Francfort. L’action a été initiée par Eva, une étudiante allemande de 25 ans, membre d’Endfossil occupy 
Frankfurt. Des militants de cette organisation prévoient de se rendre à une manifestation contre Stocamine samedi 23 septembre à Wittelsheim. Ces activistes ont même créé une page Instagram multilingue dédiée à Stocamine. « La question de l’eau devient de plus en plus importante », argumente Eva : « Pour des problématiques si près de chez nous, nous devons renforcer notre réseau au-delà des frontières. »


Dans le dossier Stocamine, l’État n’a pas seulement renié sa promesse initiale de déstocker les déchets ultimes. Il a délibérément fermé les yeux sur la faisabilité du déstockage. Il continue de nier les risques pour la qualité de l’eau potable et semble oublier la gestion chaotique du centre d’enfouissement avant sa fermeture.

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