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À cause de la chaleur, l’agriculture alsacienne peine à produire du chou

En Alsace, les températures exceptionnellement hautes et le manque de pluie en automne impactent des cultures emblématiques de la région, comme celle du chou à choucroute. Elles imposent de réfléchir à une évolution vers des pratiques agricoles qui préservent davantage les sols et à la plantation d’autres types de fruits et de légumes.

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À cause de la chaleur, l’agriculture alsacienne peine à produire du chou

28°C le 11 octobre à Strasbourg. Et 30°C mesurés au sol dans les champs de la plaine d’Alsace. Depuis le début du mois de septembre, qui a été le plus chaud jamais enregistré en France, les conditions météorologiques ont un impact sur les exploitants agricoles alsaciens. D’après l’observatoire de la nappe d’Alsace (Aprona), le cumul des précipitations pendant le mois de septembre 2023 est de 30 millimètres par mètre carré – une baisse de 58% par rapport à la normale de référence sur la période 1991-2020. En comparaison, en septembre 2022, 120 millimètres de pluie par mètre carré s’étaient cumulés en Alsace.

Des producteurs de Colza retournent leurs cultures

« Ce stress thermique et hydrique n’est pas normal à cette époque. Théoriquement, on a toujours de la pluviométrie en automne qui permet de lever les cultures (de les faire pousser, NDLR) », explique François Lannuzel, conseiller grande culture à la chambre d’agriculture Alsace. Son travail consiste à recommander aux agriculteurs quand semer du maïs, du soja, du colza, de l’orge et du blé ou comment s’adapter aux paramètres climatiques.

Selon lui, le colza est la grande culture la plus touchée :

« Les agriculteurs qui ont semé le colza après le 20 août sont souvent en difficulté, car ils n’ont pas bénéficié des précipitations de cet été. Le sol était déjà asséché. De nombreux pieds n’ont pas levé. Lorsqu’ils se sont rendus compte qu’ils auraient des rendements trop faibles, des agriculteurs ont entièrement retourné leurs champs de colza pour planter des cultures d’hiver. Ce cas de figure est principalement arrivé dans le nord de l’Alsace. »

François Lannuzel observe aussi pour la première fois la prolifération précoce dans le colza du charançon, un petit insecte ravageur, présent début octobre alors qu’il n’apparait qu’à la fin du mois habituellement. « Je ne sais pas encore si les conséquences seront importantes vu que c’est la première fois. Mais en général, plus un ravageur attaque tôt, plus il est néfaste », s’inquiète le conseiller de la chambre d’agriculture.

Des agriculteurs alsaciens voient leurs productions altérées par le dérèglement climatique. (Photo Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg)Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Tension pour le blé et l’orge

Début octobre, les semis du blé et de l’orge débutent en Alsace. « Cette année, on dit aux agriculteurs d’attendre parce qu’il n’y a pas de pluie. Si on positionne une graine maintenant, elle ne va pas germer », assure François Lannuzel :

« Si le manque de pluie perdure encore un mois, le rendement sera impacté car les semis seront faits trop tard dans l’année, le sol sera devenu trop humide. Les plants risqueront donc d’avoir du mal à lever. »

Le spécialiste des grandes cultures expose cependant que la sécheresse automnale arrange les maïsiculteurs : « Les grains de maïs sont à 20% d’humidité au lieu de 35%. Les coopératives agricoles qui sèchent le maïs doivent arriver à 15%, donc cela fait baisser leurs coûts. »

Les grains de maïs sont plus secs que les années précédentes. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Fabien Digel, directeur de l’interprofession Fruits et légumes d’Alsace, affirme de son côté que les poireaux et les navets semés tôt et censés être récoltés en décembre, janvier et février arrivent à maturité en octobre :

« Le cycle est plus rapide à cause de la chaleur. On invite les consommateurs à les préparer dès maintenant. Ce n’est pas encore dans les habitudes car ils sont souvent mangés sous forme de soupes mais ils peuvent aussi être préparés en salades. »

Des choux invendables

Surtout, les choux à choucroute ont du mal à se développer : « Ils ont besoin de fraicheur. Théoriquement, la diminution des températures en octobre leur permet de grossir. Là ce n’est pas le cas, la chaleur freine leur croissance », remarque Fabien Digel.

Julien Scharch, maraîcher à Saessolsheim et trésorier de Bio en Grand Est, abonde :

« Ça devient très difficile de produire du chou à choucroute en Alsace. Beaucoup sont invendables, ils ont des calibres trop petits et sont attaqués par des ravageurs favorisés par les hautes températures. La fameuse choucroute alsacienne n’existera peut-être plus dans 20 ans si la situation empire. De manière générale, tous les légumes qu’on cultive historiquement dans la région, la pomme de terre, l’oignon ou la carotte, ont du mal à se développer à cause de la sécheresse. Et ils sont attaqués par des insectes comme la mouche mineuse qui n’arrive en Alsace que depuis quelques années. »

Julien Scharch constate que ses choux sont attaqués par des ravageurs et plus petits que d’habitude à la même période de l’année. Photo : remise

Les rendements de Florent Ades, producteur de choux à Krautergersheim, sont aussi en baisse en 2023, bien qu’il ne puisse pas donner de chiffre, la saison n’étant pas terminée : « L’irrigation est devenue indispensable. Heureusement, on a une variété de choux, avec des longues racines, qui résiste mieux à la sécheresse. » Les producteurs investissent dans du matériel d’irrigation comme des enrouleurs et des groupes électrogènes, ce qui augmente fortement le coût de production.

Yanis Angsthelm, responsable commercial de la choucrouterie Angsthelm et Fils, indique que son prix d’achat a augmenté de 50% en 4 ans, soit de 120 euros la tonne en 2023 contre 87,5 euros en 2019 : « C’est une période difficile parce que dans le même temps, les supermarchés nous demandent de baisser nos prix face à l’inflation. »

Une évolution des espèces cultivées ?

Entre les pertes, l’irrigation nécessaire face à la sécheresse et l’installation de moustiquaires contre des ravageurs, la météo de l’automne 2023 engendre un surcoût d’environ 20% pour l’exploitation de Julien Scharch. Ce dernier est déjà durement impacté par l’inflation qui augmente les charges d’électricité pour les chambres froides et le carburant des tracteurs. Julien Scharch a été contraint de réduire sa surface cultivée de 35 à 25 hectares et son effectif d’ouvriers agricoles de 28 à 20 employés.

Les tomates, poivrons, courgettes et aubergines poussent de mieux en mieux en Alsace. (Photo DC / Rue89 Strasbourg)Photo : DC / Rue89 Strasbourg

Le maraîcher réfléchit à cultiver davantage de « légumes ratatouille », des courgettes, des aubergines, des poivrons et des tomates :

« Ces espèces d’ordinaire plutôt méditerranéennes poussent de mieux en mieux chez nous. Mais on n’a pas encore une demande suffisante et ils ne se vendent que trois mois dans l’année, en été. Je réfléchis aussi à trouver des variétés des espèces de légumes qu’on a l’habitude de cultiver et de consommer en Alsace mais qui viennent du sud et sont plus adaptées au changement climatique. »

Fabien Digel évoque aussi une étude menée au verger expérimental Verexal à Obernai sur la production de kiwis et d’amandes dans la région. « La poire et la cerise s’adaptent bien à la chaleur », ajoute le directeur de l’interprofession des Fruits et légumes d’Alsace.

Pour Julien Scharch, l’adaptation la plus efficace des agriculteurs alsaciens serait de réenrichir le sol, avec des engrais verts et des plantations d’espèces comme le trèfle ou la luzerne entre les cultures pour ne jamais laisser la terre nue. « L’idée, c’est de se rapprocher des sols forestiers, avec une meilleure capacité à retenir l’eau et à tamponner les coups de chaleur », résume t-il.


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