« C’est pas qu’on a perdu l’année dernière, c’est qu’on n’a pas gagné », résume Jérôme, des Jeunes Agriculteurs. Accompagné d’une centaine d’agriculteurs de son syndicat et de la FDSEA (syndicat majoritaire), le salarié agricole Wissembourgeois manifeste devant le centre commercial de Rivetoile à 14h, ce mercredi 9 février. Une cinquantaine de tracteurs venus notamment de Brumath et de Truchtersheim sont stationnés devant l’enseigne Leclerc, accusée par les agriculteurs de négocier des prix trop bas pour permettre une rémunération suffisante pour eux.
Vers 14h50, le président de la FDSEA du Bas-Rhin, Franck Sander, chevauche la palette du tracteur et les packs de bières pour rappeler les derniers succès de ces manifestations. Comme la dernière action des agriculteurs le 30 avril 2021, venus avec leurs tracteurs devant le parlement Européen, qui avait abouti à rendre l’accès à certaines aides de la PAC plus facile. Quelques minutes plus tard, à l’appel des syndicats, ils convergent dans le magasin, sous les regards hébétés des vigiles, pour s’introduire dans les rayons, sans grand tumulte.
Des étiquettes et des bâches sur les produits pas chers
Armés d’étiquettes et de bâches, les agriculteurs ciblent surtout les produits qui ne respectent pas les prix des agriculteurs locaux. Gauthier Kempf pointe un paquet de jambon premier prix dans le rayon :
« Ce sont ces marques qui ne rémunèrent pas bien. Elles sont en grande partie des produits importés et viennent d’exploitations industrielles. »
Pour la FNSEA, l’objectif est d’inclure les prix de production dans le prix d’achat des matières premières, par les industriels et surtout par les moyennes et grandes surfaces en fin de chaîne. Mais puisque les coûts de production agricole augmentent (+ 13,6% en septembre 2021, + 14,3 % hors fruits et légumes), les agriculteurs souhaitent compenser en augmentant le prix de ventes de leurs matières premières, notamment aux grandes et moyennes surfaces (GMS).
Une augmentation des prix de production
La loi Egalim 2, censée permettre une rémunération plus juste pour les agriculteurs, est actuellement en cours de négociation. Julien Koegler, président des Jeunes Agriculteurs du Bas-Rhin, s’inquiète de la tournure des événements :
« L’enseigne E. Leclerc a démarré les négociations en demandant une baisse d’environ 2% du prix d’achat de tous les produits. Comment voulez-vous attirer les jeunes agriculteurs quand la grande distribution est aussi forte ? »
Julien Koegler estime en parallèle une baisse de prix de vente pour les agriculteurs de 16% tous secteurs confondus. Thierry Willem, exploitant laitier à Marmoutier, pointe le PDG de E. Leclerc :
« Michel-Edouard Leclerc est le roi de la com’. Il se fait le défenseur des consommateurs en mettant la pression sur les producteurs. Nous éleveurs laitiers, pour compenser les coûts, il nous faudrait plus de 400 euros pour 1 000 litres. Le prix de maintenant est de 340 euros pour 1 000 litres. Cela ferait une augmentation de 0,40 euros le litre de lait : ce n’est pas ça qui va tuer le consommateur. »
Sur fond d’inflation
« On est pris dans la tenaille, tout augmente » appuie au contraire Claude, qui choisit le pâté en croûte en promo un rayon plus loin. L’inflation était de 1,6% en 2021, un taux jamais atteint depuis 2018. Même s’il soutient la démarche des agriculteurs, il émet des réserves :
« Le reproche que je peux faire aux producteurs alsaciens, c’est que lorsque l’on va acheter dans les petites fermes, c’est quand même très cher. Si eux faisaient l’effort de faire des tarifs attractifs, on ferait aussi l’effort d’acheter plus cher dans les grands magasins. »
Liliane au contraire, pense qu’il vaut mieux acheter moins mais local. Elle convient tout de même : « Moi j’ai pratiquement gardé mon salaire à la retraite, donc ce n’est pas un problème. C’est pour les familles nombreuses que cela doit être difficile. »
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