« Je vais au travail le cœur serré et la boule au ventre. » Noémie (le prénom a été modifié) supporte de moins en moins ses journées derrière le guichet SNCF de la gare de Strasbourg. À l’appel du syndicat CGT, les agents de l’espace vente seront en grève dans la matinée du mardi 4 juin. Ils manifesteront devant la gare, côté tram C, près de leur lieu de travail. La liste de leurs reproches est longue : « suppressions de postes, fermeture de guichets, les conditions d’accueil et de travail (temps d’attente interminable), le sous-effectif chronique… » Et Noémie va plus loin encore : « La SNCF casse le service de vente pour décourager les gens de venir nous voir. Après, c’est facile de dire que l’achat sur Internet fonctionne mieux. Parfois, j’ai l’impression que mon outil de travail est saboté. »
Noémie, entre stress et colère
Chaque jour, Noémie doit faire face à des clients attendant plus d’une heure trente, parfois deux heures. Elle décrit son quotidien comme une impasse infernale :
« L’attente crée une colère chez les usagers et un stress chez nous. On ne peut plus bien faire notre travail en prenant le temps de conseiller les clients. Ça fait des mois qu’on est dans dans cette situation. Si les usagers avaient une importance pour la direction, des mesures auraient déjà été prises. »
Fermeture de boutique et sous-effectif
La fermeture du point de vente situé au centre-ville n’a pas amélioré la situation. Ses anciens clients vont maintenant à la gare, comme l’explique Noémie : « À chaque fermeture de boutique, une nouvelle clientèle se rend chez nous. La gare centrale est devenue le seul point de vente SNCF à Strasbourg. Sauf qu’on n’est clairement pas assez nombreux pour répondre à la demande des touristes, des Alsaciens qui partent en vacances, des personnes âgées… »
Et des problèmes techniques…
La vendeuse, attachée à l’idée d’un service de qualité, regrette aussi la dégradation de son outil de travail. « Certains logiciels ne nous permettent plus de produire certains billets de train, comme des correspondances TGV-TER », raconte-t-elle. Dans le dernier espace-vente SNCF à Strasbourg, les bugs informatiques s’accumulent : « Des fenêtres pop-up qui s’ouvrent automatiquement et nous forcent à fermer toutes nos fenêtres, des problèmes d’affichage de prix, qu’on trouve sur internet mais pas sur notre logiciel… » Résultat : les agents de vente sont parfois obligés d’utiliser des logiciels vieux d’une quinzaine d’années : « On contourne le système de vente actuel pour retourner à un mode “dégradé” afin d’avoir les tarifs souhaités par les gens. »
Un avenir « flou » et « anxiogène »
Noémie exprime son pessimisme face son avenir :
« L’équipe encadrante ne nous soutient pas et on manque d’informations sur la réorganisation de notre espace de vente. On ne sait pas bien combien de postes vont être supprimés. C’est anxiogène quand même, de ne pas savoir si j’aurai toujours le même travail dans quelques années… »
Arnaud Feltmann, responsable CGT cheminots, confirme ce flou autour de l’avenir de la boutique en gare de Strasbourg. Comme Rue89 Strasbourg le révélait, le nombre de guichets doit passer de 14 à 10. L’opération doit permettre l’installation de l’espace « Grand voyageurs ». Mais des discussions ont encore lieu au niveau de la direction pour définir le projet final… À la veille de la manifestation des cheminots à Paris, le syndicaliste évoque un ras-le-bol dans plusieurs services :
« La Région Grand-Est veut nous utiliser comme un laboratoire de la privatisation et David Valence (vice-président de la Région, délégué aux Transports, ndlr) continue d’entretenir le flou sur le sujet. Mais nous refusons d’être des rats de laboratoires. Nous dénonçons une situation où nous ne pouvons plus remplir nos missions de service public. Des petites lignes vont être cédées à des concessionnaires privées, (comme la ligne Epinal-Saint-Dié) et nous ne croyons pas que ça soit une bonne nouvelle pour les usagers. La SNCF sous-traite de plus en plus et perd son savoir-faire dans la maintenance. L’intercité Paris-Strasbourg a fermé du jour au lendemain… Pour nous, la coupe est pleine. On ne peut plus continuer comme ça. Plus d’une centaine de cheminots strasbourgeois iront exprimer leur ras-le-bol à Paris demain. »
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