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Affaire Naomi Musenga : le paracétamol hors de cause selon une contre-expertise

Une contre-expertise médicale explique la mort de la jeune femme, que le Samu n’avait pris en charge lors de son premier appel, par un accident vasculaire abdominal. Cette analyse autorisée par la justice contredit la thèse officielle d’une intoxication au paracétamol jusque-là privilégiée par l’institut médico-légal de l’hôpital et repris par l’enquête de la procureur.

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Affaire Naomi Musenga : le paracétamol hors de cause selon une contre-expertise

Près de quatre ans après le décès de Naomi Musenga, la contre-expertise médicale, à laquelle Rue89 Strasbourg a eu accès, donne un nouvel éclairage sur la mort de la jeune femme. Malgré son appel de détresse, le 29 décembre, l’opératrice des secours s’était d’abord moquée d’elle et le Samu ne s’était déplacé que dans un second temps.

Les conclusions de trois médecins basés à Lille rédigées en octobre 2021, viennent infirmer la thèse jusque-là privilégiée par la procureure de la République, Yolande Renzi, à savoir une intoxication au paracétamol. Une manière d’évoquer une tentative de suicide, qui déresponsabiliserait en partie l’hôpital. Dans son communiqué le 11 juillet 2018, le parquet reprenait alors les conclusions de l’expert médical Jean-Sébastien Raul, médecin responsable de l’Institut de médecine légale, mais également salarié des hôpitaux universitaires mis en cause. Une situation de conflit d’intérêts que personne n’avait soulevée.

« Un état de choc abdominal »

« La mort de Naomi Musenga est liée à l’évolution dramatique d’un état de choc abdominal », conclut la dernière phrase du rapport des trois experts lillois. Cette conclusion vient faire écho au rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui mettait également en doute cette hypothèse d’une intoxication au paracétamol.

Les conclusions pointent notamment que « l’analyse histologique du foie ne correspond pas au diagnostic d’une hépatite fulminante au paracétamol ».

À la lecture de ces conclusions, le médecin hospitalier interniste et infectiologue Stéphane Gayet explique comment est survenue la mort de la jeune femme :

« Un accident vasculaire abdominal n’est pas fréquent. Il arrive d’autant moins souvent chez des personnes qui ressemblent à Naomi Musenga, mais plutôt chez des personnes de plus de 50 ans, obèses ou qui fument. Elle a vraisemblablement eu une artère bouchée, une thrombose, puis une hémorragie, ce qui fait très mal. Comme on peut l’entendre dans l’enregistrement, elle souffrait beaucoup. SOS Médecins avait vu que c’était grave. Cela contredit la thèse du paracétamol pour lequel il faut une prise massive, ce qui n’a jamais été son cas, et qui aurait provoqué des vomissements. »

Cette contre-expertise avait été refusée par l’instruction, mais autorisée par la cour d’appel de Colmar. Elle fait suite à une expertise privée, financée par la famille de la victime, qui a dû insister pour qu’un expert en maladies du système digestif figure dans le collège d’experts.

Naomi Musenga en 2006 (photo famille Musenga / doc remis)
Près de 4 ans après le décès de Naomi Musenga, une contre-expertise apporte un regard nouveau. (photo famille Musenga / doc remis)Photo : Famille Musenga / document remis

« Naomi n’est pas morte en vain »

La famille se rappelle du jour où la thèse du paracétamol a été connue du grand public. La veille, ils étaient dans le bureau de la procureur Yolande Renzi. « Je lui ai demandé de ne rien dire là-dessus tant qu’on n’en savait pas plus. En tant que mère, je sais que ma fille n’a pas essayé de s’empoisonner au paracétamol », raconte sa mère Honorine Musenga. La suite, c’est sa soeur Louange qui raconte : « Elle nous a dit, “je ne parle jamais aux journalistes” ».

Le lendemain, la famille était reçue par la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn. Rien de concret n’est ressorti de l’entrevue, mais une fois dans la rue : « On a entendu des gens parler du paracétamol dans notre langue d’origine », poursuit Louange. Ce 11 juillet 2018, Yolande Renzi avait alors publié un communiqué qui citait le paracétamol comme raison probable de la mort de Naomi.

Malgré ces souvenirs douloureux, Honorine Musenga estime que sa « fille n’est pas morte en vain » :

« Grâce à Naomi, on a su qu’il se passait des choses terribles au Samu. Même si elle ne cite jamais son nom, la ministre de la Santé a ordonné une nouvelle formation pour le Samu. »

Un rebondissement dans l’enquête

Pour Louange « c’est maintenant que ça commence ». La famille doit d’abord récupérer l’ensemble du rapport. Et espère démontrer dans le cadre de l’enquête « qu’on aurait pu la sauver avec une bonne prise en charge ». Sur ce point, les conclusions du rapport sont plus prudentes et ne relèvent pas de « carence ou d’anomalie dans le cadre de la prise en charge ».

Aucune date n’est encore annoncée pour la fin de l’instruction. La famille se demande, entre autres, pourquoi aucune autopsie n’a été pu être réalisée entre mort de Naomi survenue le 29 décembre 2017, et le mercredi 3 janvier 2018. Pendant le deuil familial, le corps a été exposé en dehors de la chambre froide, ce qui a contribué à la détérioration de son état et compliqué les analyses.

Pour Honorine Musenga, c’est aussi l’honneur de sa fille qui se voit réhabilité :

« Il faut que les Français qui ont suivi cette affaire et eu connaissance de cette fausse idée sachent la vérité. Notre fille a été faussement accusée de s’être donné la mort. Notre but n’est pas de dire que l’hôpital est criminel, mais qu’il a fait une erreur, qu’il doit tout faire pour ne pas recommencer, le reconnaître et s’en excuser. »


#Samu

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