Ce mardi matin, Koenigshoffen se réveille par un concert de sonnettes et de sifflets. Traversant le quartier, un cortège réunissant pêle-mêle des AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), des enseignants et des parents d’élèves, tente de faire le plus de bruit possible pour se faire entendre. Marchant de l’école Camille Clauss jusqu’au rectorat de l’Académie de Strasbourg, la manifestation alerte sur la faiblesse du salaire, les problèmes récurrents d’effectifs et l’absence d’un vrai statut pour les AESH.
La mobilisation répond à l’appel national lancé par plusieurs syndicats de l’éducation, comme la FSU, la CGT Éduc’action, ou la FCPE. À Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont mobilisées pour tenter de faire entendre leurs revendications. Les écoles élémentaires Camille Clauss à Koenigshoffen et Marcelle Cahn à Poteries étaient fermées ce matin.
Peu d’attractivité, peu d’effectif
Malgré la taille réduite du cortège, les AESH paraissent satisfaites. « L’année dernière, pour une manif similaire, on était qu’une quinzaine », glisse Kankou, AESH à l’école du Hohberg. Même satisfaction pour Dalenda, qui travaille dans l’école primaire Camille Clauss. « J’avais l’impression d’être incomprise. Mais le fait de voir tous les enseignants nous suivre, ça nous réconforte, on avait besoin de ça. »
Au sein de son établissement, enseignants et AESH profitent de la journée pour alerter le rectorat sur une absence d’effectifs qu’ils jugent intenable : pour dix élèves notifiés en situation de handicap, ils ne disposent que de trois accompagnants et demi. En plus des enfants et des parents d’élèves, la situation affecte le reste du personnel, comme Justine qui enseigne à Camille Clauss :
« Nous, on se sent démunis, on n’est pas formés pour gérer ça. Alors, quand quelque chose arrive et qu’il n’y a pas d’AESH, on doit bricoler. Parfois, ça peut être des enfants qui se mettent en danger, ou mettent en danger les autres enfants. Ça représente du stress supplémentaire à gérer. »
Parmi les raisons qui expliquent cette pénurie de personnel, la faible rémunération revient fréquemment dans les discussions et sur les pancartes. « Le mois dernier, j’ai gagné 982 euros et 55 centimes, pour 24h de présence. J’ai onze ans d’ancienneté. » Fiche de paye à la main, Delphine montre du doigt les faibles sommes qu’elle touche tous les mois, pour nourrir ses trois enfants. Malgré cela, la quadragénaire affirme tenir à son métier :
« Jamais je ne regretterai ce choix. J’ai fait ce métier parce que je le voulais, parce qu’il y a beaucoup d’humanité dedans. On aide des enfants en souffrance, et on reste dans le métier pour eux. »
Absence de statut
Alors que la mobilisation arrive au rectorat, aucun interlocuteur ne se présente pour échanger avec les manifestants. Des prises de paroles s’improvisent, on raconte ses expériences, ses galères. Le manque de formation des AESH face à la pluralité des handicaps revient très fréquemment dans la bouche des travailleurs concernés.
Florence Fogelgesang, la co-secrétaire départementale de la FSU, espère comme beaucoup l’obtention d’un vrai statut pour les concernés :
« Pour le moment, ils sont dans un no man’s land. Il n’y a pas de feuille de mission, on leur demande tout et n’importe quoi. Cette journée de grève, c’est aussi pour ça : que les AESH deviennent un vrai métier, avec un statut défini, comme fonctionnaire de catégorie B. (…) Les travailleurs dont on parle, ce sont essentiellement des femmes avec des enfants, dans des situations précaires qui vivent avec la peur de se faire virer. Sécuriser les emplois, ça aiderait déjà à réduire le turn-over. »
Progressivement, d’autres petits cortèges se rejoignent à la rue de la Toussaint, devant le rectorat. Finalement, une délégation sera reçue vers 11h. Elle en sort avec peu de gains, relate Florence Fogelgesang : « On n’a pas obtenu grand chose, à part la promesse de formations plus concrètes, mais sans plus de détails. La secrétaire générale de l’Académie de Strasbourg s’est également engagée à vivre une journée dans la peau d’une AESH, à l’école Saint-Jean. Mais là encore, on ne sait pas quand. » Le collectif reste mobilisé en attendant des mesures plus concrètes, assure la syndicaliste.
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