Que va devenir l’autoroute A35 après la mise en service du Grand contournement ouest (GCO – voir nos articles) à l’automne 2021 ? C’est la question qui va animer les urbanistes, architectes, élus locaux et nombre de Strasbourgeois dans la décennie à venir.
À ce titre, les esquisses dévoilées ce lundi 2 décembre n’ont rien de définitif. Néanmoins, la présence du préfet Jean-Luc Marx à cette présentation montre qu’il ne s’agit pas seulement de visuels aguicheurs de fin de mandat, mais d’une base de travail avec l’État, co-financeur du projet. Ces documents vont pousser les candidats aux élections municipales de mars 2020 à se positionner par rapport à ces images de synthèse.
Toujours des talus et des viaducs
Première orientation, déjà évoquée par le passé : ne pas déconstruire les talus, ponts et autres viaducs actuels. Des voies de circulation « en belvédère », dixit l’urbaniste Henri Bava mandaté par l’Eurométropole, continueraient d’exister dans la ville du futur.
Cette ambition, moins onéreuse qu’une déconstruction, a poussé les urbanistes Micha Andreieff et Michel Messelis à fermer leur site sur le sujet. Ils estiment que maintenir les reliefs actuels et implanter « un parc métropolitain » continuera de couper la ville de ses quartiers ouest. Dans la version actuelle, seules quelques bretelles seraient modifiées.
Faire changer d’habitudes les automobilistes
Dans cette version, la vitesse de circulation sur l’A35 serait abaissée à 50 km/h et les abords retravaillés. Une ligne de plantations séparerait les deux sens de circulation. Pour le reste, la chaussée type aurait un couloir extérieur réservé aux bus et autocars, un couloir intérieur pour le covoiturage et une voie centrale pour les personnes seules (contre jusqu’à 4 voies pour tous aujourd’hui).
Là encore, ces aménagements peuvent évoluer a précisé le président de l’Eurométropole Robert Herrmann (PS), qui ne sera sur aucune liste en mars. Reste surtout à savoir si ces transformations suffiront à drastiquement réduire la circulation, estimée à environ 150 000 véhicules par jour après le GCO, plus du triple des grands boulevards de Strasbourg.
Relier les parcs existants
Le projet tel que présenté vise surtout à mettre en valeur et mieux relier des espaces verts actuels, y compris à pied et à vélo : la place de Haguenau au nord, le parc du Glacis derrière la gare, un « parc des Confluences » vers l’Elsau / Montagne Verte / Heyritz (voir plus bas) et l’étang du Gerig autour de la carrière qui cesserait bientôt son activité au sud, à hauteur d’Illkirch-Graffenstaden.
Cependant, rien de spécifique n’a été présenté pour les endroits où les riverains sont le plus exposés à la pollution et au bruit, à hauteur des immeubles de Schiltigheim et des quartiers de la Laiterie et Montagne-Verte.
Les visuels répondent à cette ambition de verdure en grisant les espaces actuels et en saturant la couleur verte pour faire ressortir cet aspect.
Des schémas sans constructions
Si les schémas présentés sont suivis, la métropole estime qu’environ 80 000 arbres supplémentaires seraient plantés, soit le double de ce qui existe sur les terrains publics à ce jour.
Ces projections ne prévoient guère de constructions le long du tracé, en dehors peut-être sur l’arrière-gare, peut-être ouverte un jour à 360 degrés.
Selon Robert Herrmann, le Plan local d’urbanisme actuel permet d’atteindre « 550 000 à 600 000 habitants » (contre un peu de moins de 500 000 aujourd’hui) une taille critique à ne pas forcément dépasser. Et ce, sans piocher dans ces nouvelles réserves foncières au bord de la route.
Avec quel argent et quel calendrier ?
À ce stade, aucun budget ni calendrier n’ont été annoncés. Dans le Contrat de Plan État Région (CPER) Alsace 2015-2020, 20 millions d’euros avaient été réservés. Suite à une décision du gouvernement, ces crédits « Mobilités » peuvent être « engagés » jusqu’à fin 2022 et payés plus tard. Un futur CPER sera bientôt en négociations.
L’Eurométropole a réservé 800 000 euros pour des études pré-opérationnelles, si la majorité sortie des urnes en mars 2020 souhaite poursuivre cette orientation. Par ailleurs, un travail pour déplacer la gare routière des Halles autour de la gare actuelle (arrière-gare mais aussi place de la Gare ou les boulevards) est en cours avec la Région Grand Est.
Pour obtenir ces projections, l’agence TER de l’urbaniste Henri Bava a animé trois journées de travail à l’automne avec les élus des communes concernées. Selon le co-fondateur de l’agence, plusieurs voix ont réclamé un développement des autoroutes à vélo, pour que des citoyens délaissent la voiture individuelle sur l’A35, moins praticable à l’avenir. La gouvernance gauche-droite a repoussé le projet voté 2013 qui devait s’achever en 2020 au mandat suivant. La mouture actuelle prévoit une fin en 2030.
Le cabinet avait déjà travaillé sur les orientations du quartier des Deux-Rives vers le Rhin.
Pour mener à bien un tel projet, l’équipe aux manettes de l’Eurométropole devra composer avec les réticences des milieux économiques (Medef, CCI, etc.). Jusqu’à présent, ces derniers voient la réduction des voies de circulation et l’abaissement de la vitesse comme des potentielles pertes de temps dans les déplacements entre le nord et le sud de l’agglomération. De plus, ils rappellent qu’un tel projet est financé par les impôts. Les concepteurs estiment au contraire que l’axe pourrait retrouver de la fluidité si les transports en commun et le covoiturage sont plébiscités.
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