Malgré le froid, malgré la pluie, plus de 300 personnes ont manifesté en début de soirée ce jeudi 21 décembre. Un sursaut de mobilisation sociale face à une loi immigration adoptée 48 heures plus tôt et qui a divisé au sein même du parti présidentiel et de la majorité (lire les explications de vote des députés alsaciens). La foule réunie ce soir est inquiète quand elle entend la présidente du Rassemblement Nationale se féliciter d’une « victoire idéologique » derrière le vote de ce texte.
« Nous sommes tous antifasciste », « Pour les MNA (mineurs non accompagnés), on ne lâchera pas » ou encore « Et tout le monde déteste Marine Le Pen »… Les slogans se succèdent face à ce bâtiment de la préfecture où chaque semaine une longue file se forme dehors : des personnes venues renouveler leur pièce d’identité ou leur titre de séjour.
« L’époque est grave et dangereuse »
Plusieurs organisations étaient présentes, comme les syndicats Fédération Syndicale Étudiante, Solidaires Etudiant·es et Alternative Etudiante Strasbourg, ou encore l’Union Communiste Libertaire, le NPA, Extinction Rebellion et la France insoumise. Parmi les manifestants, Gabriel Cardoen, militant pour les droits des migrants, s’insurge :
« L’époque est grave et dangereuse. Derrière cette loi, c’est la préférence nationale, l’idéologie fasciste de Marine Le Pen. Macron s’est fait réélire pour faire barrage. Mais il a largement empiré les choses. En réalité, cette poussée de l’extrême-droite, la popularité du Rassemblement National et de ses idées, c’est une catastrophe. C’est catastrophique pour nos luttes. Cela vise l’ensemble des opprimés. Il y a plusieurs dispositions proprement scandaleuses dans cette loi. La police pourra prendre de force les empreintes des migrants. Il faut construire la riposte maintenant, c’est nécessaire. »
Contestation des étudiants et du président
Plus tôt dans la journée, la mobilisation commençait avec le blocage d’un bâtiment universitaire par une vingtaine d’étudiants. Arnaud, 20 ans et membre du syndicat étudiant Solidaires, était présent devant le Patio. Il dénonçait « la préférence nationale pour les aides sociales, la caution pour les étudiants venant d’hors d’Europe et l’augmentation des frais de scolarité, c’est intolérable. Ce sont des mesures d’extrême droite et nous devons nous mobiliser contre, même si c’est la semaine des partiels. »
Mais la contestation est aussi venue du président de l’Université de Strasbourg. Dans un entretien donné le mercredi 20 décembre à Rue89 Strasbourg, Michel Deneken déplore une loi qui « restera comme une cicatrice dans le paysage politique français » avant de poursuivre :
« Si on voulait que nos campus s’embrasent, c’était le bon truc à faire. Maintenant, j’attends du gouvernement un peu de sagesse, d’intelligence et de courage politique. Quand on fait une bêtise, on le reconnaît. Surtout, il faut qu’on arrête de stigmatiser les étudiants étrangers, c’est une richesse pour notre université et notre ville. »
Dégrader des conditions déjà indignes
Sur la place de la République, un étudiant prend la parole et dénonce la caution demandée aux étudiants étranger comme « une mesure dégradante ». Une membre du comité Palestine dénonce « cette loi qui est produite par les mêmes personnes qui acceptent les bombardements à Gaza ».
Puis Aaron prend le mégaphone. Agent dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, il est aussi bénévole depuis un an au sein de la Cimade, une association de soutien aux exilés.
Aaron cite plusieurs cas de personnes migrantes, déjà victimes de situations indignes, et dont les conditions de vie ne feront qu’empirer avec l’application de la loi immigration :
« Je vous donne l’exemple d’une personne que j’ai rencontrée lors d’une permanence juridique. Elle a vu sa demande d’asile déboutée avant de faire une demande de titre de séjour. Depuis deux ans, elle n’a pas de réponse de la préfecture, qui a reconnu avoir perdu son dossier. Résultat : elle ne peut pas travailler. Elle a trois enfants scolarisés mais ils ne peuvent pas s’inscrire dans une formation parce qu’ils n’ont pas de titre de séjour. C’est ça le droit des étrangers aujourd’hui… »
Au bout d’une heure, les manifestants commencent à se disperser, après s’être donné rendez-vous en janvier, pour « intensifier le mouvement contre la loi immigration ».
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