« Parfois, à Strasbourg, j’ai l’impression de baigner dans mon jus de chaussette. » Ludivine est fâchée avec sa ville. Elle y est née, elle y a étudié, elle y travaille, dans un bar. Mais cet été, aucune histoire d’amour à raconter. La serveuse a donc répondu à notre appel à témoignages. La question était : « Strasbourg, une ville trop petite pour être libertin·e ? » Pour y répondre, la jeune femme de 22 ans évoque la difficulté à garder pour elle ses flirts ou ses coups d’un soir :
« C’est une pudeur que j’ai. Je n’ai pas envie que les gens sachent qui je vois, avec qui je couche. Mais comme je reste avec des gens de mon milieu de travail, ou social, les rumeurs circulent. Tout finit par se savoir ici. Et ça m’embête d’avoir à me poser des questions : est-ce qu’ils savent ? Est-ce qu’ils jugent ? Sans compter qu’en tant que serveuse, c’est compliqué d’avoir une réputation de meuf plan cul dans ton bar. Par contre pour un serveur, c’est stylé, ça fait beau gosse. »
L’interview se déroule dans la cuisine de Ludivine. Sa coloc’ passe et saisit le sujet de la conversation. Pour elle aussi, la taille de la ville peut-être pesante :
« J’ai un beau vélo, reconnaissable parmi d’autres. Un matin, je me réveille chez un gars et je regarde à la fenêtre. Qui passe en dessous ? Mon ex ! Heureusement, il n’a pas vu le vélo garé devant cet appartement, sinon il aurait tout de suite grillé que j’étais là et avec qui j’étais… »
« Cette année, j’ai annulé plein de rencards »
Julie, 23 ans, a répondu par téléphone. Elle a fui Strasbourg pour le sud pour les vacances. Et elle n’est pas pressée de rentrer :
« J’ai carrément voulu déménager à cause de cette ambiance village. Tu croises toujours les mêmes personnes. J’ai eu trois relations longues à Strasbourg. À chaque fois que je sors, je croise un ex. Ou alors un pote à eux leur envoie un message pour leur dire que je bois un verre avec un gars. Cette année, j’ai annulé plein de rencards : j’avais juste la flemme de subir ça. »
Jérôme : « aucun mal à rencontrer des gens »
Sur la terrasse du Chariot, Jérôme raconte ses anecdotes sur cette « ville à taille humaine ». Après six années passées dans la capitale alsacienne, le jeune de 24 ans ne manque pas d’expériences cocasses :
« En sortant du cinéma, je tente de draguer une fille. Plus tard, je la revois en soirée, en couple avec un pote… Il m’est aussi arrivé d’avoir un rendez-vous Tinder dans un bar. Quand la meuf arrive, elle voit une pote à elle, aussi là pour un date (rendez-vous amoureux, ndlr). Les deux filles commencent à discuter. Le gars et moi, on s’est regardé sans savoir quoi faire. (rires) »
Une pinte de bière à la main, l’étudiant voit plutôt des bons côtés à la taille de la ville :
« Je n’ai jamais eu de mal à rencontrer des gens ici. Et puis souvent, tu as une connaissance commune avec la personne. Ça donne un premier sujet de conversation. »
Pour Jérôme, le problème principal n’a rien à voir avec la taille de la ville : « Beaucoup de gens n’assument pas vraiment une vie sexuelle active. Pas mal d’entre eux pensent que c’est vu d’un mauvais oeil. » Le Strasbourgeois a déjà constaté les différences d’appréciations quant aux conduites des hommes et des femmes :
« Certains potes ont pu faire des réflexions sur des filles “faciles”. Mais quand un mec enchaîne les coups d’un soir, personne ne lui fera de remarques négatives… »
La galère de l’adultère
Insultes et difficultés à satisfaire ses désirs : Alex en a fait les frais. L’homme de 51 ans cherche des relations en dehors de son mariage. Ce n’est pas les infrastructures qui manquent : il donne rendez-vous dans le salon caché d’un sex-shop strasbourgeois, à l’Inox ou dans les hôtels louant des chambres à la journée. Mais selon lui, « 9 personnes sur 10 cherchent des relations durables sur Tinder. »
Alex fustige le « conservatisme par rapport à la fidélité. » Sur plusieurs sites de rencontre, il a déjà été « traité de tous les noms juste parce que ma conception de la vie sexuelle est différente de la majorité. » La conversation se termine sur un constat d’insatisfaction : à Strasbourg, difficile d’avoir une relation libertine, extraconjugale : « Ce n’est pas tous les mois que je peux avoir une relation. J’aimerais faire plus de rencontres », regrette-t-il.
Pour répondre à l’enquête de Rue89 Strasbourg, Sophie et Mathieu invitent chez eux. Le couple de trentenaires vit dans un village à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg. Les enfants regardent un dessin-animé pendant que « papa et maman parlent de choses sérieuses ». Il y a un an et demi, ils ont décidé d’abandonner le « modèle du couple exclusif ». Cet été, ils sont allés quatre fois en club échangiste et dans une soirée privée.
Mathieu a déjà croisé un ancien élève dans l’établissement d’Illkirch-Graffenstaden. Pas de quoi le refroidir : « Il y a un accord tacite. Tout le monde vient pour la même raison et ce qui s’y passe ne sort pas du bâtiment. » « C’est une parenthèse », renchérit Sophie.
Selon le couple, Strasbourg et ses environs offrent suffisamment d’occasions pour jouir de leur sexualité libérée : « Je n’ai jamais eu l’impression de ne pas trouver ce que je voulais », affirme Mathieu en mangeant des cacahuètes. En revanche, le couple cherche à se protéger du regard des autres. « Quand on voit le jugement de certaines personnes, y compris parmi nos connaissance, sur l’homosexualité, on préfère éviter de dévoiler notre libertinage à tout le monde. »
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