Donc, « il était une fois » un événement culturel strasbourgeois nommé L’Ososphère. Ce dernier a cela de charmant que, chaque fois qu’il se mont(r)e, il change de forme, évolue et, même s’il reste fidèle à certains artistes, il nous en fait découvrir de nouveaux.
Du 7 au 16 décembre, le public a été invité à déambuler et découvrir une exposition d’arts numériques dans le bâtiment de la Coop au Port du Rhin à Strasbourg. On pouvait y voir les photographies de Cyprien Quairiat qui nous montraient le dessous des friches industrielles, l’installation Breeze de Djeff Regottaz qui s’animait en fonction de notre silhouette lorsque l’on passait devant, ou encore découvrir la silhouette d’une ville entrain de se dessiner par le passage d’un petit train éclairant des objets hétéroclites dans The Tenth Sentiment de Ryota Kuwakubo : magique !
En fait, je pourrais vous parler de cette exposition pendant longtemps tellement elle était excitante mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici et j’en avais déjà parlé là.
J’ai fait différentes expériences lors de cette exposition que j’ai visitée plusieurs fois mais, la plus étrange de toute a été de participer à une performance et d’ainsi passer de l’autre côté du miroir : je n’étais plus celle qui regardait et écrivait sur mais je devenais partie intégrante d’une œuvre qui, si j’échouais, perdait son sens.
Peur de l’échec. Angoisse d’être reconnue, vue. Pourquoi, me direz-vous ? Le 16 décembre, en début de soirée, je me suis glissée dans l’un des seuls endroits de la Coop où il faisait chaud : le caisson lumineux de Sleeping Beauty, projet interactif oscillant entre art numérique, installation et performance mis en place par la compagnie Le Clair Obscur.
Ma mission était d’entrer, nue, dans ce caisson. Sur ma tête, des capteurs, au bout de deux doigts de ma main gauche aussi : les données électriques du cerveau et du cœur sont captées et retransmises à l’extérieur du caisson sur des écrans et « racontent » en quelque sorte ce qui se passe à l’intérieur.
L’identité de cette performance a un profil sur facebook et il était possible de communiquer avec la personne se trouvant à l’intérieur du caisson de verre en écrivant sur le mur de ce « personnage » virtuel. La réponse est ensuite retransmise dans l’espace environnant après le passage d’un scanner au-dessus de ce cercueil de verre. J’ai eu quelques « échanges » (si l’on peut dire) qui n’ont suscité en moi que peu de réactions a priori, personne n’ayant réussi à me faire aller au-delà du « rêve éveillé », du « calme profond » et du « éveil calme – bien être », désespérant !
Désespérant, personne n’a été capable de me réveiller !
À croire que personne ce soir-là n’était capable de me réveiller et pourtant… Certains se sont inquiétés de ma respiration, de ma façon de me laver (hum, hum, si mes souvenirs sont bons, La Belle au Bois Dormant dormait vraiment dans le conte, et se laver n’était pas prévu au programme, si ?), on m’a déclamé des poèmes, demandé lequel des Fleurs du Mal je préférais (difficile de répondre même si le Spleen est sans doute mon préféré), on m’a aussi dit « Baby tu es trop belle » et là j’ai eu un doute : est-ce qu’on me voit ?
Non, non, ce n’est pas possible, il y a deux parois de verre autour de moi et, entre elles deux, de la vapeur d’eau vient masquer la vue. J’ai essayé de ne pas paniquer ce qui a donné un état de « rêve éveillé » ! Même à « Dracula vient dans ton coffre », j’ai opposé un « calme profond » et à « M. Dracula souhaite récupérer son lit… », j’étais en « éveil calme – bien être », peut-être étais-je trop calme et pourtant, j’ai ri et j’ai été touchée par ces prises de contact très diverses les unes des autres.
Un ami à qui j’ai raconté cette aventure m’a demandé si j’avais rencontré Charmant 2.0 et, même si j’ai apprécié ces formes d’échanges et d’interaction, personne ne m’a fait suffisamment réagir pour que je m’éveille donc non.
Ma mission, outre de jouer les princesses de conte de fée, était de bouger dans ce sarcophage de verre, lentement, de devenir une forme que le public, autour, voyait se mouvoir dans une lumière qui changeait de couleur (blanche, bleue ou dans les tons de rouge) selon ce que je ressentais dans cet espace confiné. L’idée était de faire vivre ce conte, de le revisiter : le cercueil de verre a été emprunté à Blanche Neige et les Sept Nains mais c’est bien La Belle au Bois Dormant qu’il faut essayer de tirer de son sommeil, la nudité parle de pureté même si elle peut aussi nous faire penser aux Infortunes de la Belle au Bois Dormant d’Anne Rice (tout bien réfléchi, Dracula n’était vraiment pas loin ce soir-là…), version SM du conte de Charles Perrault.
La compagnie Le Clair Obscur qui a réalisé cette installation-performance est issue du spectacle vivant et est basée entre Caen et Paris. Son équipe est constituée de plasticiens, vidéastes, développeurs, danseurs, musiciens et comédiens qui travaillent ensemble depuis 2001 à une fusion des connaissances et des pratiques afin de s’approcher d’une forme d’art total. Sleeping Beauty est une création de Frédéric Deslias et Gaël L., les performeurs sont Sandra Devaux / Belore Prigault et c’est seulement par un coup du hasard que j’ai essayé de remplacer l’une d’elles, merci de m’avoir permis de tenter cette expérience.
Aller plus loin
Le site de la compagnie Le Clair Obscur
Sur Rue89 Strasbourg : Ososphère à la Coop, un nouveau théâtre pour l’art numérique
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