« C’est un beau roman, c’est une belle histoire ! C’est une romance de faculté de lettres ! Tu montais chez toi, là-haut dans la BU ! Moi je descendais, à la cafèèèèète ! » Non, ce message n’a pas été publié dans un bréviaire d’étudiant, ni dans un recueil de petites annonces. Bienvenue sur « Spotted : université de Strasbourg« , la page Facebook qui aide les étudiants à retrouver l’inconnu(e) qui les a fait craquer. Les vaillants (ou les petits joueurs, tout dépend de quel point de vue on se place) se lancent dans une ode à l’amour. Et tout ça en gardant leur dignité.
On s’explique : si vous publiez sur « Spotted » et que l’être aimé vous remballe ou pire, ne vous calcule même pas, inutile de baisser les yeux la prochaine fois que vous le croisez. Pourquoi ? Tout simplement parce que la charmante personne visée n’a aucun moyen de savoir qui est à l’origine de la déclaration. Les publications sont pour la plupart anonymes, numérotées, elles passent par l’intermédiaire de l’administrateur de la page, qui fera le lien le cas échéant.
Le point positif : cette technique de drague 2.0 est en fait un moyen détourné d’accoster quelqu’un, de se faire remarquer. Encore une fois, si l’élu(e) de votre coeur n’est pas emballé, pas la peine de vous décomposer. Dites-vous simplement que vous avez évité un vent magistral dans la vraie vie, mine de rien c’est toujours ça. Pour l’instant, Rue89 Strasbourg n’a pas encore eu vent d’idylles nées de ce concept mais on attend toujours.
Un Parisien à la tête de la page
En Irlande, une page similaire existe depuis le 16 décembre. Près de 40 000 internautes la suivent. Le principe est le même sauf que les repérages se font dans les transports en commun.
L’homme qui se cache derrière Spotted se nomme Erwin (20 ans). Cet étudiant en droit à l’université Panthéon Assas à Paris a crée plusieurs pages pour les universités parisiennes et le reste de la France avant que les Strasbourgeois ne pensent à dégainer. L’idée ne vient pas de lui. C’est sa copine, allemande, qui lui file le tuyau : le phénomène est aussi très étendu outre-Rhin. Ni une, ni deux, Erwin fonce. Le concept n’a pas le même impact dans toutes les universités. Celle de l’université de Strasbourg est parmi les plus fréquentées. En à peine trois semaines, plus de 4 000 fans ont adhéré. Contrairement à l’université de Haute-Alsace de Mulhouse : seulement une soixantaine de fans dans le même laps de temps. On y retrouve tous les profils, du cynique en passant par ceux qui sont complètement déjantés.
Dans le genre sérieux, voici ce qu’on peut trouver :
« Après près de 5 ans passé en couple, retour au célibat. Je recherche donc une personne qui sait ce qu’elle veut et qui n’as pas peur de s’engager. »
D’autres se la jouent (vraiment) romantique :
« L’espace d’un flottement entre quatre yeux
S’est installée la vague d’une onde lasse.
Un sourire, une excuse, une gêne,
Le cliquetis des clés,
Le mouvement imperceptible des cheveux,
Et déjà, du bout de mes doigts
L’onde s’échappe. »
Et certains se moquent joliment du monde :
« Si je devais te décrire en quelques mots, je dirais que tu es de petite taille, des poignées d’amour généreuses, ta peau telle le printemps qui bourgeonne, un sourire dents fer, des lunettes à la Mac Lesggy, et des cheveux à faire cuire des frites ! »
On y trouve même une déclaration contrariée d’un prof à un de ses élève, d’autres sont très précis dans leur description (on ne voudrait pas avoir un faux retour) et qui du coup, alertent leurs cibles par le système des identifications de Facebook. D’autres tentent les terrains communs, ici les Pokémons (« pour enfin que mon leviator déclenche hydrocanon »).
Dérapages incontrôlés ?
En ce qui concerne les éventuels dérapages, Erwin reconnaît qu’il n’a pas l’habitude de gérer des communautés qui réunissent autant de monde :
« C’est un peu difficile de tout contrôler. On s’impose des règles bien précises. Le but n’est pas de finir au tribunal donc on n’hésite pas à censurer les messages qui vont trop loin, qui se moquent de quelqu’un en donnant son identité. Parfois, je suis mal à l’aise de voir les commentaires ou certains identifient leurs amis, ça peut créer des situations embarrassantes. J’espère pouvoir éviter toute dérive.
Vanessa, « brune ténébreuse » qui fréquente souvent la bibliothèque du pôle européen de gestion et d’économie (PEGE) est étudiante à l’IEP (institut d’études politiques). Ses amies ont cru la reconnaître dans une annonce.
« Avant que mes copines m’en parlent, je ne savais pas du tout que ça existait. Ça m’a coûté un bon fou rire en cours, même si je savais que ce n’était pas de moi qu’il s’agissait. Maintenant quand je vais réviser, je regarde les gens qui sont autour de moi différemment. »
En fouinant sur « spotted », on peut tomber sur l’amour mais aussi sur des situations cocasses. Comme cette fille qui répond à l’admiratrice de son petit ami :
« Ô toi qui vient de décrire mon copain avec sa doudoune grise du bâtiment V.
Sache que tes chances sont en effet réduites à néant
Et que ta déclaration, si belle et si poétique soit-elle, m’a fait beaucoup rire.
Ta rivale. »
Aller plus loin
Sur Facebook : La Page Spotted de l’université de Strasbourg, la page Spotted de l’IUT Robert Schuman, la page Spotted de l’université de Haute-Alsace, la page Spotted de la CTS.
Sur Le Figaro : Des pages Facebook pour draguer sur les campus
Chargement des commentaires…