Malgré les demandes d’une partie de ses étudiants et de ses enseignants, le conseil d’administration de Sciences Po Strasbourg a maintenu mardi 8 avril le partenariat avec l’université Reichman en Israël.
Ambiance électrique mardi soir devant le Cardo, le bâtiment qu’utilise Sciences Po dans l’enceinte de l’hôpital civil de Strasbourg. Quelques dizaines d’étudiants étaient rassemblés devant l’entrée, afin de rappeler leur détermination aux membres du conseil d’administration de l’institut d’études politiques (IEP) de l’Université de Strasbourg.
Ces derniers devaient se prononcer une fois pour toutes sur la suspension ou la confirmation d’un partenariat avec l’université Reichman, un institut de formation privé au nord de Tel Aviv en Israël. Pour les étudiants du comité Palestine, cet institut est trop proche du gouvernement d’extrême droite israélien, et soutient la guerre d’usure menée à Gaza contre le Hamas, malgré les dizaines de milliers de morts civils. Pour le directeur de l’IEP, Jean-Philippe Heurtin, suspendre ce partenariat reviendrait à boycotter Israël dans son ensemble, ce qui serait une atteinte à la liberté académique.
Une position similaire a été exprimée par le ministre de l’Éducation nationale, Philippe Baptiste, dans Le Parisien de lundi 7 avril. Il a indiqué que le gouvernement saisirait « immédiatement le tribunal administratif » si le conseil d’administration devait annuler le partenariat « pour des raisons militantes ».
Presqu’une année de crise
Après trois blocages et près d’un an de crise autour de cette question, le conseil d’administration réuni mardi 8 avril a voté la reconduction du partenariat, par 16 voix contre 14, et 3 absentions. Le vote a eu lieu à bulletins secrets, et les personnalités extérieures ont pu voter par procuration.
Les étudiants ont hué les membres du conseil d’administration à leur sortie du bâtiment. Une partie d’entre eux ont suivi le directeur de l’établissement, Jean-Philippe Heurtin, alors qu’il sortait du Cardo pour se diriger vers le centre-ville.
Une enseignante-chercheuse, membre du « groupe du dimanche » qui avait assuré une médiation entre la direction et les étudiants mobilisés après l’intervention des forces de l’ordre, se désole du résultat :
« Le comité d’examen du partenariat avait proposé une sortie de crise à la direction et aux étudiants, avec avoir étudié en profondeur la situation pendant deux semaines. Nous avions réussi à réinstitutionnaliser ce différend, après une polarisation extrême. C’était une démarche vertueuse et tout le monde en serait sorti gagnant. »
Les conclusions d’un rapport universitaire ignorées
Dans ce rapport, que Rue89 Strasbourg a pu consulter, le comité d’examen recommandait au conseil d’administration de ne pas reconduire le partenariat avec l’université Reichman, et d’en nouer un autre avec une université publique israélienne, des établissements par ailleurs bien mieux classés que l’université privée. Le comité n’a pas pu détecter d’expression critique de la guerre par des membres de l’université israélienne, mais sans s’en étonner :
« Cette position est d’ailleurs cohérente avec la polarisation attendue d’une composante très liée à l’anti-terrorisme (par les thématiques qu’elle aborde et les think tanks qu’elle héberge) dans une société profondément marquée par la guerre. »
Rapport du comité d’examen
Le comité faisait par ailleurs le constat que les relations entre Sciences Po Strasbourg et l’université Reichman s’étaient singulièrement dégradées, notamment après un courrier du président de l’université israélienne de novembre 2024 qui faisait « un lien implicite entre l’antijudaïsme rhénan (persécutions médiévales, accusations de propager la peste en 1348…), l’antisémitisme plus contemporain (notamment les persécutions et le génocide de la Seconde Guerre mondiale) et la décision du conseil d’administration de suspendre le partenariat ».
Les étudiants mobilisés du comité Palestine ont donc annoncé la reprise de leur mobilisation, avec probablement un blocage du Cardo dès mercredi 9 avril. Ils appellent à une assemblée générale le même jour à 13h, devant le bâtiment.