Depuis la signature du Concordat en 1801 par la France de Napoléon, les ministres des trois cultes reconnus alors sont payés par l’État. Cet accord a été abrogé en France par la loi sur la séparation de l’Église et de l’État de 1905. Sauf qu’à cette époque, l’Alsace et la Moselle étaient allemandes. Redevenus français, les trois départements ont gardé ce particularisme.
Selon les calculs du Bureau des cultes d’Alsace-Moselle, le traitement de ces fonctionnaires particuliers coûte chaque année 54,7 millions d’euros à l’État. C’est un peu moins que les chiffres avancés (60 millions) par le leader du parti La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite abolir la rémunération des ministres du culte des trois religions concordataires : les catholiques, les protestants et les israélites.
En raison d’un droit religieux local, curés, pasteurs et rabbins ont un statut assimilable à celui de la fonction publique et de fait, sont payés par l’Etat.
Un droit local hérité des annexions successives
Le Concordat est un héritage de la période napoléonienne au même titre que la Légion d’honneur et le baccalauréat, eux aussi remis en cause ces dernières années. Il remonte à un accord conclu en 1801 entre Napoléon Bonaparte et le Pape Pie VII et abrogé par la loi de 1905. Or l’Alsace et la Moselle ne réintègrent le territoire français qu’en 1918. Les trois départements obtiennent d’abord un maintien provisoire puis confirmé par le Conseil d’Etat en 1925 de ce statut particulier.
En reconnaissant les cultes catholique, réformé et luthérien (rassemblés sous l’appellation « cultes protestants ») et israélite, l’Etat doit rémunérer les ministres du culte de ces quatre religions ainsi que les employés de secrétariat. En échange, l’État a le droit de nommer les évêques de Strasbourg et Metz, les présidents du directoire et du conseil synodal et les présidents des trois consistoires israélites. Dans les faits, il se contente d’entériner les décisions des instances religieuses. En revanche, comme les ministres du culte ont un statut proche de celui de la fonction publique, les cultes sont soumis à des plafonds d’emploi.
1 214 emplois religieux, 3 sur 4 au sein de l’Eglise catholique
En 2021, le plafond d’emploi pour les cultes concordataires est de 1 214 salariés, selon le Bureau des cultes d’Alsace-Moselle. « Un plafond qui baisse chaque année », commente le chanoine Bernard Xibaut, chancelier du diocèse de Strasbourg. D’après le calcul prévisionnel pour 2021 du Bureau des cultes d’Alsace-Moselle, 925 de ces emplois sont assignés à l’Église catholique, 261 vont aux cultes protestants et 28 aux consistoires israélites. Ne sont cependant pas assujettis à ce plafond d’emploi, les ministres du culte non-concordataires tels que les aumôniers militaires ou rattachés.
Le département du Bas-Rhin est celui qui compte le plus d’agents du culte concordataires (600). Une situation qui peut s’expliquer par l’existence d’un unique diocèse pour l’Alsace, basé à Strasbourg. L’évêque d’Alsace, ses auxiliaires, coadjuteurs ainsi que tout le personnel administratif laïc du diocèse d’Alsace sont à Strasbourg. Ils ne représentent toutefois que 4,5% des effectifs du culte catholique en Alsace (617 agents du culte). Une goutte d’eau comparé au nombre de ministres du culte officiants les cérémonies.
Les salaires des ministres des cultes concordataires sont calculés sur une grille indiciaire similaire à celle de la fonction publique définie par décret. En outre, les religieux et laïcs concordataires retraités reçoivent de l’État des pensions de retraite, ou de réversion pour leur épouse, calculées sur leur dernier salaire et leur nombre d’années de service. Un agent du culte ayant exercé pendant 40 ans ou plus a le droit à 75% de son dernier traitement. Selon le bureau des cultes d’Alsace-Moselle, l’État verserait des pensions à environ 800 retraités des cultes concordataires et leurs épouses, pour une enveloppe totale de 16 millions d’euros annuels.
Un majorité de curés, de rabbins et de pasteurs
Les ministres du culte officiants forment le corps ecclésiastique le plus important. Les 424 desservants de l’Église catholique représentent plus d’un quart des agents des cultes concordataires. Cette dénomination peu connue correspond à une catégorie uniquement administrative définissant les indices de salaire. « Ce sont des grades. Ils démarrent vicaires, puis peuvent devenir curés ou desservants, c’est la même chose au niveau du travail », explique l’évêché de Strasbourg.
Sont ainsi considérés comme curés par le bureau des cultes d’Alsace-Moselle, uniquement les prêtres officiant dans des paroisses de chef-lieu de canton. Les autres sont des desservants. Par exemple, le curé de Bischheim (17 000 habitants) est aux yeux de l’État un desservant tandis que celui de Saverne (11 000 habitants) est un curé.
Au sein des cultes protestants, les pasteurs constituent 83% des 261 agents des cultes protestants car s’y confondent les luthériens, qui officient par directoires, et les réformés, prêchant dans des synodes. En effet, sous l’appellation de cultes protestants sont rassemblés le culte luthérien, dirigé par le président de l’Église protestante de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine, ainsi que le culte réformé, sous la conduite du président de l’Église réformée d’Alsace et de Lorraine.
Dernier culte concordataire, tant historiquement qu’en nombre de ministres du culte, le judaïsme ne compte que 28 agents du culte en Alsace-Moselle. Tous sont rabbins, à l’exception d’un grand rabbin et un secrétaire par consistoire départemental. Le judaïsme libéral est quant à lui exclu du régime du Concordat.
Des traitements a priori égaux
Les ministres des cultes concordataires sont rémunérés au même salaire selon leur place dans la hiérarchie. Les curés, les rabbins et les pasteurs reçoivent tous un salaire compris entre 1 621 et 2 624 euros net. Cette logique est respectée pour tous les ministres du culte, sauf pour les autorités religieuses locales dont les échelons indiciaires diffèrent. Par exemple, l’évêque d’Alsace, Monseigneur Ravel, en poste depuis 4 ans, est rémunéré 4 171 euros par mois quand le grand rabbin de Strasbourg, le Rabbin Weill, lui aussi désigné il y a 4 ans, n’est rémunéré qu’à hauteur de 2 624 par mois.
L’État n’est pas seul à supporter le coût du Concordat. Les communes assurent ponctuellement l’entretien des lieux de cultes lorsque les fabriques d’église, les directoires et les consistoires n’ont pas les ressources nécessaires. « Pour les gros travaux, les communes nous aident mais pour les frais quotidiens ce sont les fabriques d’église qui interviennent », explique le chanoine Bernard Xibaut. Les communes d’Alsace et de Moselle sont également tenues d’assurer le logement des ministres du culte qui n’en disposent pas avec leur charge ecclésiastique.
L’Etat ne paye que pour l’entretien des lieux de cultes qui lui appartiennent : les cathédrales, les grands séminaires et les palais épiscopaux. L’Alsace-Moselle compte deux cathédrales, Notre-Dame de Strasbourg et Saint-Étienne à Metz, deux palais épiscopaux à Strasbourg et le séminaire Sainte-Marie-Majeure de Strasbourg.
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