Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Il y a 40 ans, à cette même période, des tracteurs déneigeaient la place Kléber

Archives vivantes – Sans doutes êtes-vous ravis de sortir d’hibernation hivernale, de pouvoir enfin aller boire des coups au soleil et sortir se balader, voire faire le plein de vitamine D dans les parcs. Mais les archives (et les climatologues !) sont là pour rappeler que ces « belles journées » ont un petit goût de pas normal….

Vidéo

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Si vous n’aviez jamais vu Strasbourg déneigée à l’aide de tracteurs, c’est chose faite avec cette vidéo d’archives de 1978 (la 3e vidéo). Il y a à peine plus de 40 ans, en février 1978, les autorités strasbourgeoises se retrouvaient un peu débordées par des grosses chutes de neige. Les automobiles, qui circulent encore place Kléber à cette époque, tentent de braver les flocons tombant en masse.

Quinze ans plus tôt, en janvier 1963, les habitants descendent les rares rues en pente à l’aide de luges et patinent sur les plans d’eau. Des images à des années lumières de cette fin de février 2019, où les strasbourgeois sortent en t-shirt, sous un ciel dépourvu de tout nuage. Impossible de trouver une place en terrasse au soleil et tout le monde – ou presque – est ravi.

20 degrés un 28 février

Et pourtant, il n’y a pas de quoi se réjouir. Avec des journées autour de 15°C, voire plus lors des derniers jours de février, l’impact du réchauffement climatique est clair, comme l’explique Grégory Fifre, chargé d’études à Météo France à Strasbourg :

« Le mois de février de cette année est exceptionnel, avec 5 degrés de plus que les normales de saison. Depuis les années 2000, on a des hivers plus chauds, alors que ceux des années 60 et 70 étaient plutôt plus froids que la norme. On a en moyenne une tendance à un réchauffement climatique très nette et on va avoir en moyenne de plus en plus souvent des hivers doux. »

Place de la République à Strasbourg, le 27 février 2019. Les habitants investissent les pelouses même en fin de journée, comme un beau jour de mois de mai (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Place de la République à Strasbourg, le 27 février 2019. Les habitants investissent les pelouses même en fin d’après-midi, comme un beau jour de mois de mai (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

Un réchauffement très net depuis les années 2000

La capitale alsacienne a battu son record d’heures d’ensoleillement pour un mois de février, qui datait de 2008 (146,1 heures), comme l’anticipait (avec un enthousiasme perturbant) la Chaîne Météo. Au 26 février à 16h, Strasbourg avait enregistré 146,5 heures de soleil depuis le début du mois. La moyenne est de 84 heures.

Strasbourg suit une tendance qui est mondiale, mais le Nord-Est vit un réchauffement légèrement plus élevé que dans le reste de la France, en raison de son éloignement de l’océan.

La température moyenne entre 2000 et 2017 a été supérieure de 1°C à la moyenne de l’ensemble du XXe siècle, comme nous l’expliquions en 2018. Grégory Fifre confirme cette tendance :

« Parmi les 10 années les plus chaudes relevées aux XXe et XXIe siècles, 9 d’entre elles l’ont été depuis les années 2000. »

Une tendance de fond au réchauffement… qui n’empêche pas quelques hivers froids

Plus proche, en 2010, la ville traversait un important épisode neigeux et quelques strasbourgeois « s’aventuraient au ski de fond dans la ville », se rappelle Grégory Fifre. Cet hiver encore, en décembre 2018, puis en janvier 2019, la neige a rendu visite pour une courte durée à la capitale alsacienne. Les Alsaciens se rappellent aussi de ce mois de mars 2006 où Strasbourg est descendue jusqu’à 0°C et a regardé avec stupéfaction la neige couvrir les rues pendant plusieurs jours. Au sud de la région, Mulhouse se réveillait sous 50 centimètres de neige et devait fermer son aéroport 24 heures. Quelques images de cet épisode neigeux sont à retrouver dans cette autre archive.

Carnaval annulé dans un Mulhouse enneigé

La fin de la neige n’est pas (encore ?) actée

Les hivers froids et enneigés sont-ils alors terminés pour de bon en Alsace ? Ce n’est pas aussi simple que ça, alerte Grégory Fifre :

« L’an dernier, en 2018, à la même période, on était à 3 degrés en-dessous des normales de saison. En 1961 et 1962 (les deux années précédant la première vidéo), les températures étaient de 4 degrés supérieures aux normales de saison. Ce n’est pas parce qu’il fait chaud cette année qu’il ne pourra pas y avoir à nouveau des hivers plus froids. »

Les militants se rassemblant pour la marche pour le climat en octobre 2018, un mois où la température moyenne à la mi-journée s'élevait à 18 degrés, pas loin des 20 degrés atteints à la fin février 2019. (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Les militants se rassemblant pour la marche pour le climat en octobre 2018, un mois où la température moyenne à la mi-journée s’élevait à 18 degrés, pas loin des 20 degrés atteints à la fin février 2019. (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

En fait, le changement climatique ne peut s’observer via des éléments ponctuels, mais par une répétition d’un même aléa climatique. En dépit du réchauffement global, des variations naturelles plus fines sont toujours à l’œuvre et n’empêchent qu’il gèle l’année prochaine à la même date.

Mais dans ce contexte, les batailles de boule de neige devraient de plus en plus appartenir aux souvenirs estime Grégory Fifre :

« On a de fortes présomptions sur une hausse de phénomènes extrêmes, en termes d’intensité et de fréquence : des orages violents, des tempêtes… Mais il est vrai que de grosses neiges qui tiennent longtemps à Strasbourg, c’est de plus en plus rare. Il faut insister sur cette réalité : le climat se réchauffe et les hivers sont de moins en moins rudes ».

Ou comment mettre des mots sur ce sentiment d’inconfort et de décalage au moment de sortir manger une glace en plein hiver.


#changement climatique

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