Les singes et les flamands roses, vedettes du zoo strasbourgeois de l’Orangerie, ont-ils du souci à se faire ? Albert Bour, le secrétaire général de l’association des Amis du Zoo de l’Orangerie, qui gère le parc, estime qu’il ne sera plus en mesure de payer les salaires des six employés à partir du mois de février. Il pourrait déclarer l’association en cessation de paiement.
En cause, le tout nouvel épisode d’un bras de fer avec la Ville qui a pris de l’ampleur l’année dernière. Alors que les critiques fusent parmi les associations de protection des animaux, une décision unanime est prise : le zoo doit évoluer pour survivre. Mais les Amis du Zoo et la Ville sont loin d’avoir accordé leurs violons. Quand les premiers réclament plus de moyens, la seconde rétorque qu’il serait temps d’être plus autonome.
Jusqu’à l’année dernière, les Amis du Zoo de l’Orangerie avaient recours à des emprunts pour payer les dépenses des derniers mois. En octobre 2015, la Ville avait même octroyé à l’association une rallonge de 40 000 euros. Son directeur, Nicolas Herrenschmidt, évoque alors un accord passé avec Olivier Bitz, adjoint au maire en charge des finances : la subvention serait dorénavant versée en une seule fois, et dès le début de l’année. Les 270 000 euros annuels ont bien été alloués en janvier 2015, mais cette année, c’est différent : la délibération sur la subvention du zoo aura lieu lors du conseil municipal de février.
Bras de fer et pressions
D’après Albert Bour, la Ville traîne volontairement des pieds :
« Nous nous sommes demandés s’il ne s’agissait pas d’une forme de pression. Nous aimerions simplement savoir quand aura lieu le paiement de toute la subvention ou même une partie, qui devait être versée au début de l’année. Si ça continue, sans pouvoir dégager de salaires, nous devrons contracter des emprunts, que nous ne sommes pas assurés d’obtenir, avec des intérêts et après ce sera la faillite. »
Mais en contrepartie de la rallonge d’octobre, l’association devait produire un plan de redressement pour 2016 : optimisation des recettes de la mini-ferme, mise en réseau avec d’autres zoos pour l’accueil des animaux exotiques, valorisation de leurs expériences scientifiques et de leur savoir-faire auprès de la conservation de la faune locale, etc.
Ce plan, la Ville l’attend encore. Christel Kohler, adjointe au maire et en charge du groupe de travail sur l’évolution du zoo, explique avoir relancé les Amis du Zoo plusieurs fois, sans résultat :
« Ils ont produit quelques éléments de mise en balance financière, avec le départ en retraite du directeur par exemple, qui allégera les charges du personnel. Mais nous n’avons encore reçu aucun document officiel, dont nous avons besoin pour voter la subvention et signer la convention. Les Amis du Zoo de l’Orangerie doivent pouvoir maintenir leur budget, en augmentant leur chiffre d’affaires sans avoir à demander des avances à la Ville chaque fin d’année. Il faut savoir qu’en 6 ans, la subvention a augmenté de 21%. De 211 000 euros en 2008, elle est passée aujourd’hui à 270 000, et c’est sans compter les 40 000 euros supplémentaires qu’ils ont perçu en 2015. C’est une augmentation énorme, dont bien peu d’associations peuvent se prévaloir. »
Beaucoup d’employés pour un si petit zoo
Le zoo de l’Orangerie emploie 6 salariés, le directeur, Claude Rink, une secrétaire, et quatre animaliers, pour des charges de personnel qui s’élèvent à 240 000 euros, soit environ 80% du montant de la subvention allouée. Gratuit, le zoo engrange des recettes d’environ 22 000 euros, en provenance pour la majeure partie de la mini-ferme à l’entrée payante. Les enclos accueillant poneys et chèvres, qui devaient être achevés en 2012, nécessitent encore au moins sept mois de travaux.
Afin de répondre à la demande du maire de Strasbourg, Roland Ries, de modifier les structures actuelles pour conserver le parc animalier, l’association vient de publier un « livre blanc ». Les Amis du Zoo espèrent ainsi renouer le dialogue avec la Ville, quelque peu brouillé après qu’ils aient claqué la porte du groupe de travail mené par Christel Kohler autour de la place de l’animal dans la ville, début novembre 2015.
Un manque de communication, justifie Albert Bour :
« Lors de la visite en novembre, nous avions eu un écho très favorable. Alors que, surprise, les élus ont adopté une position fermée. Avant toute réunion, ils avaient déjà décidé de ce qu’il fallait faire, avec des propositions fantaisistes, comme d’évacuer tous les animaux exotiques, dieu sait où, alors qu’ils nous appartiennent. C’était impossible de discuter, parmi tout un fatras d’associations : certaines étaient très bien et d’autres complètement extrémistes. Un zoo, c’est très réglementé, on ne peut pas y faire tout et n’importe quoi. »
Une plainte en cours et des rénovations en attente
Jeudi 21 janvier, dans un communiqué commun avec la Ligue protectrice des oiseaux et AnimAlsace, l’association Alsace Nature réclame une fois de plus la fermeture du zoo de l’Orangerie, qui « ne correspond plus aux connaissances et aux attentes modernes », et le placement des animaux dans des sanctuaires.
Depuis des années, le zoo de l’Orangerie fait débat autant parmi les associations environnementalistes que les Strasbourgeois. Trop petit, vétuste, animaux apathiques ou stressés… En 2013, l’association Code Animal mène une enquête discrète et dépose une plainte pour maltraitance au motif que le zoo ne respecte ni les besoins physiologiques de ses animaux ni certaines normes de sécurité, comme « l’obligation de disposer d’une enceinte d’au moins 1,80 mètre de haut afin de protéger les animaux de tout trouble extérieur ».
Des accusations que les Amis du zoo qualifient de « plaisanteries » pour la plupart : les animaux sont bien traités, le public projette sur eux ses émotions sans connaître leurs besoins réels, affirment ses dirigeants… Mais ils concèdent que les oiseaux devraient pouvoir se dégourdir les ailes dans une grande volière, et que la clôture réglementaire, dont le tracé est en suspens, doit effectivement être construite.
Une gênante différence d’appréciation
Pour effectuer ces travaux cependant, il faudrait un budget important… et travailler de concert avec la Ville. Maintenant que le livre blanc est publié, il faut passer à la vitesse supérieure, estime Albert Bour :
« Le budget n’a pas encore été établi, il faut en discuter avec la Ville, ou se trouver des sponsors. Une chose est sûre, nous souffrons aussi d’une mauvaise communication : l’association ne rassemble que 105 membres, parce que l’écrasante majorité des gens pensent qu’il s’agit d’un zoo municipal. Et c’est bien là le problème : nous sommes l’exécuteur des objectifs de la Ville, pas une association classique qui a son propre projet. C’est donc à la la Ville de nous fournir les moyens pour qu’on les réalise. »
Une position « erronée », réplique Christel Kohler :
« Il est faux de prétendre qu’ils agissent uniquement dans le cadre d’une délégation. Les terrains appartiennent à la Ville mais il n’y a pas de cahier des charges, pas de prestataires en concurrence dans un projet de nature économique. Une convention qui détermine des objectifs généralistes est signée mais nous sommes bien dans le cadre d’une action subventionnée à la demande d’une association. »
Quant au livre blanc, il sera joint à la demande de délibération sur la subvention en février, comme la contribution de l’association à la concertation sur l’avenir du zoo… parmi d’autres. Car, comme conclut l’élue :
« Le zoo de l’Orangerie et son évolution concernent aussi tous les Strasbourgeois, la Ville, les associations naturalistes… Ce n’est pas à eux d’en définir l’avenir, unilatéralement. »
Si quelqu’un a une idée…
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Sur Rue89 Strasbourg : Une plainte déposée contre le zoo de l’Orangerie
Sur Rue 89 Strasbourg : Orangerie : la ville planche sur un après-zoo
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