Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Au nord, Strasbourg espère gommer l’hideuse zone commerciale

L’aménageur Frey a promis à l’Eurométropole de Strasbourg qu’il allait rendre agréable la zone commerciale de Vendenheim, au nord de l’agglomération. Du coup, 50 hectares leur ont été concédés, qui seront utilisés pour construire en 2018 de nouvelles surfaces commerciales, un parc et de nouvelles voies d’accès.

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Est-il possible d’estomper les hideuses zones commerciales qui bordent les entrées de toutes les villes françaises ? Au nord de Strasbourg, la zone d’aménagement concertée (ZAC) de Vendenheim, ou ZAC Nord, ne fait pas exception. Sur 100 hectares, avec ses 135 commerces sur 150 000 m² de surface de vente, elle est un « carnage architectural, avec des océans de parkings, inaccessible aux transports en commun comme aux mobilités douces et souffre par conséquent de voies d’accès saturées. »

Ce diagnostic peu flatteur est porté par Antoine Frey, qui est… un aménageur, autrement dit, le genre de personne à qui les communes demandent justement de concevoir ces zones. Pour Antoine Frey, dont les bureaux sont à Reims, ces zones se résument ainsi :

« Les zones commerciales en France, ce sont de grands hangars métalliques mis côte à côte avec d’immenses parkings. Mais l’humain là dedans a été complètement oublié. Il n’y a pas de points de centralité, pas d’espaces agréables pour se promener, on propose juste aux gens de venir poser leur voiture et d’acheter. Ces zones sont des échecs urbains mais elles se sont multipliées parce que ce sont des succès économiques, notamment en terme de recettes fiscales pour les collectivités locales. L’irruption du commerce en ligne les force à se réinventer, c’est pourquoi on peut réaménager ces zones en évitant de reproduire les mêmes erreurs. »

Un tour de passe-passe institutionnel

Le modèle économique de Frey (doc remis)

Fin décembre 2013, la concession d’aménagement de la zone commerciale de Vendenheim est attribuée au groupe Frey. En septembre 2016, elle a été approuvée par le conseil de l’Eurométropole, qui a validé la transformation de 50 hectares de terres agricoles au sud de la ZAC en terrains constructibles. Frey achète ces terrains aux propriétaires actuels, au tarif des Domaines, sachant qu’il est le seul acheteur possible. Frey possède déjà les trois-quarts des terrains, via sa filiale ZCN Aménagement.

Le groupe prévoit d’investir 63 millions d’euros dans ces acquisitions. Ensuite, Frey change sa finalité, en transférant ces terrains à une filiale foncière qui construira à partir de 2018 les locaux qui seront loués aux commerçants.

Yves Bur, Robert Herrmann, Antoine Frey et Marc Lecocq (de Frey) devant la maquette de la zac nord réaménagée. Au centre, l’agroparc. (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Cette intégration verticale, d’aménageur à société foncière commerciale, peut générer beaucoup de questions, mais c’est précisément ce qui a séduit l’exécutif de l’Eurométropole, comme l’a expliqué vendredi matin le président (PS) de la collectivité, Robert Herrmann :

« Le projet du groupe Frey était le meilleur, par sa qualité et par ses ambitions architecturales. L’objectif avec cette extension n’est pas de siphonner les commerces du centre-ville, mais bien de proposer d’autres commerces tout en requalifiant cette porte d’entrée de l’agglomération, grâce à une entité unique responsable d’une large zone. L’Eurométropole participera à hauteur de 9,7 millions d’euros aux travaux de voierie, un investissement qui devrait être compensé par les recettes fiscales, estimées à 1,5 million d’euros par an. »

Au final, la ZAC passera donc de 100 à 150 hectares et les surfaces de vente de 150 000 m² à plus de 200 000. Les agriculteurs qui cultivaient les terres du sud de la ZAC se verront compensés par des terres rendues à l’agriculture, issues de la zone de l’ancienne raffinerie de Reichstett. Un maraîcher s’occupera lui de « l’agroparc », de 5 hectares, qui sera en plein milieu de la nouvelle zone et dont les produits seront disponibles avec ceux d’une dizaine d’autres agriculteurs locaux, dans un supermarché des circuits courts et un restaurant.

Le bâtiment de l’Agropark, sorte de supermarché en circuits courts (cabinet L35 / doc remis)

Le principal geste architectural de Frey consiste à créer une « shopping promenade » et un « boulevard des enseignes » au sud de la zone, tout autour du Cora (en marron sur le plan ci-dessous).

Antoine Frey promet que ces endroits seront agréables et conviviaux, avec des arbres, de l’eau, des pistes cyclables et même des jeux pour les enfants. Il sera bordé par l’autoroute au sud et par le canal de la Marne au Rhin à l’est. Une nouvelle voie d’accès sera aménagée à partir de l’échangeur pour diviser le trafic dans les rues de la zone et réduire le risque de bouchons. Au final, 6 kilomètres de voirie seront requalifiés et deux kilomètres nouveaux construits.

Phase 2 : aménagement du nord de la zone nord

Lorsque le sud de la zone sera aménagée, Leroy Merlin devrait déménager dans des nouveaux locaux et leur emplacement actuel accueillera lui aussi une « shopping promenade », avec de nouveaux bâtiments et un parking de 600 places en sous-sol. Des bureaux et d’autres bâtiments doivent compléter le réaménagement complet de cette zone, pour une facture de 144 millions d’euros.

Plan de la zac nord aménagée. En marron les futurs bâtiments construits et gérés par Frey. En rouge, de nouveaux logements à Vendenheim (doc remis)

Dans le plan local d’urbanisme intercommunautaire (PLUi), qui doit être approuvé fin 2016, l’augmentation des surfaces commerciales dans l’agglomération est plafonnée à 100 000 m². Les commerçants en souhaitaient le double. Les travaux de la ZAC Nord doivent débuter au quatrième trimestre 2017 pour des ouvertures des premières nouvelles enseignes en 2018-2019. La fin complète des travaux est prévue pour 2030.

Antoine Frey a félicité l’exécutif de l’Eurométropole pour leur choix vendredi, en indiquant tel Steve Jobs qu’il s’agissait là « d’une révolution » dans l’aménagement des zones commerciales. Pour l’instant, le concept de Frey est visible dans la banlieue de Troyes, à Saint-Parres-des-Tertres, dans une zone commerciale appelée « Be Green ».

Vue aérienne de BeGreen, à Saint-Parres-des-Tertres (photo Google Street View)

#environnement

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