La salle d’audiences du tribunal administratif de Strasbourg était pleine à craquer. En plus de la quarantaine de places assises, une trentaine de personnes sont restées débout tandis que plusieurs dizaines de soutiens ont patienté sur le trottoir.
Dix résidents convoqués
Dix personnes étaient nommément convoquées au tribunal administratif de Strasbourg ce lundi 18 juin. Elles résidaient sur la Zone à défendre (Zad) du moulin à Kolbsheim mercredi 13 juin au matin, date à laquelle elles ont reçu une convocation remise en mains propres par les gendarmes.
En vivant dans cette forêt, ils espèrent empêcher les travaux du Grand contournement ouest (GCO – voir tous nos articles), une autoroute payante de 24 kilomètres prévue pour 2020. Mais la dizaine d’occupants, qui a un rôle d’alerte, a tendance à changer du jour en lendemain.
Pourquoi Arcos doit prendre les devant ?
Pour le constructeur et exploitant, Vinci via sa filiale Arcos, la ligne de son avocat Me Clément Launay fut de rappeler que même si les travaux définitifs ne sont pas encore autorisés, la société est tenue par plusieurs obligations mentionnées dans le contrat qu’elle a signé avec l’État. Et parmi celles-ci, des travaux préparatoires dans cette forêt :
« Chaque fois qu’Arcos essaie de faire des travaux, elle est manifestement empêchée. »
Arcos a ajouté que son calendrier est contraint. Dans les zones de protection stricte des espèces menacées, comme la forêt de Kolbsheim, les déboisements ne sont autorisés que du 1er septembre au 15 octobre. En 2017, une tentative avait été effectuée le 20 septembre par Arcos qui s’était heurtée à un blocage d’opposants, avant que le gouvernement ne lui demande de reporter ses petites affaires à plus tard, et par conséquent à l’année suivante.
Du côté de la défense, quelques questions de forme ont été soulevées (la signature du document, l’affectation des parcelles). Me François Zind a aussi questionné la compétence du juge administratif car, selon lui, les terrains expropriés ne relèvent pas du domaine public. Un renvoi ferait gagner du temps aux opposants.
Surtout, il s’est demandé pourquoi l’État ou la commune ne prennent pas des mesures d’évacuation si elles étaient si urgentes, plutôt que de laisser le concessionnaire prendre les devants. L’État, dont un représentant était dans la salle avec le statut d’observateur mais ne s’est pas exprimé, est dans un double rôle. Il a signé le contrat pour le projet mais il est aussi le garant du bon déroulement des procédures, dont certaines de protection de la nature. Deux de ses instances, l’autorité environnementale et le conseil de protection de la nature ont sévèrement critiqué le projet d’autoroute.
« Quel est l’intérêt du lierre ? »
Le président du tribunal, Philippe Devillers, était accompagné de deux conseillers, ce qui est rare pour une procédure en référé. Il connait bien le dossier, car il avait déjà tranché le recours sur les travaux préparatoires. Après les exposés très détaillés de la situation par les deux parties, il a néanmoins posé une question, vraisemblablement pour mesurer le degré d’urgence de la requête :
« Quel est l’intérêt du lierre ? »
Il faut l’enlever deux mois avant les déboisements a justifié Arcos, pour limiter l’impact sur les espèces protégées, comme les chauves-souris. En réponse, Me François Zind a sauté sur l’occasion pour rappeler qu’une telle précaution n’a pas été prise lors de la tentative en 2017.
Soupçon de chahut, décision mercredi
Une fois la séance levée, un peu de chahut s’est fait entendre dans la salle. « Pensez aux générations futures ! », a notamment lancé une militante. Un peu de bruit a accompagné le départ des représentants d’Arcos et de ses avocats sur le trottoir rue de la Paix.
L’instruction est prolongée jusqu’à mardi 19 juin à midi. La décision est attendue pour mercredi 20 juin dans la journée.
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