Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

La wildcard pour la SIG, un cadeau empoisonné ?

Bénéficiaire d’une wildcard et donc dispensée de tournoi qualificatif, la SIG a pu disputer l’Euroligue pour la deuxième fois de son histoire. Vu comme une précieuse opportunité d’introduire le club sur la médiatique scène européenne, le sésame a surtout mis en lumière le fossé le séparant du gotha continental. Après des performances en dents de scie, le doute est là. Il faut faire avec, bien que l’équipe s’étiole même en championnat…

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Le fantôme de Kevin Murphy risque fort de ne plus hanter les travées du Rhenus pour longtemps / Photo Audrey Feltz

On savait l’Euroligue meurtrière dans les rangs français. Les derniers y ayant correctement figuré, il y a six ans de cela, comptaient quelques teigneux dans leurs rangs (Mike Bauer, Micheal Wright et…Ricardo Greer pour Pau-Orthez en 2006). Les autres verts, ceux de Nanterre, sont en passe de suivre cet exemple. A grands renforts d’exploits en tous genres, les banlieusards se rapprochent du Graal : le Top 16 européen. D’ici à regarder l’ex-Petit Poucet et bourreau de juin dernier d’un œil jaloux, il n’y a qu’un pas, déjà franchi pour certains amateurs de basket.

Les prestations des Nanterrois à la Halle Carpentier, face aux jeunes Serbes du Partizan Belgrade ou contre l’ogre barcelonais, ne peuvent laisser que songeur. Envieux même vus de Strasbourg. Un exemple éclatant de solidarité et de hargne saupoudrées d’une pincée de réussite dans les moments chauds. Toutes les valeurs qu’un coach aimerait bien porter dans sa hotte, entre septembre et juin.

Vous avez dit état d’esprit ?

Pourquoi, ô désespoir, le rival parisien, pourvu d’un budget encore plus allégé que la SIG (4,3 millions d’euros en Ile-de-France contre 5,7 millions à Strasbourg), parvient-il à renverser des montagnes quand les sigmen semblent patauger dans la mare ? Alors certes, en termes de trésorerie et à ce niveau, lorsqu’il s’agit de toiser les 30 millions madrilènes ou les 40 millions moscovites, un petit million de différence ne vient peut-être pas changer grand-chose. Quant à l’état d’esprit, donnée cruciale dans le fonctionnement de la machinerie francilienne, il avait été jugé plus que bon au sortir de la campagne de recrutement alsacienne.

Vincent Collet, au cœur de l’été et à l’occasion du coup d’envoi de la nouvelle saison, déclarait avoir scrupuleusement choisi ses joueurs  « pour leurs qualités, bien sûr, mais aussi pour leur état d’esprit ». Ayant côtoyé ses futurs joueurs de près ou de loin, il paraissait avoir réuni à la SIG un savoureux cocktail de talents mâtiné de vertus collectives. Au vu des belles saisons desquelles sortaient les Abromaitis, Diot ou Leloup, tous les espoirs étaient permis.

Seulement voilà, la mayonnaise n’a pas voulu prendre. Ou pas encore. La maîtrise totale qu’avaient affichée Campbell et consorts lors de matches couperets la saison dernière (à Villeurbanne notamment, ou contre Dijon, pour n’en référer qu’aux playoffs) a été mise au placard depuis la déconvenue finale à Nanterre. Le contenu de jeu proposé par les basketteurs de Vincent Collet reste fluctuant, tout comme leur engagement.

En quête de stabilité

Malgré un Ajinça au firmament (meilleur scoreur de l’Euroligue après huit journées), la cohorte alsacienne ne parvient pas à suivre pas le rythme. Les lieutenants ne tiennent plus leurs rangs. Louis Campbell, métronome strasbourgeois la saison dernière, peine à retrouver ses marques, quand bien même il refait surface depuis son primé victorieux contre Kaunas. Le frétillant combo Diot reste instable, capable de sorties très convaincantes comme de prestations bien plus ternes.

Ricardo Greer, bousculé cette saison, était une pierre angulaire de SIG l’an dernier (Photo Audrey Feltz)

La hiérarchie, quelque peu bousculée à l’intersaison, voit les étrangers apporter moins que d’ordinaire. Pour rester en périphérie, le rookie Kevin Murphy – que l’on n’image pas s’éterniser sur les bords du Rhin – s’est effacé pour laisser Leloup et Lacombe gravir quelques marches supplémentaires. Même schéma pour le buffle dominicain, qui après une saison pleine mais un été peu productif, est rudoyé par l’ex-Villeurbannais au shoot soyeux, Tim Abromaitis.

Non pas que la concurrence soit jugée contre-productive, loin s’en faut. Simplement, un surplus de stabilité serait le bienvenu pour tenter d’alléger les lourdes valises ramenées par les sigmen de leurs déplacements à l’international.

Bref, la pétaudière, pourtant pétrie de talent, peine à se mettre en ordre de marche. Expédier la gonfle dans le filet est devenu compliqué avec la sixième attaque la moins prolifique d’Euroligue, alors que la formation rouge et blanche présente la deuxième défense la plus perméable (toujours après huit journées). Toutes ces données confinent la SIG à la dernière place de son groupe, et, plus grave, altèrent la constance de leurs prestations en championnat, compétition où ils devaient figurer à leur avantage.

Une Euroligue nuisible ?

De cette constatation naît, logiquement, l’interrogation suivante : l’Euroligue aurait-elle un effet destructeur sur les clubs français y prenant part ? On se souvient de Pau-Orthez, dernier qualifié français au Top 16 en 2006-2007, qui, en dépit d’une belle campagne européenne, n’avait terminé que 9e en Pro A. Son coach d’alors, Gordon Herbert, avait été licencié en fin de saison. Triste sort.

L’an dernier, Chalon-sur-Saône, seul représentant hexagonal, remporte trois victoires sur la scène continentale. Mais en France, le club bourguignon se voit dépouillé de son triplé Coupe de France-Championnat-Semaine des As acquis la saison précédente. De même pour Nancy en 2011-2012 : le champion sortant n’avait guère brillé en saison régulière, terminant à une bien terne 5e place. Les Lorrains furent éliminés illico presto au premier tour des playoffs.

Alors, est-ce vraiment une chance de disputer l’Euroligue ? Martial Bellon, président du club, précisait début juillet :

« En Euroligue, on est dans un autre monde, quoi qu’il arrive, y être fera progresser le club, même si on le découvre plus tôt que prévu. »

La structuration du club et le respect du cahier des charges estampillé Euroligue auront certainement été les (seules ?) conséquences positives de cette admission dans la cours des grands.

Un horizon plus large

Mais inéluctablement, les résultats sportifs souffrent de l’enchaînement des matches. Nanterre, pourtant en passe de se qualifier pour le sacro-saint Top 16, commence à marquer le pas. Les Franciliens ont lâché trois de leurs cinq derniers matches disputés en championnat. Alors si l’intrusion strasbourgeoise en Euroligue justifie aussi un axe de développement à long terme, il est légitime de s’inquiéter du bilan sportif actuel.

Avant le dénouement de la finale de juin dernier, Martial Bellon affirmait que la priorité restait la construction pérenne du club, quels que soient les résultats immédiats du club :

« Même si on est en haut aujourd’hui, qu’on gagne ou qu’on perde la finale, ce n’est pas couru d’avance qu’on ait les mêmes résultats la saison prochaine. Il faut travailler dans la durée. On ne pourra faire des résultats qu’avec une assise solide. »

Bien lui en a pris. Deux ans après la saison 2006-2007 et sa qualification au Top 16, Pau-Orthez avait été rétrogradé en Pro B, faute de n’avoir su présenter des finances saines. Un vrai séisme dans le petit monde du basket français. Heureusement, son déficit budgétaire, la SIG y a déjà fait face ces dernières années, avant de le résorber. Nous voilà sauvés pour ce qui est de la structure. Quant aux performances sportives, espérons que la SIG, probablement allégée de ses sommets européens, parviendra à se départir de sa collection automne-hiver, qui, osons-le, manque un peu de glam et de chic.


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