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Voisin procédurier, municipalité frileuse et dissensions internes… L’EurOasis s’enlise

Menacée par un recours au tribunal administratif, minée par des dissensions internes, l’EurOasis, association dédiée aux alternatives et aux transitions, s’enlise sur les deux hectares de terrain loués par la mairie de Strasbourg depuis un an.

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Derrière le portail du 32 quai Jacoutot, la végétation a repris ses droits. Sur les deux hectares en friche investis en juillet 2019 par l’EurOasis, quelques constructions en terre, en paille et en bois, un jardin de permaculture, des chemins tracés et trois bâtiments fermés, témoignent d’une activité humaine discontinue.

En juin 2018, l’EurOasis remportait l’appel à projets lancé par la municipalité de Strasbourg. Sur cette parcelle verdoyante de la Robertsau cédée par la Ville, l’association s’engageait à créer un espace de coworking, une microbrasserie ou encore une école alternative…. À l’été 2019 cependant, la vente du terrain n’a pas eu lieu. La municipalité a préféré signer une convention d’occupation précaire, suite à un recours devant le tribunal administratif d’un autre porteur de projet qui convoitait cet espace. Ce bail précaire prend fin le 30 septembre 2020, posant ainsi la question de l’avenir de ce lieu dédié aux alternatives.

L’appel à projets cassé par la ville

L’immobilisme actuel d’Euroasis est lié au recours de Jean-Luc Meyer, un voisin du terrain. L’agent négociateur en immobilier estime que l’association a bénéficié de faveurs de la municipalité lorsqu’il était question de vendre l’ensemble en l’état pour 412 500€. Son avocat Me Nicolas Kihn explique pourquoi la décision de la Ville suite à l’appel à projets a été contestée :

« Nous estimons que la Ville de Strasbourg a mal apprécié le projet au regard de ses propres critères, qu’ils soient culturel ou économique. Nous proposions un parc de sculptures, un café des arts, une salle de réception et un restaurant, ce qui correspondait mieux aux attentes de la ville au niveau du tourisme et des loisirs. Au niveau financier, nous avions un plan de financement et une attestation bancaire qu’Euroasis n’avait pas. »

Depuis l’installation d’Euroasis sur le terrain, leur voisin s’est montré particulièrement procédurier. Lors de l’inauguration, Jean-Luc Meyer a tenté de faire annuler l’événement par un recours en référé devant le tribunal administratif, en vain. Lors des événements suivants, il a estimé que les normes d’accueil du public n’étaient pas respectées et en a averti les autorités par courrier.

Revirement sur des subventions

Les membres d’Euroasis espéraient aussi recevoir des subventions de la part de la Ville « à hauteur de 120 000 euros répartis sur 2020 et 2021 », estime Lionel Prime, actuel membre du bureau de l’association. Mais les élus municipaux n’ont jamais délibéré sur ces aides en conseil. Paul Meyer, ancien adjoint en charge de l’Économie sociale et solidaire, explique ce revirement des élus en charge du dossier malgré ses efforts pour soutenir financièrement le projet :

« Il fallait sécuriser la situation des occupants d’Euroasis parce qu’on avait un voisin qui faisait tous les recours juridiques imaginables. Si une subvention avait été versée, elle aurait pu être utilisée par le plaignant (estimant avoir été lésé au profit d’Euroasis, ndlr) dans la procédure qui attaquait l’issue de l’appel à projets. »

Des bâtiments interdits d’accès

Un autre revirement municipal concerne la convention d’occupation précaire signée par l’EurOasis et la mairie de Strasbourg. Cette dernière n’autorise pas les membres de l’association à occuper les trois bâtiments de 750 mètres-carrés. Des diagnostics de l’agence AC Environnement ont aussi révélé des pollutions à l’amiante et au plomb dans ces structures. Mais un ancien membre actif de l’association, Philippe Kuhn, se souvient d’une autre promesse sur ce point :

« On a reçu la visite d’un élu à l’été 2019, qui venait constater de manière non officielle que les bâtiments seraient rapidement habitables après quelques travaux. Cela devait aboutir à la signature d’un avenant au bail, permettant d’entrer dans les bâtiments. Mais en décembre, la Ville nous a confirmé l’interdiction d’accéder aux trois maisons. »

Pour des raisons de sécurité, les bâtiments sont interdits d’accès. (Photo Manuel Avenel / Rue89 Strasbourg / cc)

Autre imprévu pour Euroasis : une pollution des sols au mercure a été constatée en plusieurs points. Pour réaliser le jardin de permaculture (une forme de culture qui doit permettre une restauration biologique), Gaby et une dizaine d’autres bénévoles ont dû trouver des solutions : « Nos tomates, potirons et courgettes sont plantés dans des bacs de terre et sur des buttes afin d’éviter le contact du sol, explique-t-elle, l’avantage de ces légume-fruits, c’est qu’ils sont consommables même dans des sols pollués. De la luzerne, des plans de moutarde et de phacélie, permettent également d’extraire cette pollution. Progressivement nous dépolluons le jardin depuis août. »

Les projets d’espace de coworking, de restauration bio, de microbrasserie, d’école alternative ou encore de crèche ont donc été reportés. « Des personnes venues travailler sur le principe du woofing (logement contre travail, ndlr) ont dû quitter les lieux et cela a mis par terre le projet initial », se souvient Philippe Kuhn.

« Des personnes venues travailler sur le principe du woofing ont dû quitter les lieux et cela a mis par terre le projet initial », se souvient Philippe Kuhn.

L’organisation d’événements

L’association s’est alors concentrée sur l’organisation d’événements en extérieur comme le Camp Climat cet été. Des rencontres de plus petite ampleur, comme des conférences sur le climat ou des ateliers de permaculture, ont aussi eu lieu. Mais depuis août, l’alimentation en électricité ne fonctionne plus. Une situation qui remet en question toute programmation selon Lionel Prime :

« Sans électricité, les conditions météorologiques sont déterminantes pour nos activités qui sont toutes en extérieur. À l’automne, et surtout en hiver, ça devient compliqué de travailler sur le site. »

Une crise de gouvernance interne

Pour lancer ses chantiers, l’association proposait des heures de travail contre des parts sociales à pourvoir dans la future société coopérative (SCIC) qu’elle souhaitait former. L’opération de conversion n’a plus cours aujourd’hui selon Lionel Prime, qui mentionne « des abus » dans les horaires déclarés. Un problème supplémentaire pour les membres de l’association, dont certains ont fini par abandonner le projet :

« En décembre 2019, une fissure s’est créée entre les attentes et ce qui se passait dans le collectif, ce qui a mené à une crise interne. »

La moitié du « cercle général », qui prenait les décisions principales, a démissionné. Le groupe restant, quinze à trente actifs sur 250 à 300 membres, s’est réuni en mars 2020 lors d’une assemblée générale extraordinaire afin de mettre en place une nouvelle gouvernance de sept personnes. Le jour de l’inauguration en septembre, 1 500 personnes avaient laissé une adresse mail pour se tenir informé de la suite.

La Ville de Strasbourg n’a pas souhaité répondre à notre demande d’interview, avançant « des négociations en cours » concernant le futur contrat d’occupation des lieux. Pas plus que Philippe Bies, l’ancien adjoint (PS) et président d’Habitation moderne qui avait piloté le dossier. Lionel Prime espère une rencontre avec les adjoints en charge du dossier pour obtenir un bail emphytéotique d’ici 2021.


#EurOasis

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