En raison de la nouvelle règle sur le non-cumul des mandats, un député doit repenser sa présence locale, tout en montrant aux électeurs son travail à Paris. Et c’est là tout le dilemme : comment envisager d’être un bon député de terrain alors que l’essentiel du travail d’un député se fait à Paris ?
À Schiltigheim, débat entre pros de la création audiovisuelle
Rendez-vous est donc pris pour le 6 et le 7 novembre 2017 : le lundi en Alsace et le mardi à Paris à l’Assemblée. Suite à des changements d’agenda de dernière minute, on débute par une soirée-débat sur l’état de la création audiovisuelle régionale à sa permanence, rue du Brochet à Schiltigheim.
Une soirée pour laquelle il avait lancé beaucoup d’invitations, mais malgré son statut prestigieux de président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, moins d’une dizaine de personnes ont répondu présent. La soirée se déroulera avec la projection du film Un petit tour en vélo. Son réalisateur, Jean-Cyrille Muzelet, vient défendre la production associative. S’en suit un débat hétéroclite où chacun porte ses revendications.
Paris : 1ère classe et moto-taxi aux oubliettes… pour la caméra
On passera rapidement sur les pudeurs de gazelle à voyager en TGV 1ère classe et à prendre une moto-taxi à son arrivée à la gare de l’Est (8h42) pour être à l’heure à l’Assemblée nationale où se déroulait une réunion importante à 9h. Devant moi, le député a choisi de prendre sa place en seconde classe puis le métro, quitte à arriver légèrement en retard à sa réunion.
Arrivé à l’Assemblée, je prends place dans les gradins d’une salle de réunion où se tient la commission élargie de l’examen de la loi de finance du budget de la culture. Bruno Studer co-préside avec Éric Woerth (président « Les Républicains » de la commission des finances) en présence de Françoise Nyssen, ministre de la Culture. Après l’exposé des rapporteurs, très techniques, la Ministre répond rapidement aux questions des députés. En fait, elle lit rapidement les éléments que lui transmet son directeur de cabinet et en oublie certaines questions… Les députés ne relancent pas. On ne peut pas vraiment appeler ceci un débat.
Long travail en commission le matin
La commission va ensuite voter les amendements présentés par les députés. Les débats sont techniques et l’on peut ici mesurer que le travail des députés nécessite de solides connaissances. De temps en temps, il y a des questions ou des amendements exotiques voués à l’échec, histoire de pouvoir dire, de retour en circonscription ou sur son site, que l’on a défendu tel ou tel sujet.
Malgré la longueur (3 heures) et la technicité du débat de la commission, j’ai bien accroché. Le travail de fond est fait, souvent par les rapporteurs ; et quand quelqu’un maîtrise son sujet, c’est encore plus passionnant.
Je me suis amusé à repérer les têtes d’affiche présentes comme Marie-Georges Buffet, Gilles Carrez… ou à tenter de découvrir l’orientation politique de ceux qui m’étaient inconnus en fonction de leur intervention. Une expérience à vivre.
À midi, je suis allé déjeuner avec Bruno Studer dans l’un des restaurants de l’Assemblée. Vue exceptionnelle sur Paris. Service rapide, belle cuisine… mais goût de IVè République. C’est l’endroit où les députés reçoivent et se rencontrent.
L’après-midi, on prend le temps d’une interview dans son immense bureau. Les députés n’ont pas de lieu de travail aussi imposant, mais en tant que président de la commission il y a droit, ainsi qu’un secrétariat et une voiture de fonction.
Bruno Studer : « Je n’ai pas peur »
Je devais rester encore l’après-midi pour assister à un débat en séance dans l’hémicycle, mais il est interdit de filmer depuis les tribunes. Donc j’ai décidé de reprendre le train plus tôt pour rentrer à Strasbourg après un dernier passage dans les jardins et la fameuse salle des Colonnes. Lors de ces 24 heures, j’ai pu aller là où je voulais, et tourner ce qui me plaisait ou non.
Une réforme urgente de l’Assemblée
Les institutions mettent le député dans d’excellentes conditions pour effectuer son travail, qui n’est pas toujours facile. Il faut tenir les journées à rallonge, la fatigue des déplacements et les sollicitations permanentes, la technicité de certains dossiers, tout cela ne se voit pas forcement.
Mais cela n’est pas si différent du travail de tout le monde. Qui se préoccupe de savoir comment je vais au travail ou si mes journées sont longues ? Il faudrait abolir les derniers privilèges pour que le député puisse être un « Français comme les autres » ni plus, ni moins. Il y a un vrai risque que les petits privilèges n’engourdissent nos députés ou en fassent un citoyen mollement en prise avec le réel.
Se faire connaître localement
La réforme du non-cumul des mandats provoque un inconfort local, et oblige les nouveaux députés portés par la vague présidentielle à réinventer leur rôle ou la manière d’être des parlementaires de terrain. Si pour l’instant, leur devoir de vigilance (à défaut d’opposition aux projets du gouvernement) est plutôt discret, ils cherchent tous à se trouver une place au niveau local, un échelon où Bruno Studer n’a jamais été élu.
C’est d’ailleurs pourquoi le député vient de publier un site Internet. Dans le même ordre d’idée, l’ancien référent bas-rhinois du mouvement présidentiel lance une série de rencontres publiques (« des auditions ») dans sa circonscription, fin janvier, pour un premier bilan.
Le rôle d’un député est de faire la loi pour l’ensemble de la nation. Mais la tentation est forte, pour montrer aux électeurs qu’il les représente activement, d’en faire un peu trop localement, quitte à faire de la pure communication. Il s’agit bien d’une relation à réinventer et à reconstruire dans la circonscription. Y arrivera-t-il ? Réponse dans 4 ans.
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