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Jean-François Gérard
Publié le ·
Imprimé le 21 novembre 2024 à 20h43 ·
11 minutes
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Il fut un temps où Strasbourg rêvait de se doter d’une autoroute moderne côté sud. À quelques pas du centre, la « contournante sud » aurait permis de relier l’Autobahn allemande qui déboule à Kehl, à quelques centaines de mètres de la frontière. Cette voie fluide, l’ex-RN4 (50 000 véhicules par jour en 2002), était même enjambée par l’ancien viaduc Churchill, pour ne pas perdre de temps à un carrefour.
De l’autoroute à l’avenue cauchemar
Mais le grand dessein a fait long feu. Avec les années 1990 et l’urbanisation des « Fronts de Neudorf », place à une avenue, l’avenue du Rhin. Côté sud, on construit une autre rocade et le pont Pfimlin, mais encore peu utilisés, car… non-raccordés à l’autoroute achevée de l’autre côté du fleuve. Stigmate de cette époque, les premiers bâtiments de l’avenue du Rhin à Strasbourg sont « aveugles », c’est-à-dire sans fenêtre ou presque côté route : le cinéma UGC, les archives départementales, le magasin Siehr…
En 2019, cet axe de 2×2 voies est l’un des cauchemars strasbourgeois : bien que peu d’accidents y soient recensés, elle est trop bruyante, trop polluée (dont 40% vient du trafic routier) ou inesthétique. Pourtant, tout le long de l’axe Deux-Rives, les logements et bureaux se multiplient depuis deux mandats. Et ce sont donc autant des potentiels électeurs mécontents.
Une mission d’information
C’est notamment sur ce constat que s’est formée la « mission d’information » autour de l’avenue du Rhin en octobre 2018, dans le contexte post-GCO. En effet, la situation de cet axe fait écho à celle de l’A35, que l’on imagine un jour transformée en boulevard. Depuis 2012, les camions « en transit », c’est-à-dire qui ne s’arrêtent pas, sont interdits. Comme en théorie après la mise en service du Grand contournement ouest. Mais l’incapacité à faire respecter cet arrêté sur cet axe aux 45 000 véhicules par jour, où aucun contrôle ou presque n’a lieu, interroge sur l’avenir de l’A35. Et le statu-quo ne satisfait guère à Neudorf, alors que le trafic avait baissé jusqu’en 2013.
Six mois plus tard, c’est l’heure du rendu avant les vacances pour le groupe qui comprenait 19 élus de toutes les tendances politiques. En s’appuyant sur deux demi-surprises : un quart des 2 500 à 3 000 poids-lourds (autobus et cars compris) n’est pas censé rouler là. Autre apprentissage, 40% des camions qui partent du Port autonome de Strasbourg (PAS) ne sortent pas de la ville. « Il y a un travail à faire sur la logistique depuis le port », en conclut la rapporteuse, l’écologiste Françoise Schaetzel.
Selon la rapporteuse et la présidente de la mission, l’adjointe au maire Camille Gangloff (PS), les sept premières propositions (voir ci-dessous) peuvent être prises sous six mois, avant la fin du mandat. La principale est notamment d’affecter la police municipale à des contrôles « humains ». Par ailleurs, la mission préconise deux arrêtés, l’un qui étendrait le périmètre d’interdiction des camions en transit jusqu’au pont de l’Europe (où la petite zone de contrôle prendrait plus de sens) et l’autre qui interdirait tout poids-lourds entre 22h et 6h, comme sur d’autres avenues résidentielles de la capitale alsacienne.
Des propositions pour les prochains mandats
Les autres propositions sont à plus long terme, avec comme objectif final, une 2×1 voie en 2030. Elles pourraient donc s’inviter dans le débat des élections municipales. Citons par exemple l’idée de rouvrir la gare TER du Port-du-Rhin, prolonger le tram F du côté de Starlette et la Coop, végétaliser les abords, ouvrir des stations Citiz, créer une piste cyclable distante de l’avenue le long du canal et du quartier Danube ou plus périlleux, « encourager les activités économiques qui apportent une plus-value en matière d’emplois », mais qui « limitent les transports par la route ». La question de rouvrir une route à camions (ex-route EDF) le long de la forêt de la Robertsau (bientôt classée en réserve naturelle) pour accéder au Port par le Nord est la seule préconisation qui divise les participants.
Une des modifications parmi les plus significatives serait de prendre en compte la qualité de l’air dans les futurs plans locaux d’urbanisme, et que les permis de construire en dépendent. Idem pour les écoles, le cas de l’implantation de l’école Danube (Solange Fernex) ayant laissé des traces…
En débat dès lundi
À cela s’ajoute la proposition de mettre en place une « gouvernance » de l’avenue. Concrètement, elle prendrait la forme d’un groupe avec les parties prenantes de ces mesures (Ville, Eurométropole, Port, l’État, Atmo Grand Est, habitants, etc.), suivrait les décisions et en rendrait compte tous les ans.
Le rapport et ses préconisations seront soumises au maire Roland Ries et débattues au conseil municipal de ce lundi 24 juin.
Le tram D, récemment prolongé vers l’Allemagne et imaginé comme « épine dorsale » avant la construction des logements, est déjà très utilisé, proche de la saturation aux heures de pointe. Pour Camille Gangloff (PS), cette situation appelle à repenser la suite du développement du quartier pour apaiser l’avenue du Rhin :
« Il y a un plan de mobilité au Port mais seuls 5% des employés l’utilisent, il n’y en a pas à Rhéna… Avant de poursuivre la densification du secteur, il faut un travail sur les mobilités alternatives. Le trafic baissait sur cette avenue jusqu’à 2013 et depuis a toujours augmenté. »
De quoi sûrement relancer d’âpres débats dans l’hémicycle et en dehors, jusqu’à 2020.
Bonus : quand Strasbourg vantait son contournement sud !
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