Vincent Faller aurait voulu être un artiste. Il l’a été une vingtaine d’années, jusqu’à ce que son père lui demande de reprendre l’hôtel familial Le Petit Trianon, petite rue de la course, dans le quartier Gare à Strasbourg. Vincent Faller est un bon fils, il accepte mais dans son esprit, Le Petit Trianon sera un lieu artistique. On est alors en 2009. Il achète l’immeuble voisin, au coin de la rue Déserte, casse tout à l’intérieur puis crée une cage d’ascenseur et cinq chambres par étage. Quatre étages, 19 chambres, voilà un hôtel.
L’idée est de confier la décoration entière d’une chambre à un artiste, de préférence strasbourgeois (voir la liste ci-contre), avec une discipline par étage (illustration, graphisme, photo…). L’idée n’est pas nouvelle (le Mama Shelter à Marseille, le Bloom à Bruxelles existent sur ce concept) mais pour Vincent Faller, l’ensemble doit avoir une cohérence et sa vie propre :
« Je ne voulais pas d’une succession d’œuvres. Il ne s’agissait pas non plus d’accrocher des tableaux. J’ai demandé aux artistes de venir et de s’approprier complètement les espaces. Le Graffalgar un lieu vivant, où les touristes pourront se confronter à l’art des Strasbourgeois et à la vie culturelle locale, puisque nous organiserons des événements, des expositions, des concerts et des rencontres. »
Vincent Faller, qui a dû se rappeler à grande vitesse tous ses souvenirs de l’école hôtelière, a fait appel à une équipe d’architectes d’intérieurs pour tout aménager, en lien avec les artistes. Les chambres sont encore loin d’être terminées, mais déjà, des figures sortent des murs dans certaines pièces, des éclairages brisent la nuit absolue, parfois il y aura même des sons… Ainsi, l’illustratrice Mo Barroux a entrepris la décoration d’une petite chambre du troisième étage, adoptant un style assez éloigné de ses aquarelles :
« Je voulais que lorsqu’on ouvre la porte, on entre comme dans une volière, en faisant s’envoler des dizaines d’oiseaux. Alors j’en ai dessiné une cinquantaine, au stylo et les voilà sur tous les murs de cette chambre. Il y aura une musique d’ambiance discrète. Et quand on éteint, il y a des motifs rémanents au plafond. Au lieu de compter les moutons pour s’endormir, on pourra compter les oiseaux. »
Changement de décor chambre 303, avec les dessins nettement moins consensuels de Marie Meier. Cette illustratrice de 40 ans est connue pour son œuvre aux accents gothiques. Pour sa chambre, rouge avec des femmes allongées aux regards pénétrants, elle ne s’est pas censurée :
« Quand quelqu’un me commande une œuvre, il sait à quoi s’attendre. Avec moi, il y a du cabaret burlesque même si je m’en éloigne, du tatouage, des éléments tirés du Moyen-Âge… Je voulais faire quelque chose qui rappelle fortement un bordel aussi. J’ai d’abord dessiné un croquis, que Vincent a accepté immédiatement. »
Au final, l’hôtel devrait proposer des nuits ne dépassant pas une centaine d’euros pour un couple. Mis à part une chambre familiale par étage, les pièces sont assez petites de toutes façons et l’angle de la rue Déserte et de la Petite rue de la Course n’offre aucun panorama. Confier la décoration de l’hôtel à des artistes est donc aussi un bon moyen de sortir Le Graffalgar d’une catégorie moyenne dont il n’aurait pu s’échapper sans aménagements conséquents.
Pour les travaux, Vincent Faller a investi 1,5 million d’euros (hors achat de l’immeuble, montant non dévoilé). Les artistes ont tous reçu un cachet équivalent, autour de 1 200€, pour leur œuvre et la cession de leurs droits. Certains artistes contactés ont refusé, soit pour des questions d’agenda, soit parce que leur agent leur a déconseillé.
L’inauguration est prévue le 6 janvier 2014. Immédiatement après l’ouverture, Le Petit Trianon, juste à côté, sera fermé pour travaux. Ses volumes s’ajouteront à ceux du Graffalgar pour l’étendre, et ajouter ainsi 25 nouvelles chambres à l’automne 2014, ainsi qu’un restaurant. Alors peut-être, Vincent Faller sera parvenu à concilier sa vie d’artiste et sa vie d’hôtelier.
Aller plus loin
Le Graffalgar sur le web, sur Facebook et sur Twitter.
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