Le samedi 12 janvier 2019, Marlène Lutz s’effondrait après avoir été matraquée à l’arrière du crâne dans la rue du 22-Novembre. Plus d’un an et demi après cet acte 9 des Gilets jaunes marqué par des affrontements, le policier auteur des faits doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Il sera jugé pour « violences avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’une incapacité n’excédant pas huit jours. »
L’aboutissement d’un combat
La veuve de 63 ans ne s’attendait pas à ce procès. Depuis ce 12 janvier, Marlène Lutz a continué de manifester tout en voyant ses camarades blessés, parfois éborgnés, par les tirs de la police ou de la gendarmerie. Les violences policières sont ainsi devenues son principal combat.
Montpellier, Toulouse, Paris, Metz… L’ancienne aide-soignante a sillonné la France pour dénoncer l’impunité des forces de l’ordre, avec souvent comme seul outil un portable à la main diffusant sur Facebook en direct. La retraitée sait très bien qu’une violence policière filmée a plus de chance d’être sanctionnée. Elle regrette que les policiers soient peu condamnés lorsqu’ils se rendent coupables de violences, avant d’évoquer la plainte classée sans suite de la mère de Lilian, touché par un tir de LBD le même jour que Marlène. Le jeune de 16 ans ne manifestait pas.
Mi-janvier 2019, la militante racontait sa blessure les larmes aux yeux : « Je ne sais pas ce que c’est, cette haine que je ressens. » Six mois plus tard, Rue89 Strasbourg l’interviewait à nouveau. Marlène continuait de se battre « pour que plus personne ne vive ces bavures policières. (…) Chaque fois que je vois qu’ils matraquent quelqu’un, c’est comme s’ils me matraquaient moi. »
« Ils ne sont plus dignes de l’uniforme »
À la veille de l’audience, l’habitante de Brumath est « stressée ». Elle n’espère pas une peine de prison pour l’auteur des deux coups de matraque, « c’est pas en allant là-bas qu’il deviendra une meilleure personne, au contraire. » Obtenir justice, pour Marlène Lutz, ce serait plutôt démettre le policier de ses fonctions de maintien de l’ordre :
« Pour moi, tous ceux qui ont commis ces actes illégitimes, qui ont frappé, qui ont éborgné, ils ne sont plus dignes de porter l’uniforme. Pour moi, cet homme est un danger public, il ne devrait plus assurer l’ordre dans les manifs. »
Lors de son audition par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), le policier a reconnu une « erreur » tout en précisant qu’il ne savait pas que la victime était une femme. Marlène Lutz se dit choquée par ces propos de l’auteur, cité dans les Dernières Nouvelles d’Alsace : « Comment peut-il parler d’une erreur ? Femme ou homme… On ne frappe pas par derrière, surtout pas quelqu’un comme moi qui marche sans rien faire de mal ! » Dans son rapport, la police des polices écarte la légitime défense et conclut à une violence disproportionnée. Peu confiante dans le système judiciaire français, Marlène Lutz espère que « cette plainte servira d’exemple. »
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