Et si la question des pistes cyclables sur l’avenue des Vosges devenait le premier dossier de la campagne des élections municipales de 2020 ? Certaines écuries ont certes déjà lancé la course côté coulisses, mais difficile à ce jour de distinguer des réelles différences idéologiques entre les prétendants. Si bien que les dossiers de discorde manquent un peu dans le débat, il faut dire un peu étouffé par la « loyauté » exprimée par chacun envers le maire actuel, Roland Ries (PS, mais en retrait), en dépit de l’explosion de sa majorité.
Une ligne nouvelle
Dès le lendemain de l’action symbolique du lundi 28 mai du collectif Velorution qui consistait à peindre des vélos sur la chaussée de manière éphémère, le premier adjoint au maire Alain Fontanel (LREM) a pris position sur le sujet. Dans un post sur Facebook qui ressemble fort à une première proposition de programme, à près de deux ans des échéances, l’élu estime que l’avenue « ne pourra plus rester en l’état longtemps », et – surprise – qu’il faudrait un jour y installer un tramway. Et même s’il ne le précise pas, les tramways sont toujours bordés de pistes cyclables, une règle de l’aménagement à Strasbourg.
La prise de position a de quoi détonner, une telle ligne ne figure pas dans les schémas à court ni à long terme établis par la majorité, dont il fait partie, aux commandes de la municipalité depuis 2008.
Réaction rapide inhabituelle
Alain Fontanel justifie entre autres sa proposition par les résultats des élections anticipées à Schiltigheim où la maire élue en avril, l’écologiste Danielle Dambach, a fait campagne pour la relance du projet de tram vers l’avenue du Général de Gaulle, abandonné en 2014. Cerise sur le gâteau, ce tracé très hypothétique permettrait de contourner la place de l’Homme de fer, saturée aux heures de pointes par les cinq lignes qui la traversent.
Un post pour le moins étonnant, compte tenu de la prudence habituelle dans son expression de celui qui pourrait être le futur tête de liste « En Marche » en 2020. Dans une réponse à un commentaire, le premier adjoint conçoit que cela « ne pourra plus ce faire dans le cadre de ce mandat ». Mais de quel mandat peut-il bien parler alors ?
Alain Fontanel « comprend » le lien avec mars 2020, mais selon lui, les élections ne sont pas l’enjeu :
« Ces problématiques qu’il faut encore aborder dans ce mandat sont indépendantes de la campagne. Je voulais réagir à l’initiative, avec le fait nouveau qui est l’étude promise par l’Eurométropole à la nouvelle maire de Schiltigheim, sur une nouvelle desserte en tram avant 2020. Il ne faudrait pas que cette étude élude le problème du nœud de l’Homme de fer. C’est l’occasion de faire d’une pierre, quatre coups : vélo, contournement de tram, Schiltigheim et une liaison directe entre la gare et le quartier d’affaires qui est prévue dans le contrat triennal. »
Celui qui est aussi président de le CTS oublie en revanche de préciser dans son post qu’il n’avait pourtant pas donné suite à la proposition du collectif pour le tram à Kœnigshoffen en 2017, qui préférait que l’on prolonge la ligne C vers la gare, au détournement de la ligne F sur la rue du Faubourg-National. Ce tracé alternatif, qui reprenait celui voté en 2013, visait à terme à construire un tracé via les boulevards Wilson, Poincaré et Clémenceau pour… rallier le quartier d’affaires Archipel à côté du Parlement européen en contournant la place de l’Homme de fer surchargée.
Alain Fontanel répond :
« C’était un bon projet à moyen terme, mais s’il fallait le faire au moment du prolongement vers Kœnigshoffen, cela aurait été le meilleur moyen de ne rien faire, compte tenu des capacités de l’Eurométropole. Ce n’est pas la même temporalité. »
Les collectifs ciblent un seul élu
De manière assez inhabituelle, les collectifs Vélorution et Réinventons l’avenue des Vosges adressent leurs demandes à Robert Herrmann (PS), président de l’Eurométropole mais aussi adjoint du quartier Centre-République, et également vu comme un prétendant aux prochaines municipales. En revanche, les collectifs épargnent l’adjoint au maire et conseiller métropolitain en charge du vélo, Jean-Baptiste Gernet (La Coopérative).
Ce dernier prend aussi position sur le sujet, avec une échéance plus rapide qu’Alain Fontanel. Il veut remettre deux propositions au maire Roland Ries et à Robert Herrmann après le défilé de vendredi :
« La première consisterait à une baisse de 30 à 40% des places de stationnement présentes sur l’avenue des Vosges. Cette solution est plus coûteuse et demande une décision politique de la part du maire et de l’adjoint de quartier. La seconde pourrait se faire à moindre coût. La voirie de l’avenue des Vosges doit de toute manière être entretenue. En 2019 et en 2020, pour des questions techniques, le tapis de la chaussée va devoir être renouvelé. On coulera donc un nouveau bitume et il faudra alors effectuer un nouveau traçage des lignes blanches. Je propose donc qu’au moment de ce traçage, on supprime une voie de circulation pour créer ainsi un espace pour une piste cyclable. On a repéré que la circulation avait baissé de 19% sur l’avenue des Vosges entre 2002 et 2013. Il y a donc une tendance à la baisse qui rendrait envisageable cette solution. »
En conseil municipal où le sujet a été abordé au détour d’une question d’actualité, Jean-Baptiste Gernet avait glissé non sans malice que « ce qui est possible au Conseil des XV / avenue de la Forêt-Noire (où l’élu de quartier est le marcheur Olivier Bitz, ndlr) doit être possible avenue des Vosges », en référence à des aménagements cyclables votés pour cette année.
Il faisait écho à la prise de parole précédente qui évoquait le « point noir de l’avenue des Vosges » devenu « dangereux « . Un problème soulevé par… Alain Fontanel. Comme souvent, de part leurs propositions, « La Coopérative / Génération.s » et « En Marche » se retrouvent à prendre en tenaille les élus restés au Parti socialiste.
En plein Grenelle
Contacté, Robert Herrmann, assez discret dans les polémiques entre adjoints, se dit assez étonné par cette prise de position soudaine de deux élus de sa majorité à l’Eurométropole :
« J’ai proposé un Grenelle des mobilités (d’une durée de six mois ndlr) qui traite de ces questions. Jean-Baptiste Gernet et Alain Fontanel le savent et peuvent participer à la réflexion. L’avenue des Vosges est un axe structurant avec des médecins et des avocats qui reçoivent du monde et ce n’est pas anodin,. C’est bien d’ouvrir une voie de dialogue, mais ça demande de l’inscrire dans des budgets. Il y a des crédits qui ont été alloués et le premier adjoint ne peut l’ignorer. Tout ce qui a été promis représente un niveau d’endettement élevé. Il faut y réfléchir de bout en bout car l’avenue des Vosges est longue. »
L’élu de quartier pointe par ailleurs que « des itinéraires bis » pour les cyclistes autour de l’avenue ont été mis en place, notamment devant le tribunal où la place vient d’être refaite.
Risque d’instrumentalisation
Robert Hermman s’étonne de la tournure du débat :
« Je félicite le collectif pour cet engagement citoyen. Il ne nous avait pas échappé que la création d’une piste cyclable était à l’origine d’un débat depuis plusieurs années. Il se passe une action, mais je trouve que l’on personnalise le sujet. Personnellement, je ne suis pas dans les élections municipales. »
Membres du collectif Velorution, Clémence Pascal et Maxime Ohron se disent conscient du risque d’instrumentalisation, mais n’y voient pas de danger. Au contraire, ils espèrent que cela joue en faveur de leurs revendications :
« Tout cela est prometteur mais bien loin de nous satisfaire. Nous avons besoin d’actes concrets. Messieurs Fontanel et Gernet seraient-il prêts à soutenir un aménagement cyclable provisoire avant la fin de l’année 2018 et tout faire pour la mettre en oeuvre en coopération avec l’élu de quartier ? Il est vrai qu’à ce jour les demandes sont plus adressées à Robert Herrmann, car on a l’impression qu’il est le dernier obstacle, mais il n’y a pas de problème personnel avec lui. Boulevard de Nancy, des plots en plastique pour matérialiser une piste cyclable sur les boulevards ont été mis en place en moins d’une semaine avec les travaux du tram. Ce qu’on espère, ce sont des actions pour la fin 2018. »
Et donc pas en 2020. Les différents pans de la majorité arriveront-ils à se mettre d’accord d’ici là ? Où est-ce dans leur intérêt de se renvoyer les responsabilités ? Le cortège de vélos qui doit partir à 19h place de la République devrait être très suivi, et compter quelques élus. Il ne manque qu’une réflexion de la nouvelle association « Strasbourg demain » pour pimenter l’ambiance.
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