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« Dos au mur, pas le choix », paroles de résignés dans les centres de vaccination

Après le pic de vaccinations mi-juillet, le nombre de rendez-vous quotidiens est en chute constante depuis début août. Ce sont les contraintes publiques imposées aux personnes non-vaccinées qui poussent nombre de personnes, résignées, à pousser la porte des centres de vaccination.

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Plus de 40 millions de Français sont complètement vaccinés. Mais à Strasbourg comme ailleurs dans le pays, moins de personnes se présentent dans les centres de vaccination. « On est en surcapacité de personnel », explique un officier des pompiers, chef de service au centre de vaccination de l’hôtel départemental. Au pic d’affluence, près de 2 300 personnes pouvaient se faire vacciner par jour place du Quartier-Blanc à la Petite-France. « Aujourd’hui, on est autour de 700-800 personnes par jour », souligne l’officier :

« À part les jeunes et les adolescents, on sent que les gens enthousiastes ne sont plus là. Ces adultes viennent par contrainte, pour voyager ou continuer de travailler. Les remerciements ne sont plus aussi fréquents. »

Le docteur Gilbert Weill qui travaille dans ce centre depuis juillet, raconte aussi faire face à des situations cocasses. « Tout à l’heure, un monsieur a essayé de négocier pour n’avoir qu’une seule dose, convaincu d’avoir eu le Covid malgré des tests négatifs ». Pour faciliter les vaccins, les rendez-vous ne sont plus obligatoires et les pompiers sont un peu moins regardants sur les documents à fournir (carte vitale, carte d’identité)…

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Autour du centre de ce centre de vaccination, ainsi qu’à celui mis en place par la Ville de Strasbourg place de la Bourse, une majorité des personnes interrogées venant se faire vacciner évoquent une obligation qui ne dit pas son nom. Ces citoyens se rendent à leur rendez-vous relativement à contre-cœur. Leurs raisons sont diverses, allant des doutes sur le vaccin, au refus du passe sanitaire, ou encore à l’incompréhension des règles pour contrer l’épidémie.

« On a le dos au mur »

Christophe est venu se faire vacciner place de la Bourse. Il est désabusé face à ce qu’il ressent comme « une obligation ». Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

Un peu désabusé, Christophe Scherer, 47 ans, gérant du bar Gustavia dans le centre-ville de Strasbourg, vient pour sa seconde dose. « Ils ont beau dire que ce n’est pas obligatoire, sans le passe on ne peut pas bosser, on ne peut pas voyager, on ne peut pas faire-ci, on ne peut pas faire ça… » S’il se considère résolument pro-vaccin, il maintient des doutes sur les effets secondaires à long terme. Entre les Gilets jaunes, les attentats et le Covid, le chef d’établissement regrette une « ambiance délétère depuis plusieurs années ». Aujourd’hui, elle est incarnée pour lui par « les gens qui traitent tout le monde d’anti-vaccins ou de complotistes ».

Les informations anxiogènes et les annonces contradictoires autour de la situation sanitaire pèsent sur son moral. « Je ne regarde plus les infos, je n’en peux plus. » Résigné face à la quasi-obligation vaccinale, les annonces d’Emmanuel Macron en juillet ont agi comme déclencheur :

« Oui, on a le dos au mur, mais après on n’a pas le choix, s’il faut le faire, il faut le faire. Quand on voit la situation en Martinique ou en Guadeloupe, où ils sont moins vaccinés qu’en métropole, ça joue dans la balance. »

Julien s’est rendu au centre de vaccination à l’hôtel départemental pour se faire vacciner. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

Alors qu’il vient de recevoir sa première dose, Julien, chef d’entreprise, évoque-lui aussi la situation d’outre-mer comme déclic. « Ça m’a fait comprendre qu’on était vraiment mieux protégé en étant vacciné. » Satisfait par sa prise en charge par les pompiers « agréables et accueillants », il ne ressent aucun ressentiment face aux mesures mises en place, qu’il perçoit comme positives pour l’intérêt collectif « même si individuellement, on n’y adhère pas forcément. J’étais parti pour ne pas me vacciner. J’aurais renoncé à tout ce qui n’est plus autorisé sans passe sanitaire, restaurants, spectacles… » Plus que les mesures successives du gouvernement et « les discours auxquels j’apporte peu de crédit », il insiste sur « la situation difficile dans des pays moins vaccinés », comme élément principal de sa réflexion. Avant de repartir en vélo, il s’étonne de la diminution de la fréquentation. « Il n’y a pas foule en tout cas. Je ne sais pas si c’est les vacances ou le peu d’engouement pour la vaccination, mais ça fait un peu bâtiment désert. » 

« Résignée, mais ce n’est peut-être pas plus mal« 

Sylvia s’est rendue place de la Bourse pour sa première dose, après avoir été refusée à l’entrée d’un cinéma Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

D’autres strasbourgeois sont plutôt remontés face aux récentes mesures sanitaires. Sylvia, enseignante en collège, s’est résignée à la vaccination, notamment face à la limitation de ses activités favorites :

« Samedi après-midi, je me suis rendue au cinéma. Normalement, c’était une petite jauge donc pas de problème. Mais en présentant mon billet, on m’a demandé mon passe sanitaire. Je ne l’avais pas. Je suis ressortie avec une boule au ventre. Dans cette situation, on a vraiment l’impression qu’on ne peut plus rien faire, d’être mise de côté. C’est une sensation très désagréable. »

Même si elle ne participe pas aux manifestations contre contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale (voir nos articles), elle dit comprendre les gens qui vont dans la rue. Elle dit s’être sentie « piégée et contrainte ». Au départ sceptique vis-à-vis des vaccins contre le Covid-19, son opinion a évolué, à force de « réflexions, d’échanges et de renseignements sur internet ». « On ne sait pas trop comment chacun peut réagir face au virus… Donc oui je suis résignée, mais d’un autre côté, ce n’est peut-être pas plus mal ». Elle espère ainsi courir moins de risques pour sa santé et relativise avec humour : « Heureusement j’aime bien les randonnées. Pour l’instant ils ne demandent pas le passe sanitaire dans les Vosges, mais qui sait, ça va peut-être venir ! »

« Il faut bien gagner de l’argent… »

Marjorie sort du centre de l’hôtel départemental, passe sanitaire en main. Il sera valable dans deux semaines. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

Marjorie, 22 ans travaille dans la restauration :

« Au boulot, on m’a dit que si je ne me faisais pas vacciner, je ne pourrai plus travailler à partir du 1er septembre. Je n’avais pas trop envie de me faire vacciner, mais je n’ai pas trop le choix, il faut bien gagner de l’argent. »

Son sentiment prédominant : l’impression d’être mis au ban :

« On a l’impression d’être vraiment considérés comme des gens à part si on n’est pas vacciné. J’ai le droit d’avoir mon avis, et de dire que c’est comme s’ils nous mettaient un couteau sous la gorge. Ils n’ont vraiment pas cherché à nous convaincre. »

Elle en veut au gouvernement, qui a fait volte-face sur la question de l’obligation vaccinale. « Macron disait qu’il ne rendrait jamais la vaccination obligatoire. C’était une grosse douille. » Malgré tout, pour éviter les ennuis au travail où le sujet du passe sanitaire « a déjà provoqué des tensions » entre membres du personnel, elle s’est résignée à se faire vacciner. « Au début, je n’étais pas très contente, sans être énervée. » Maintenant, c’est plutôt « allez-y prenez mon bras et faites ce que vous voulez avec ».

Claire est dégoutée du changement d’attitude du gouvernement vis-à-vis des soignants. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

Même obligation salariale pour Claire, psychologue, qui se fait vacciner « parce que pas le choix ». À son retour de vacances, elle retrouve un document son sur bureau lui indiquant qu’à partir du 15 septembre, sans document justifiant un schéma vaccinal complet, « ce n’était pas la peine de venir bosser ». Sans être contre la vaccination de manière générale, elle a du mal avec les vaccins contre la Covid-19 et surtout avec la question de l’obligation :

« Si vous me dites que demain je n’ai plus de salaire, c’est une obligation qui ne dit pas son nom. Oui c’est de la résignation, je ne vais pas changer de boulot, mais je ne le fais pas de gaîté de cœur. Il faut que je mange aussi, comme tout le monde… »

En tant que psychologue, elle soutient un principe de libre engagement. « L’adhésion est meilleure quand on est libre. » Elle pense qu’une partie importante du personnel soignant va démissionner suite à l’obligation vaccinale. « Passer de l’acclamation à la menace, ça fait bizarre. « 

« C’est incohérent »

Certains strasbourgeois ayant déjà attrapé le Covid-19, comme Dominique et Suzanne, un couple de retraités, ne comprennent pas qu’il leur faille passer par la case vaccination :

« Nous avons des anti-corps prouvés par un test sanguin. Mais nous sommes obligés de nous faire vacciner parce que nous ne pouvons aller nulle part sans passe sanitaire. »

Pour l’obtenir, ils se sont rendus place de la Bourse pour leur unique dose nécessaire. « Et ce sera la seule ! » déclarent-ils à l’unisson.  » Avec le passe sanitaire, c’est la première fois que nous avons ce type de restrictions dans notre vie courante et ça nous gêne. » La solution de remplacement pour ce couple qui dit respecter scrupuleusement les gestes barrières était de se rendre Allemagne :

« Les Allemands sont stricts, ils notent votre nom et votre numéro pour vous informer en cas de cluster. On n’arrive pas à comprendre pourquoi en France, il faut désormais le passe sanitaire pour se rendre en terrasse, alors qu’il y a quelques temps ce n’était pas nécessaire. C’est incohérent. »

L’Allemagne a récemment conditionné à son tour plusieurs activités publiques, essentiellement en intérieur, à la présentation d’un passe sanitaire.

Dominique et Suzanne ont attrapé le Covid-19 et ne comprennent pas pourquoi il leur faut une dose pour obtenir le passe sanitaire. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

À force d’entendre « tout et son contraire », Dominique n’arrive plus à avoir d’opinion sur la situation. Son épouse et lui-même pensent toujours que les mesures sanitaires sont les bonnes, mais dans leur cas, la vaccination est vécue comme une contrainte qu’ils ne comprennent pas.

Une personne attend la sortie d’un membre de sa famille devant le centre de vaccination de la place de la Bourse. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

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