Les faits remontent à près d’un an. Le 19 mars 2022, des bénévoles de l’association animaliste L214 mènent une action de sensibilisation devant le Monoprix de la place Kléber à Strasbourg. Distribution de tracts, inscriptions de tags à la craie sur le sol : le but de cette action est de dénoncer les conditions d’élevage des poulets commercialisés par le groupe LDC, sous sa marque Le Gaulois. Lorsque la police arrive sur les lieux, le collectif indique que les tags éphémères seront nettoyés à l’issue de l’action.
Une plainte de l’EMS, déposée puis retirée avec des excuses
Pourtant, le 11 avril 2022, une bénévole apprend avec surprise que l’Eurométropole a porté plainte à son encontre pour « dégradation de l’espace public ou de mobilier urbain ». Brigitte Gothière est co-fondatrice de l’association. Elle raconte sa surprise au moment où elle apprend le dépôt de plainte : « On a d’abord cru à une blague, on s’est ensuite tourné vers la mairie. Eux-mêmes semblaient ne pas comprendre ce qu’il s’était passé. »
Le 26 mai, au lendemain de son audition libre au commissariat, l’accusée apprend sa convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Strasbourg.
Finalement, deux mois plus tard, le 13 juin 2022, l’association découvre que l’EMS retire sa plainte. L’Eurométropole prend même le soin d’envoyer une lettre à la prévenue le 21 novembre, pour « s’excuser de la gêne occasionnée par cette démarche ayant mis en cause de manière disproportionnée une association œuvrant pour la cause animale » et fait part d’une procédure « instruite de manière automatique », et « à la demande de la police nationale ».
Dans cette lettre, l’EMS reconnaît également la non-dégradation de la voie publique, les tags à la craie étant « aisément lavables ».
Le parquet décide tout de même de poursuivre
Mais l’association reste sur ses gardes, car la procureure de la République de Strasbourg semble décidée, malgré le retrait de la plainte de l’EMS, à poursuivre l’enquête et à maintenir l’audience.
« Nous n’avons pas été informés d’un quelconque classement de la plainte. Cela veut donc dire que le parquet maintient les poursuites », explique Brigitte Gothière. L214 dénonce l’acharnement du parquet, alors que les faits commis n’ont entraîné « strictement aucun dommage à la collectivité publique ».
Pour Brigitte Gothière, il y a obstination de la part du procureur :
« On avait prévu tout le matériel nécessaire pour effacer les tags, qui partent naturellement avec la pluie de toute façon. Surtout dans le cadre d’une manifestation prévue, c’est aberrant. »
La co-fondatrice de l’association est dans l’incompréhension face au comportement du procureur : « Beaucoup d’autres affaires plus graves sont classées sans suite, comme dans l’affaire de l’abattoir de Limoge en 2016, où nous avions diffusé des images sur les conditions d’abattage des animaux (abattage de vaches gestantes et de fœtus de veaux prêts à naître, NDLR). »
Dans le cadre de cette affaire de tags à la craie, Brigitte Gothière se dit dans l’attente de l’audience, prévue le 21 mars prochain, afin de comprendre les raisons de poursuivre du parquet.
« C’est une atteinte claire à la liberté d’expression »
Maître Hélène Thouy, avocate de la prévenue (qui n’a pas voulu répondre à nos questions), revient sur l’affaire :
« Les poursuites engagées contre la militante portent une atteinte grave et totalement disproportionnée aux libertés d’expression, de réunion et de manifestation. »
Autre incompréhension du dossier, la militante poursuivie n’est pas celle qui a réalisé le tag à la craie. Le doute plane sur ce que le procureur requiert donc à son encontre, explique l’avocate.
Suite aux trente actions menées par l’association partout en France ce 19 mars 2022, l’Eurométropole de Strasbourg a été la seule collectivité à poursuivre pénalement des bénévoles.
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