La session du Parlement européen devait débuter ce lundi 14 septembre à Strasbourg. Mais plutôt que de se tenir dans la capitale alsacienne, les débats se déroulent à Bruxelles pour la sixième fois depuis mars. Les deux villes sont classées en « zone rouge » dans leur pays. Face aux alertes qui parlent d’un nouvel affront fait au siège du Parlement européen, le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune, est venu rassurer les élus locaux.
Léger flottement face à une allocution vide
Mais à l’heure de la prise de parole devant la presse, ce proche d’Emmanuel Macron n’a pas pu promettre grand chose, si ce n’est « un attachement indéfectible de la France au siège du Parlement européen ». Lorsqu’il a conclu sa courte allocution sur « notre bien commun à tous », un léger flottement a précédé les applaudissements de la dizaine d’élus à ses côtés.
Concernant un « retour rapide » des sessions à Strasbourg, l’objectif demeure la prochaine session plénière, le 5 octobre, quitte à adapter le protocole sanitaire. Au sujet de « compensations », il a évoqué une « conférence sur l’avenir de l’Europe », qui pourrait débuter cet automne.
Une compensation qui fait grincer l’ancien premier adjoint (LREM), Alain Fontanel :
« Cette conférence avait été promise par le président du Parlement, David Sassoli, lors d’un échange que l’on avait eu en juin. C’était un acquis, pas une compensation pour la session de septembre. »
« Le Président prendra position »
Sur le front diplomatique, « le Premier ministre Jean Castex a eu un échange téléphonique avec le président du Parlement David Sassoli et a pris position. Le Président de la République aura l’occasion de le faire à nouveau de manière claire et nette », a fait valoir Clément Beaune, en appelant à « un peu de patience ». À plus long terme, il évoque la présidence tournante du Conseil européen qui reviendra à la France de janvier à juin 2022 comme une opportunité pour remettre Strasbourg au cœur du jeu européen. Pas de chance, le pays sera alors en pleine campagne présidentielle.
Enfin, Clément Beaune a évoqué une « accélération » des négociations du prochain contrat triennal (2021-2023), où des dizaines de millions d’euros sont réservés aux projets européens de Strasbourg. Le secrétaire d’État ne s’est engagé sur aucun montant précis. Objectif, « concentrer davantage ses actions », ce qui était déjà la philosophie du contrat triennal 2018-2020 qui avait abouti à 24 projets. Il a notamment permis la réalisation de la ligne de bus électrique H, entre la gare et le Parlement. Inaugurée en février, elle n’a toujours pas transporté le moindre eurodéputé.
« Très positif » pour Jeanne Barseghian
« La seule visite à Strasbourg, aujourd’hui, du secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, ne constitue pas une réponse suffisante à “cette crise de confiance” de la part du Parlement Européen vis-à-vis de Strasbourg », a critiqué le Conseil départemental du Bas-Rhin dans une motion votée à l’unanimité. Dans un texte publié un peu plus tôt dans la matinée, son président (LR) Frédéric Bierry était moins frontal. Il se place sur le terrain des arguments contre les travaux envisagés à Bruxelles : « Il est de notoriété publique que les performances énergétiques du bâtiment bruxellois sont déplorables, alors que Strasbourg dispose de l’hémicycle prévu par les Traités à cette fin et que son bâtiment est beaucoup plus sobre d’un point de vue environnemental. »
La maire (EELV) de Strasbourg Jeanne Barseghian, a parfois exprimé des divergences avec le gouvernement sur le port du masque dans l’espace public, ou plus récemment au sujet de la 5G où elle demande un moratoire. Mais sur la question du siège, elle reste dans le consensus transpartisan de ses prédécesseurs :
« L’engagement du gouvernement est très positif. Nous avons convenu de nous voir tous les mois pour avoir plus de suivi. À l’heure où l’Union européenne prend des décisions importantes, notre rôle sera de valoriser le rôle du Parlement à Strasbourg et les mobilisations citoyennes. »
Dans le quartier Archipel, les travaux du premier bâtiment de bureaux « Osmose » à destination des institutions européennes avancent. La municipalité souhaiterait que le secrétariat général du Parlement s’y installe.
Fin août, Jeanne Barseghian a réuni la « task force » (un ensemble d’élus européens et strasbourgeois) qu’elle souhaite fusionner avec le collectif d’associations pro-européennes « Cœurs » pour établir la stratégie locale.
« Pour les questions très concrètes autour du siège, ce sera plutôt du ressort du groupe de contact entre Ville et Parlement. Les associations et la task force travailleront plus rayonnement européen en général. L’un des point qui est ressorti sont que les initiatives sont nombreuses, mais dispersées », relate Hervé Moritz, qui y a assisté pour le Mouvement européen. « La mandature peut faire basculer les traités », s’inquiète-t-il.
« I want my sessions back »
Mais l’action de la municipalité ne satisfait pas son opposition. « Une détermination plus forte et un travail sur le contenu permettrait d’affirmer la place de Strasbourg », estime Alain Fontanel. Comme propositions, il imagine une « Maison européenne du dessin de presse » ou de candidater comme Capitale européenne de la démocratie en 2021 et d’installer le secrétariat de cette nouvelle instance à Strasbourg.
Au-delà de la politique municipale, « il faut étudier toutes les possibilités, y compris juridiques pour faire respecter les traités qui prévoient 12 sessions par an à Strasbourg », poursuit l’ancien candidat aux municipales. Et pourquoi pas détourner le slogan de la britannique Margaret Thatcher : « I want my sessions back ! » Le gouvernement ou simplement des citoyens pourraient former un tel recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
Un eurodéputé français du groupe centriste Renew, où siège entre autres « La République en Marche » a quant à lui boycotté la Belgique. Arrivé dans l’après-midi, Christophe Grudler (Modem) a commencé à suivre la session en visio-conférence depuis son bureau du Parlement européen de Strasbourg.
« C’est un coup de gueule personnel contre une décision qui est injuste. Bruxelles compte actuellement plus de cas positifs que Strasbourg. Il est donc incompréhensible d’annuler Strasbourg pour des raisons sanitaires », juge-t-il. À l’heure d’entrer dans son bureau, nul ne sait s’il devra répéter une telle opération le 5 octobre. Et si oui, s’il aura davantage de compagnie.
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