Souvenez-vous de notre étonnant défi : un an sans acheter aucun objet, ni générer aucun déchet ! Après 6 mois à ce régime, les difficultés rencontrées et les bénéfices engrangés par notre famille de deux adultes et deux enfants sont de divers ordres. J’évoquerai rapidement la question de l’alimentation (ce qu’on continue à acheter), que j’ai déjà développée dans ces pages, puis celle du non-achat de biens divers (vêtements, jouets, éléments pour la maison…), pour enfin vous faire part de nos mises en perspective, nécessaires quand on s’engage dans une telle démarche de longue haleine, qui bouscule et modifie nos habitudes en profondeur.
En 6 mois, 6,5% de la production de déchets par an et par habitant
Avant cela, un premier constat : en 6 mois, chaque membre de notre famille a généré moins de 6,5% des déchets que produit un habitant de l’Eurométropole chaque année ! Chez nous, chaque individu a produit en une demi-année 30 kilos de déchets, recyclés à 100% et collectés soit dans la benne à verre du quartier, soit en bio-déchets qui maturent actuellement dans notre compost, soit dans la poubelle jaune, direction l’usine de recyclage.
Notre poubelle bleue (déchets non recyclables) est restée, reste et restera à zéro, puisque les déchets non-recyclables que nous produisons, hérités bien souvent de notre vie antérieure, sont toujours stockés sous notre évier dans nos petites poubelles résiduelles individuelles (photos ci-dessous). Si nous restons sur cette tendance, nous produirons en tout et pour tout, à quatre, une vingtaine de litres de déchets résiduels sur un an ! Heureux et fiers, nous sommes.
Mettre l’alimentation au centre des dépenses quotidiennes
Mais le vrai bonus de notre démarche, c’est qu’elle permet de mettre l’alimentation au centre des dépenses (budget) et des achats (acte concret d’acheter) du ménage au quotidien. Notre budget alimentation et le temps passé à faire les courses prennent donc une place prépondérante, à la hauteur de l’importance que représente l’acte de se nourrir pour notre santé autant que pour notre environnement. Concrètement, l’alimentation est notre second poste budgétaire après le logement (crédit, assurances, charges et impôts) et avant les frais de transports, de loisirs ou de formation.
Néanmoins, les questions de temps passé, de budget engagé et de lieux d’approvisionnement alimentaire reviennent souvent dans nos conférences ou en commentaires sur internet. Outre les réponses que nous avons pu apporter sur notre blog ou sur Rue89 Strasbourg, nous tenons à répéter cette idée, qui sonne juste pour nous : alléger notre empreinte écologique et améliorer notre qualité de vie passent, à notre avis, par le fait de consacrer une part certaine de notre temps à nous approvisionner en aliments bio, locaux, bruts et de saison, à cuisiner et à prendre nos repas en famille. Rue89 Strasbourg consacre d’ailleurs son prochain Apéro des possibles à ce sujet, lundi soir.
Chez nous, l’alimentation représente en moyenne deux heures de courses par semaine, sur deux à trois moments différents, une heure de cuisine par jour divisée en trois repas, 1h30 à table, à raison de 30 minutes par repas environ. (Je ne comptabilise pas la vaisselle à la main, mais je pourrais, hé hé…)
Ce choix nous apporte du plaisir et une immense satisfaction, il nous permet de passer des moments simples et joyeux ensemble, à faire le marché, cuisiner, goûter de nouveaux plats, prendre soin de nos proches, donner du plaisir à nos amis. Notre démarche est concrète, mais aussi politique et engagée, à la fois individuelle et à portée collective, espérons-nous.
Vêtements, jouets, accessoires pour la maison : accepter ses vrais besoins
Si l’on sort de la cuisine et que l’on songe aux autres achats (que l’on ne fait plus), il faut bien se rendre compte que, adeptes du désencombrement et du minimalisme, nous n’avons pas, chez nous, des montagnes de vêtements peu portés, de livres pas encore lus, de la vaisselle fine pour les grandes occasions ou des réserves diverses en jouets, bibelots, décos ou linge en tous genres, qui patienteraient gentiment à la cave ou dans des placards, pour le jour où l’on aurait une petite envie de changement, du monde à la maison ou un truc qui casse.
Et c’est tant mieux, parce que l’on sent d’autant plus facilement où ça coince et quand est-ce que ça passe comme dans du beurre, où sont nos « vrais » besoins, ceux sur lesquels faire l’impasse nous coûterait (honnêtement, je n’ai pas d’exemple, je pense que nous avons tout ce qui nous est réellement nécessaire actuellement) et ce qui pourrait améliorer notre confort, mais dont on se passe très bien.
Concernant les « produits » culturels, pas de souci, les médiathèques sont des puits sans fond, qui nous contentent entièrement. A la cuisine, certains ustensiles me seraient utiles, mais je détourne ou fait l’impasse sur certaines recettes. Côté papeterie, un beau cahier pour faire mon bullet journal me tente ? Ce sera pour l’année prochaine. Pour le moment, un vieux cahier fait très bien l’affaire. Terminons les stocks de stylos ou de laine, c’est bon de repartir à zéro de temps en temps.
Niveau fringues, l’affaire n’est pas toujours aisée, notamment pour Marc qui tourne avec très peu de vêtements et s’est fait son petit coup de « costard blues », avant de se reprendre, optimiste et sincère. Certes, quelques paires de chaussettes sont mortes, des pulls reprisés et des vêtements d’enfants trop justes aux manches, mais notre stock nous permet encore d’avoir des sous-vêtements propres tous les matins.
Eviter l’effet rebond
C’est vrai, nous nous lassons parfois de remettre pour la 67ème fois, d’affilée ou presque, le même pull et la même paire de jeans, mais ces sentiments sont vite surmontés : nous n’avons qu’une paire de pieds et qu’une paire de fesses, pas besoin d’avoir 36 choix en matière de godasses ou de pantalons… Un constat permis aussi par notre déconnexion des boutiques, de la pub et des magazines. De tout cela, j’avoue ne me sentir personnellement que partiellement libérée, sachant que l’effet rebond sera à surveiller et une stratégie à mettre en place en août, avant la fin du défi…
Les enfants, eux, ont adoré leur Noël de cadeaux-expériences, ils ont été fiers de donner leurs bons cadeaux aux restaurants (sushis pour Alice, burgers pour Simon) et attendent avec impatience leur virée à Europa Park, attraction phare de leur hotte du père Noël. Ils reçoivent régulièrement des livres et quelques gadgets chez leur papa, qui n’a pas changé ses habitudes, et apprécient globalement le fait de redécouvrir les jouets de leurs chambres, de mixer les univers Lego et Playmobil, de s’amuser avec leurs figurines animalières ou de jouer aux déguisements, plutôt que d’ouvrir de nouvelles boîtes de jeux tous les quatre matins.
Les objets qui lâchent ou qui manquent
Plus difficile, quand on est un peu perfectionniste, les objets qui lâchent, comme cette tisanière, que nous utilisons cassée, ces chaussons troués super moches que je vais me traîner encore quelques mois, les lampes de chevet qu’on bouge dans la maison en fonction des besoins parce qu’il nous en manque deux pour être au poil, les étagères ou meubles de cuisine qu’il faudrait installer pour être tout à fait à l’aise dans cet appartement que nous habitons depuis moins d’un an. Des détails.
Et puis, il y a les compensations parfois nécessaires aux frustrations de la vie, que d’aucuns comblent à leur façon, par le shopping, l’alcool ou la junk food, le tabac, les conquêtes… Alors que nous nous coupons de ces différentes sources potentielles de distraction, de « remplissage » des manques, nous sommes parfois confrontés à nous-mêmes, à nos résistances, au sens même de notre existence.
C’est pour cette raison que ces défis que l’on se fixe, qui ne nous apparaissent pas toujours aussi sexy qu’on le voudrait, ne vont pas sans une bonne dose de réflexion sur soi-même et de développement personnel. Comprendre ce que l’on cherche à combler par tel ou tel comportement est l’étape nécessaire après la fabrication de son déodorant ou la découverte des meilleures boutiques de vrac.
« Notre démarche individuelle, complètement anecdotique ? »
Néanmoins, ce serait mentir que de ne pas reconnaître que fabriquer nos propres produits (efficaces) ou chiner parfois quelques livres d’occasion pour mes cours (permis dans la charte !) sont des occupations qui me procurent du plaisir et éloignent parfois le spectre de la question : « Et si on faisait tout ça pour rien ? » Ou, de sa copine : « Notre démarche individuelle est complètement anecdotique : pourquoi se fait-on autant ch*** alors qu’autour de nous, les gens balancent deux sacs de 50 litres par semaine et que notre collectivité veut faire de Strasbourg la capitale de l’incinération des déchets du Grand Est ? » Pourquoi tant d’efforts ? me dis-je parfois en passant devant cette jolie doudoune en solde, par temps de grand froid…
Les réponses à ces questions, bien sûr, viennent dans la foulée : parce qu’il est important, enrichissant, précieux pour nous de dépasser nos conditionnements, de questionner nos comportements, de vivre toujours plus en cohérence avec nos idées écologistes et humanistes. Parce que, de plus en plus fréquemment, vous nous confiez que nous sommes une source d’inspiration pour vous, que vous avez changé telle ou telle habitude qui vous pesait, que vous nous remerciez. Des mots qui nous font du bien. Alors, même si c’est avant tout pour nos pommes que nous persévérons, votre soutien nous motive, rallume notre petite flamme du partage quand elle tend à s’éteindre. Pour cela, merci, vraiment.
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