Près d’un an après le début de la pandémie de covid-19 en Alsace, les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) font le bilan. Mercredi 23 février, les professeurs Emmanuel Andrès, président de la Commission médicale d’établissement (CME) des HUS et Yves Hansmann, chef du service des maladies infectieuses, ont exposé l’évolution de la gestion de la pandémie au sein d’un établissement toujours sous tension : « On ne peut pas prévoir l’avenir mais malheureusement il ne faut pas grand chose pour que la situation bascule », affirme Yves Hansmann.
« Garder la fonction d’hôpital de proximité »
Face à la première vague, en mars 2020, « 95 % des ressources des hôpitaux universitaires de Strasbourg étaient dédiées à la gestion de l’épidémie de covid », selon Yves Hansmann.
Aujourd’hui, l’hôpital adapte le fonctionnement des différents services selon le nombre de patients atteints du covid. Concrètement, les services qui ne sont pas liés à l’épidémie peuvent être progressivement fermés pour augmenter les places en réanimation. « L’objectif est de mobiliser le personnel au bon moment pour soulager les services de réanimation », précise Yves Hansmann. Ce système permet d’accueillir à nouveau les « patients traditionnels » pour « assurer notre fonction d’hôpital de proximité », affirme Yves Hansmann.
Moins de patients en réa, mais plus de soins
Selon Emmanuel Andrès, les besoins en réanimation des patients covid ont diminué lors de la seconde vague. Les malades ont bénéficié d’une amélioration des techniques de ventilation et des traitements médicamenteux. Ces progrès ont permis de limiter le recours à l’intubation. Ainsi, lors de la première vague, le service de réanimation a pris en charge 484 patients covid. Durant la seconde vague, ce sont 342 patients qui ont été admis en réanimation.
Mais la charge de travail du personnel soignant n’a pas baissé pour autant. Emmanuel Andrès rappelle que la majorité des patients de la seconde vagues sont atteints de comorbidités (insuffisance respiratoire, obésité, hypertension artérielle…). Ces patients nécessitent plus de soin.
La reprise, le retard
Depuis la seconde vague, l’hôpital doit gérer, en plus de la pandémie, la reprise des opérations chirurgicales repoussées lors de la première vague, et la prise en charge des pathologies chroniques, comme les cancers. Ces patients représentent aujourd’hui la majorité des personnes admises dans le service de réanimation. « Actuellement nous avons 110 lits d’ouverts pour 80 lits en temps normal », précise Emmanuel Andrès.
Le service des maladies infectieuses reste entièrement dédié au covid. « C’est la première fois que nous consacrons tous nos lits à un seul type d’infection », affirme Yves Hansmann. Lors de la première vague, 350 patients ont été pris en charge par le service des maladies infectieuses. Le nombre de patients a augmenté avec la seconde vague, durant laquelle 450 patients ont été accueillis.
Une demande d’aide psychologique renforcée
Les hôpitaux universitaires de Strasbourg doivent aussi faire face à une augmentation des troubles psychologiques. Les appels à destination du Samu ont changé de nature. Les troubles respiratoires ont diminué pour laisser place aux troubles de l’anxiété, à la dépression et aux tentatives de suicide. Entre octobre 2020 et janvier 2021, le Samu a enregistré environ 370 dossiers de régulation psychologiques et de tentatives de suicides par mois. Un chiffre en augmentation. En 2019 et 2020, le Samu n’a enregistré que 280 dossiers de régulation psychologiques et de tentatives de suicides par mois.
Dans le service de psychiatrie, le nombre de patients dans l’attente d’une hospitalisation d’urgence augmente aussi. Le stress chronique et les troubles du sommeil touchent majoritairement les adolescents, dont la présence au sein du service ne cesse de croitre. « Durant les cinq premiers jours de février on a enregistré 54 demandes de suivi par un pédopsychiatre. Habituellement, pour cette période, on ne reçoit qu’une dizaine de dossiers », souligne Yves Hansmann.
Une évolution encore incertaine
Pour Emmanuel Andrès et Yves Hansmann, l’évolution de la situation au sein de l’hôpital reste incertaine. L’arrivée du nouveau variant anglais, plus contagieux, est au centre des préoccupations des HUS. Selon Yves Hansmann, plusieurs séquençages durant les mois de janvier et de février ont détecté la présence de 23 variants anglais et de 20 variants sud-africains chez les patients des HUS. Ces autres formes de la covid-19 dont les médecins « ne maîtrisent pas encore totalement le fonctionnement » pourraient à nouveau mettre les services des HUS en difficultés :
« L’augmentation des variants ou l’abandon progressif des gestes barrières par les personnes qui en ont marre suffiraient à faire augmenter à nouveau les cas de covid-19 et à mettre une pression sur nos services. Cela reste notre plus grande peur. »
Yves Hansmann, professeur et chef du service des maladies infectieuses des HUS.
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