Il répond à l’acronyme de TSPO, pour Transport en site propre de l’ouest strasbourgeois. Comprenez une route où seuls les cars peuvent circuler pour se déplacer plus vite et garantir le temps de trajet, la version campagnarde des bus à haut niveau de service (BHNS) comme la ligne G qui dessert l’espace européen de l’entreprise à Schiltigheim.
Ce projet se situe sur l’actuelle ligne 230 des autocars du Réseau 67 (la plus utilisée avec 480 592 voyageurs en 2014), qui part de la place des Halles et circule jusqu’à Wasselonne. La fin du trajet compte déjà des aménagements pour permettre aux cars d’aller plus vite dans la partie entre Ittenheim et Wasselonne (voir vidéo).
Ce tronçon correspond aux routes entretenues par le conseil départemental du Bas-Rhin. Il est désormais question d’aménager la section entre Ittenheim et la fin de l’autoroute A351, qui passe par Hautepierre et arrive à Strasbourg porte Blanche. Un secteur que gère l’État. Objectif, réduire le temps de trajet total à 40 minutes (contre 45 à 65 minutes aujourd’hui selon les moments de la journée) et surtout le garantir quelles que soient les conditions de circulation.
Le tracé du TSPO
Sauf qu’entre le projet initial et celui soumis à l’enquête publique, les plans ont beaucoup changé. À tel point que l’Autorité environnementale (Ae) ne semble pas avoir été avertie et le fait savoir dans son avis :
« Les dernières évolutions n’ont pas été systématiquement prises en compte dans l’étude d’impact. L’Ae recommande de reprendre l’étude d’impact, afin qu’elle porte sur l’ensemble des évolutions prévues, en veillant à ce que les hypothèses les plus défavorables soient systématiquement analysées. »
Principal changement, les voies des autocars qui devaient être physiquement séparées de celles des voitures ne le sont plus. Et pour la première fois, l’État affirme qu’il y aura davantage de véhicules en direction de Strasbourg après la construction du Grand contournement ouest de Strasbourg (GCO) pour justifier la création – et le financement – de deux voies supplémentaires. Un argument qu’il avait toujours balayé jusqu’ici.
Présentation du projet en 2013
Une discrète enquête publique
L’enquête publique – du 22 septembre au 23 octobre – se déroule dans la plus grande discrétion. Il n’y a aucune réunion publique pour la présentation du projet à la population. Dans chaque commune, une seule permanence de l’enquêteur, Valérie Trommetter, est prévue pour recueillir les remarques. À Strasbourg, elle se tient ce samedi 10 octobre entre 8h30 et 11h30. Pour les personnes non disponibles, il faudra envoyer les contributions par email, par courrier ou les consigner dans un cahier en mairie.
La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), a répondu qu’organiser une réunion d’information est du ressort du commissaire enquêteur, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. Elle met en avant les six panneaux de 3×4 mètres le long de l’axe et les brochures distribuées dans les lignes du réseau 67. À l’issue de l’enquête, le commissaire donne un avis négatif ou positif (assorti ou non de réserves), que le préfet est libre de suivre ou non pour la déclaration d’utilité publique, ce qui permet l’engagement de fonds publics.
Les cars n’auront plus leur voie physiquement séparée
Comme le montre la vidéo de 2013, le TSPO proposait une voie physiquement séparée de la route pour éviter que des voitures circulent dans la voie réservée. Cette option n’est plus dans les trois variantes présentées dans l’enquête publique.
La DREAL affirme que la variante 1 est la plus avantageuse mais aussi la plus chère. Si le choix officiel est la version 1, le texte dans le résumé de « la variante choisie » est plutôt à mi-chemin entre la variante 1 et la variante 3. Elle propose :
- Sur la RN4, passage de 1 x 2 voies à 2 x 2 voies, la nouvelle voie étant réservée dans un premier temps aux transports collectifs, mais avec une « évolution possible en 2×2 voies classique en cas de réalisation du GCO si l’évolution des conditions de trafic le nécessite. »
- Sur la A351, les cars circuleront sur l’actuelle bande d’arrêt d’urgence qui sera agrandie, avec ajout de deux nouvelles stations à portique : Éluard et VLIO au bout de l’A351
Les critères de choix entre les variantes
Le prix de cette solution est de 43 millions d’euros. Celui des variantes 2 et 3 n’est pas mentionné. Mais ce montant ne tient pas compte de la construction des deux nouvelles stations le long de l’A351, ni même des frais de fonctionnement, qui seront à la charge du conseil départemental du Bas-Rhin ou de la grande région ALCA une fois le service en place. La loi NOTRe prévoit que les collectivités pourront négocier qui s’occupe des transports en car à l’avenir.
Plus de voitures avec le GCO et un rapprochement de la variante 3
De plus l’enquête anticipe une importante augmentation de trafic avec l’arrivée du futur Grand contournement ouest (GCO), qui dans les faits risquent de faire ressembler la solution choisie à la variante 3. Le point de péage (pour les véhicules qui contournent Strasbourg, mais qui ne concerne pas ceux qui vont ou partent de Strasbourg par l’ouest) du futur GCO se situe entre Ittenheim et Oberschaeffolsheim. La fin des travaux de la nouvelle route pour le TSPO est prévu en 2020, quand la mise en service du GCO est annoncée pour « l’horizon 2020 ».
Quelques pages plus haut, l’enquête prévoit en effet – plutôt pour 2025 que 2020 – que le trafic augmentera de 50% à 70% suite à la construction du GCO (point 2.2.2.1 de la notice explicative p.13) sur la RN4. Dès lors, il faudra laisser les voitures circuler sur la voie de bus, qui perdront l’avantage de pouvoir esquiver les embouteillages :
« Les congestions actuellement constatées sur l’axe A351 – RN4 vont se poursuivre. […] La mise en service du GCO rendra nécessaire la mise à 2 × 2 voies de la RN4, qui redeviendra alors fluide. »
À la lecture de ces lignes, un membre du collectif GCO Non merci s’étrangle :
« Toutes les études indépendantes disaient qu’il y aurait davantage de voitures vers Strasbourg avec le GCO. Cet argument était toujours balayé par les porteurs du projet. Aujourd’hui, il est utilisé pour financer, avec l’argent prévu aux transports en commun, des voies qui seront utilisées par des voitures suite à l’augmentation de trafic engendrée. »
Sur l’A351, les bus circuleront sur la bande d’arrêt d’urgence
Concernant l’aménagement sur l’A351, l’autoroute le long d’Hautepierre, la DREAL prévoit que les cars circuleront sur l’actuelle bande d’arrêt d’urgence qui sera agrandie de 1 mètre à 3,5 mètres. La vitesse sera abaissé à 70 km/h contre 90 km/h aujourd’hui. Quand la bande d’arrêt d’urgence sera utilisée en cas d’accident, mais aussi d’entretien de la route ou de taille des abords, les cars retourneront dans la file de voitures. Au total, 5 lignes de car se partageront cet itinéraire à un rythme d’un toutes les deux minutes aux heures de pointes.
Le long de l’autoroute, deux stations seront ajoutées (Éluard et VLIO voir annexe D pour les travaux). Elles seront équipées de portes automatiques et de barrières pour éviter que des passagers se retrouvent sur l’autoroute. Le tout sera supervisé par caméras de surveillance depuis le centre d’ingénierie, de sécurité et de gestion du trafic (CISGT) de Strasbourg de la DIR-Est, qui sera chargé d’avertir les chauffeurs quand il faudra aller dans la file avec les autres voitures. Le plan indique aussi qu’il n’y aura pas une voie dédiée sur l’ensemble de l’A351.
Aménagements prévus de la bande d’arrêt d’urgence sur l’A351
Pour Simon Baumert, co-animateur d’Europe Écologie Les Verts à Strasbourg, la réduction du temps de trajet semble difficilement réalisable dans ces conditions :
« Il y a eu beaucoup de surprises à la lecture du dossier. La baisse de la vitesse ou les stations supplémentaires ne semblent pas prises en compte, ni combien de temps la bande d’arrêt d’urgence sera utilisée pour les cas d’entretien de la route et des abords, ce qui s’ajoute aux accidents (le temps d’occupation pour cause d’accident est estimé de 1,1 à 2,5% du temps dans l’enquête, ndlr). On dirait que le projet prépare surtout la venue du GCO, plutôt que de favoriser le transport en commun, puisque le temps de trajet sera peu fiable. Entre les discours du gouvernement pour l’Écologie et la réalisation sur le terrain, il y a tromperie sur la marchandise. Alors que les tronçons déjà faits par le Département, il y a une meilleure prise en compte des transports en commun. »
Ces investissements sont en effet financés à travers le contrat plan État-Région (CPER) 2015-2020 et les dotations alloués aux transports en commun ne peuvent être transférées à un autre poste de dépenses, comme les aménagements pour les véhicules particuliers.
Les futures stations automatiques le long de l’autouroute
La Ville de Strasbourg demande des précisions
Amenée à donner un avis, la Ville de Strasbourg, par son premier adjoint Alain Fontanel (PS), se dit favorable au projet de TSPO dans sa version initiale et plus circonspect sur la nouvelle variante :
« Pour qu’un transport public soit efficace, il faut une offre crédible et que la régularité soit assurée. La mixité ne s’y oppose pas, mais il faut qu’elle soit gérée et pensée. L’État devra apporter des précisions et garanties sur ce point. »
L’enquête évoque aussi que des aménagements au niveau de la Porte blanche devront être portés par l’Eurométropole. Mais ceux de l’État étant attendus pour 2018-2020 si l’enquête se déroule au rythme prévu, le détail de ces travaux n’est pas encore à l’ordre du jour. Sollicitée pour plus de détails sur le projet, ses choix et ses conséquences, la Dreal n’a pas trouvé le temps de répondre et renvoyé vers les documents de l’enquête publique existants.
Article mis à jour à 13h pour rectifier le choix de la variante
Aller plus loin
Sur alsace.developpement-durable.gouv.fr : les informations sur l’enquête publique du TSPO
Sur alsace.developpement-durable.gouv.fr : la notice explicative du TSPO
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur les transports
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