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Tribune : pour une réponse médicale à la dépression au travail

Le malaise au travail s’installe. Des dépressions fatales sont signalées à La Poste en pleine réorganisation, après la vague de suicides à France Télécom. Le Dr Willard, psychiatre à Strasbourg, vient de publier un livre sur ce sujet. Pour lui, la réponse à la souffrance au travail doit être médicale.

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Public Work Art Project à Telegraph Hill, San Francisco, USA. (DR)

Par le Dr Marc Willard

La souffrance au travail est devenue pour beaucoup une réalité quotidienne. Elle n’est plus liée, comme au XIX° siècle, à des contraintes physiques ou matérielles, au sein de l’entreprise, mais à l’explosion des risques psychosociaux. Les difficultés économiques actuelles ont accru les exigences professionnelles en termes de rythmes, d’horaire ou de capacité d’adaptation. Régulièrement, le stress professionnel est dénoncé comme le principal facteur du malaise professionnel. Pourtant les nombreuses mesures prises peinent à enrayer ce phénomène. Les multiples formations à la gestion du stress n’ont pas permis d’endiguer l’épidémie de suicide observées dans les entreprises françaises ces dernières années. Il existe probablement plusieurs explications à ce phénomène, mais c’est avant tout lié à la méconnaissance, ou au refus d’admettre l’existence d’authentique dépression induite par le travail ou s’exprimant principalement dans la sphère professionnelle. Ce déni est dramatique.

Ces dépressions nécessitent une prise en charge spécialisée. Contrairement aux autres risques psychosociaux, Il n’y a pas de place, face à ce fléau, pour les cabinets de conseil, les officines de gestion du stress ou les formations au développement personnel. La réponse doit être médicale, médecine du travail, médecin traitant ou psychiatre.

Détecter les dépressions professionnelles

Il est urgent de mettre en place des formations à la prévention des dépressions professionnelles. Ces actions doivent concerner les professionnels de santé mais aussi les acteurs du monde du travail. Identifier les facteurs de risque, apprendre à se comporter avec un collègue en souffrance, modifier le regard réprobateur face à la maladie dépressive, n’est pas un comportement inné, mais nécessite un apprentissage. La dépression est une maladie et non pas un signe de faiblesse, elle est fréquente et potentiellement mortelle. On oublie trop souvent que la dépression tue chaque année deux fois plus de personnes que les accidents de la route, alors qu’il existe des traitements adaptés et efficaces de cette pathologie.

Le cadre législatif doit évoluer pour permettre une reconnaissance plus aisée de l’origine professionnelle des dépressions. De la même façon, il serait logique que les suicides survenus au sein de l’entreprise soient reconnus systématiquement comme accident du travail.

Enfin il est temps que le management des entreprises intègre les notions de bien-être et de santé mentale au travail. Pour cela, la formation des cadres et des dirigeants doit intégrer des notions simples de psychologie expérimentale pour leur apprendre à mieux communiquer avec leurs collaborateurs. L’accroissement de la productivité et des profits d’une entreprise ne peut plus, aujourd’hui, se faire au détriment de l’épanouissement de ses salariés.

Dr Marc Willard

Pour aller plus loin

 

La dépression au travail

par le Dr Marc Willard,

Collection « Guides pour s’aider soi-même »,

Editions Odile Jacob, 17€.

 


#santé mentale

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