Dès la mise en œuvre de ce dispositif en Allemagne, nous avons assisté à un report de flux de plusieurs milliers de camions vers l’Alsace. Dès 2006, le principe d’une taxe identique a été adopté au niveau français avec une expérimentation préalable en Alsace. Et depuis cette date, c’est-à-dire depuis maintenant 7 ans, nous assistons à une succession de reports, d’ajournements, de sursis et de moratoires. Le lobby des camionneurs (qui dans cette affaire sont aussi les pollueurs) n’est pas resté inerte ! Loin de là.
Une des mesures phare du Grenelle
L’expérimentation alsacienne, pourtant techniquement prête et unanimement saluée, a été annulée sous prétexte de faire coïncider sa mise en œuvre avec la généralisation au plan national. Et patatras ! Cet engagement, qui était une des mesures phare du Grenelle de l’environnement, fut ensuite reportée au printemps 2013, puis à l’automne 2013 et, il y a quelques jours, au 1er janvier 2014.
Ce nouveau report (comme les autres) est inacceptable au regard du grand couloir à camions qu’est devenue l’Alsace (et notamment son passage à Strasbourg sur l’A35). Et cela se passe au moment même où les instances européennes condamnent une nouvelle fois la France pour le dépassement réitéré de sa pollution atmosphérique. C’est à ne plus rien y comprendre sauf à interpréter cela comme la persistance réussie du lobbying du transport routier sur les pouvoirs publics.
L’Alsace « gratuite », couloir à camions
Cela est d’autant plus incompréhensible qu’il s’agissait tout simplement d’une mise à niveau fiscale entre la France et l’Allemagne et d’éviter que les milliers de camions venant du nord ou de l’est de l’Europe et allant vers le sud passent en Alsace car « gratuite ». Qui plus est, en s’appliquant à tous les transporteurs utilisant le réseau national, elle réduit la concurrence déloyale dont souffrent les transporteurs français.
1,2 milliards perdus en un an
Enfin, cette taxe (juste) rapporte 100 millions par mois, c’est-à-dire que plus de 1,2 milliards d’euros se sont évaporés en un an pour le budget de notre pays et donc ont été perdus pour le développement des transports publics en France. Car effectivement, cette taxe doit créer de l’emploi et de l’activité économique en finançant la modernisation et la création de nouvelles infrastructures de transport en dégageant, de fait, de nouvelles capacités d’investissement. Quel gâchis ! Ce nouvel ajournement nous prépare-t-il à un enterrement de cette mesure qui relève pourtant du bon sens et qui est soutenue par la quasi-totalité des élus locaux et attendue par tant d’habitants ?
Il en va de la santé de millions de nos concitoyens… Il en va du changement de la politique des transports de marchandise. Il en va du développement des déplacements alternatifs à la voiture individuelle dans les villes et les régions. Cette éco-taxe a montré dans les pays où elle a été mise en place (y compris la Suisse depuis 2001), une amélioration de la chaîne logistique au bénéfice des entreprises de production.
« Pollueur-payeur »
Voilà des années qu’on nous parle de fiscalité écologique pour relever les défis du péril climatique, de l’avancée du principe du « pollueur-payeur ». Il est temps de passer du discours répétitif à la mise en œuvre pratique. Le changement, dans ce domaine également, cela devrait être maintenant !
Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg
Jacques Fernique, conseiller régional Europe Ecologie – Les Verts
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