Afin d’en juger, voici quelques faits. Le parc des piscines de la CUS n’a pas connu de modifications depuis la construction de la piscine de Hautepierre, en 1987. Un quart de siècle pendant lequel la population a augmenté, quand le nombre de bassins disponibles pour cette dernière est resté inchangé.
Un point de comparaison avec Nancy permet de juger du niveau d’équipement de la capitale de l’Europe. Les deux villes proposent le même nombre de piscines, dans des proportions identiques de grands et petits bassins. Cependant, la population de Nancy est deux fois moins importante. De l’autre côté des Vosges, il est possible de nager en toute sérénité.
Lignes d’eau saturées
Une sérénité que les usagers des piscines strasbourgeoise ont perdu depuis longtemps. Déjà très fréquentées pendant les week-ends, moment de plus forte affluence, il suffit qu’une piscine soit en vidange semestrielle pour que les lignes d’eau des autres soient saturées. N’importe quel nageur régulier peut en témoigner.
Hélas, aucun de ces points ne semble avoir été pris en compte par l’équipe chargée de ce « plan piscines ». Il n’a pas été annoncé la construction d’un nouveau bassin et les besoins des clubs, des écoles et des nageurs ont été sous-estimés.
La Kibitzenau, l’un des deux seuls bassins de 50 mètres de la CUS, doit être totalement reconstruite. Au passage, il aura fallu que des personnes ayant eu vent du projet bataillent pour que soit abandonnée l’idée d’un mur coulissant qui aurait réduit la longueur du bassin à 47,5 m. Une hérésie mathématique et sportive qui donne un aperçu des compétences mobilisées pour ce plan piscines.
D’autre part, la fermeture de la Kibitzenau prive de piscine tous les usagers du sud de Strasbourg. Cela va provoquer un report de ce public sur les autres piscines, qui ne voient pas pour autant leur capacité augmenter. Des embouteillages sont à prévoir.
Refus catégorique à un bassin provisoire
Pour éviter que les habitants du quartier en soient réduits à prendre l’hélicoptère pour aller à Schiltigheim, comme l’a suggéré le toujours très délicat monsieur Bies, il a été proposé, par l’association «Piscines pour tous» de faire installer, le temps des travaux, un bassin provisoire. Cela coûte environ 100 000€ par mois, chiffres obtenus auprès des prestataires qui ont installé un tel bassin à Boulogne-Billancourt. La municipalité assure qu’il en coutera 4 à 8 millions d’euros le temps de la durée des travaux. Un chiffre fantaisiste, à moins de vouloir un bassin plaqué or. Une manière surtout d’opposer un refus catégorique à une mesure qui aurait permis de préserver la pratique, dans des conditions normales, de la natation et son apprentissage dans cette zone de Strasbourg.
D’ailleurs, parlant de coût, la reconstruction du Wacken est annoncée à 15 millions d’euros. Le nouveau bassin du Mulhouse Olympic Natation, un bassin de plein air aux normes olympiques, c’est à dire de 50 mètres et offrant 10 couloirs de nage, à coûté deux fois moins. On peut s’interroger sur la prodigalité de la ville de Strasbourg, qui ne cesse de chercher à vouloir faire des économies en ces temps difficiles.
Venons-en justement à cette nouvelle piscine du Wacken [lire notre article]. L’objectif était de proposer un bassin découvert accessible toute l’année. On peut discuter de l’opportunité d’offrir au public l’occasion d’aller braver les rudes hivers strasbourgeois dans un bassin profond de 90 centimètres.
Le Wacken : un jacuzzi géant
On doit surtout critiquer une piscine dont la surface est moins importante qu’avant les travaux. Là où l’ancien Wacken offrait 8 couloirs de nage de 50 mètres et 4 couloirs de 25 mètres, le nouveau ne propose que 4 couloirs de 50 mètres et 4 de 25 mètres. Le reste de la surface est transformé en jacuzzi géant et en une superbe plate-forme, qui ne manquera pas d’être à l’origine de nombreux incidents. La profondeur diminue aussi de 30 cm sur toute la longueur du bassin, pour aller de 1,7 mètre à 90 centimètres. Il s’agit d’une belle piscine de club de golf privé, mais pas d’une piscine municipale digne de ce nom.
Au lieu de commencer par construire un nouveau centre nautique indispensable au regard des besoins, ce qui aurait permis d’alléger la pénurie de piscines pendant les lourds travaux de la Kibitzenau et des autres établissement, la ville a choisi de rénover d’abord. Il n’a pour l’instant pas été question d’une nouvelle piscine. Cependant, des bruits circulent, parlant d’une équipe de «consultants» qui serait en train d’y réfléchir. Au regard de ce qui a été présenté jusqu’à maintenant, on peut s’attendre au pire. Pourquoi ne pas faire appel à ceux qui détiennent des compétences et ont l’expérience des piscines de Strasbourg ?
Lors des réunions publiques organisées par la CUS au sujet de l’avenir des piscines, il a été proposé de nombreuses solutions pour éviter l’engorgement des lignes d’eau et réussir à faire cohabiter clubs, école et public. Des solutions faisant appel au «vivre ensemble», promouvant le «jogging aquatique» ou expliquant qu’il faut que les usagers fassent preuve de flexibilité. Il s’agissait en somme de faire plus de choses dans un espace qui n’augmente pas.
Pour un nouveau centre nautique
Il existe pourtant deux mesures qui résoudraient tous les problèmes : ouvrir les piscines en continu de 7h à 20h pour le public, et, surtout, construire un centre nautique répondant aux normes sportives actuelles. Nous parlons ici d’un bassin de 50 m et 10 couloirs, accompagné d’un bassin de 25 m, d’une fosse à plongeon et d’un bassin de 33 m dédié au water-polo. Quelque chose qui permette d’apprendre à nager et d’offrir aux clubs de vraies infrastructures. Mais peut-être est-ce faire preuve de trop d’ambition que de proposer à Strasbourg de bâtir un centre nautique comme il en existe à Riccione, en Italie, ville de 35 000 habitants.
On objectera que mon propos ne s’adresse qu’aux nageurs sportifs, ceux qui font des longueurs et ne viennent pas à la piscine pour se distraire. A cela, je réponds qu’un tel propos ne peut être tenu que par une personne qui n’est jamais venue à la Kibitzenau ou à Schiltigheim un dimanche matin. A Strasbourg, les gens nagent. Ils pratiquent un sport populaire, facile d’accès, peu onéreux, praticable à tout âge et qui offre une occasion rare de mélange social.
Un sport de gauche, en somme.
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