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Tribune : Il y a un conflit entre piétons et cyclistes à Strasbourg

Francine et Micha Andreieff, 76 et 73 ans, sont des Strasbourgeois depuis 11 ans. M. Andreieff est urbaniste et administrateur du site Strasbourg2030.com. Ils publient aujourd’hui cette tribune, plaidoyer pour la cohabitation entre piétons et cyclistes, car pour eux, les piétons, plus que les voitures, ont fait les frais d’une politique favorisant le vélo.

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La rue d'Austerlitz, un point de friction permanent entre cyclistes et piétons (Photo Tomekmusic / FlickR / CC)

Nier qu’il existe un conflit entre les piétons et les cyclistes serait faire preuve d’une réelle cécité. Depuis plus de vingt ans maintenant, les aménagements faits pour le vélo ont permis son développement. Le nombre de vélos est devenu tel que les aménagements de première génération doivent être profondément revus, car ils sont devenus insuffisants et donc inadaptés. Il faut se féliciter de cela, ce sont autant de déplacements qui ne sont pas effectués en voiture.

Maintenant il faut clairement et simplement constater que cette croissance de l’usage des vélos, qui va encore augmenter, ce qui est normal et d’ailleurs souhaitable, engendre des conflits aigus entre cyclistes et piétons. Dans deux cas essentiellement, dans les secteurs piétonniers, par le non-respect du code de la route, et sur les trottoirs, du fait de l’aménagement de pistes cyclables.

Un secteur piétonnier et des zones de rencontres dangereuses

Le code de la route dans son article R341-9 sur la circulation des piétons dans les aires piétonnes énonce : « Les conducteurs de cycles peuvent circuler dans les aires piétonnes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police, à la condition de conserver l’allure au pas et de ne pas occasionner de gêne aux piétons. » Il est précisé plus loin que « l’allure au pas » est de 6km/heure.

Force est de constater qu’une très forte proportion des cyclistes circulent en infraction du code de la route sur les aires piétonnes. Leur vitesse est bien supérieure aux 6 km/h autorisés.

Il suffit de se promener, de flâner, d’observer la rue et ses passants, de passer d’un côté à l’autre de la rue, pour être frôlé par des vélos, être surpris par des slaloms acrobatiques, pour entendre des sonneries intempestives forçant le passage rue des Hallebardes, rue du Dôme, rue de l’Outre, Grand Rue, rue de Grandes Arcades, rue d’Austerlitz, rue de la Haute Montée, rue de la Mésange, place Kléber… Pratiquement sur tout le plateau piétonnier du centre-ville. Il en va de même aux stations de tramway situées sur un cheminement piétonnier comme par exemple sur l’avenue de la Victoire, place de la République, place de l’Homme de Fer, station Grand Rue …

Ce laissé faire de la collectivité provoque un véritable sentiment d’agression autant physique que psychique, il n’est qu’à s’en entretenir avec les passants pour s’en rendre compte.

Dans son « Plan piéton 2011/2020 (PDF) », sur la base de ce qui se passe ailleurs en Europe, la Ville envisage de prendre différentes mesures pour tenter de réduire ce conflit, il y est proposé « d’inverser le regard », autrement dit de prendre en compte la gêne ressentie… par les cyclistes.

C’est donc ainsi la gêne des cyclistes qu’il faudrait prendre en considération et non l’inverse. Sur cette base, il va être effectivement très difficile de réduire cet antagonisme.

Parmi les exemples mis en avant, dans ce rapport, celui de Fribourg-en-Brisgau. La ville de Fribourg est, à bien des égards, citée en exemple pour la qualité de l’aménagement de son espace public, de celui de l’aménagement de ses nouveaux quartiers – Rieselfeld et Vauban. Et donc cette ville a pris, après une période d’observation, l’unique disposition réaliste et à la fois pédagogique qui est d’interdire les vélos dans le centre-ville aux heures d’affluence. Et ça marche très bien, pour la plus grande satisfaction des piétons, enfants, handicapés, promeneurs, et celle des cyclistes eux-mêmes.

Une sérieuse compensation a été offerte aux cyclistes : le plateau piétonnier, le centre-ville, est ceinturé par un boulevard circulaire comportant des pistes cyclables ininterrompues, avec des enclos pour stationner les vélos.

La configuration de Strasbourg en l’Ill se prête tout à fait à ce type d’aménagement, les quais longeant l’Ill, pourraient être consacrés en priorité aux cyclistes et aux transports en commun, tout en maintenant les trottoirs pour les piétons. Cet aménagement peut être réalisé à peu de frais et rapidement ; aux édiles de s’en saisir.

En attendant, les autorités, quelles qu’elles soient, devraient faire respecter le code de la route sur le plateau piétonnier de la Ville, et en particulier pour ce qui concerne l’article R341-9. Les moyens de contrôle nécessaires ici, pour faire respecter le code de la route, sont sans aucune mesure moins onéreux que les contrôles effectués le long des routes et autoroutes.

Les pistes cyclables prises sur les trottoirs et non sur les chaussées

Au début de son mandat, l’actuelle équipe municipale s’est engagée à réduire la place excessive conquise par l’automobile au profit des piétons et des cyclistes. 90 à 95% de l’espace public est consacré à la voiture, il en reste de l’ordre de 5% pour les piétons. Cette intention était tout à fait justifiée.

Or le constat aujourd’hui tend à montrer que les aménagements de pistes cyclables que réalise la Ville se font sur les trottoirs et non sur les chaussées. Les exemples sont là encore nombreux : boulevard Jean Jaurès, avenue de la Forêt Noire, Faubourg de Pierre, Faubourg de Saverne, Boulevard d’Anvers, rue Richard Wagner, boulevard Jacques Preiss … Et comme sur le plateau piétonnier, il faut s’assurer que l’on peut sans danger traverser …le trottoir !

Un comble pour un espace réservé, cette fois, exclusivement aux piétons. Et comme au centre-ville, le sentiment d’insécurité, physique autant que psychique, est bien réel, d’autant plus que dans bien des cas, des cyclistes roulent à contre sens. L’espace laissé aux piétons sur les trottoirs reste toujours de 5%, quand ce n’est pas moins.

Le sentiment de danger ressenti par les piétons devrait être pris en considération par nos élus, il ne s’agit pas de lubies, de fantasmes, mais d’une réalité concrète. Interpellés, alertés à de nombreuses reprises par de nombreuses personnes incommodées, les responsables de la ville font la sourde oreille : les piétons sont des gêneurs, des emmerdeurs en somme.

Pour réaliser un réseau cyclable, il ne suffit pas de passer des coups de pinceaux sur les trottoirs. Dans la ville il est indispensable de ramener les cyclistes sur la chaussée, en réduisant quand il le faut la vitesse des voitures, et d’envisager dans les nouvelles opérations d’aménagement, du Heyritz à Kehl notamment, des voies de circulations conjointes à tous les modes déplacements.

En conclusion: un témoignage en forme de pétition:

« Rendez-nous les trottoirs pour que même les boiteux, les tremblotants, les malvoyants, les fauteuils roulants, les mamans avec enfants, et même les rêveurs, et même les distraits, et même tous les autres puissent marcher, cheminer, flâner à leur guise le long des trottoirs, dans les jardins, sur les places et même dans les zones dites de rencontres. »

Et vive le vélo et le développement de son usage !

Francine et Micha Andreieff


#cyclistes

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