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Tribune : Hautepierre n’est pas un quartier enclavé

L’association Horizome, composée d’artistes, de chercheurs en sciences sociales et en urbanisme, d’associatifs habitants le quartier ou non, vient d’éditer un livre qui parle de « mobilités ». Récit d’une expérience par Barbara Morovich, anthropologue et Colline Guinchard, graphiste.

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Hautepierre vu du ciel (Google Earth)

En 2010, Hautepierre a fêté ses 40 ans, ce qui nous invite à réfléchir sur la mémoire d’une utopie urbaine et ses évolutions : que deviennent les « mailles », formes de voisinage pensées par l’architecte Pierre Vivien pour favoriser les déplacement doux, notamment pieton, dans un cadre très vert ? Que devient la conception routière qui prevoyait au départ des déplacements rapides à l’extérieur des mailles, sans feux et à sens unique ? Et surtout, que deviennent ceux qui habitent le quartier au moment de la rénovation urbaine, qui a commencé en 2009 ?

L’exploration de terrain que l’association mène à Hautepierre nous a confrontés depuis 2009 à des questionnements liés aux espaces et à leurs pratiques. Dès l’ouverture du local associatif dans un HLM CUS-Habitat, maille Jacqueline, ce territoire est ainsi devenu une référence. L’idée était de casser les stéréotypes et de donner de Hautepierre une image éclatée, non figée et complexe. Il y avait une aspiration à changer la perspective : comment comprendre la société à partir de ce lieu, cette périphérie délaissée ? A travers les « lunettes » de ceux qui y habitent ? Mais aussi au travers de notre vision et la manière de nous réapproprier ces regards. Pendant trois années, le collectif Horizome a observé, écouté, interrogé, participé, récolté, exposé.

Fin 2011, est sorti le livre « mobilités » pour, d’une part, rendre accessibles une partie de nos expériences mais aussi pouvoir rendre sensibles des lecteurs de différents horizons sur des sujets qui nous concernent tous. Ceci au travers des parcours de vie, des espaces conçus par les urbanistes, puis vécus par les habitants, des images qui parlent des réalités différentes du quartier et de notre expérience.

Pourquoi « mobilités » ? Selon les analyses qui ont amené à concevoir le projet de rénovation urbaine, Hautepierre serait un quartier « enclavé », ses habitants ne sortiraient pas du territoire, ils n’auraient pas trop de contact avec l’extérieur … autant de stéréotypes utilisés pour justifier des interventions précises, notamment spatiales. La question est toujours la même, on nous fait croire qu’à travers le bâti on peut résoudre des questions sociales : avec le « désenclavement » on pourrait casser la « déviance », avec la « residentialisation » il serait possible de « bien vivre » (séparés et en paix).

Le projet de rénovation urbaine (PRU), en bonne partie financé par l’État, justifie ces actions en disant que le « désenclavement » doit être fait pour rendre accessible et lisible le quartier. Et pourtant, en ayant observé les choses de plus près, recueilli des témoignages, et mené des entretiens sur plus de deux ans avec les habitants on se rend vite à l’évidence que l’enclavement est une fausse question. Certes, l’enclavement économique existe, mais ce n’est pas la rénovation urbaine qui va résoudre ce problème, cela passerait d’abord par une société plus juste, y compris avec ses migrants et ses étrangers. D’un autre côté, les habitants de Hautepierre sont mobiles, parfois malgré eux, particulièrement les jeunes. Ils communiquent entre mailles, avec d’autres quartiers de la ville, avec d’autres villes. La mobilité est aussi transfrontalière et internationale, les lieux d’attache pluriels. Cette mobilité nous montre que ce quartier est souvent, et avant tout, une étape de construction ou « reconstruction » de personnes et de groupes.

La France encouragera-t-elle ce quartier ? A qui bénéficiera la rénovation urbaine ? Tout dernièrement, l’adjoint au Maire de Strasbourg pour le quartier de Hautepierre, Serge Oehler, a communiqué à la presse son projet de faire un « golf 6 trous » sur la Plaine des jeux de Hautepierre, espace de respiration, espace identitaire très fréquenté par les habitants. Quelles dynamiques d’appropriation des espaces la rénovation urbaine engendre-t-elle sous pretexte de casser la déviance ? Jusqu’où pouvons-nous accepter le changement ?

Pour aller plus loin

Couverture du livre de l'association Horizome.

Mobilités, les mouvements de la ville de demain, par le collectif Horizome: Barbara Morovich avec les contributions de Marguerite Bobey, Benoît de Carpentier, Isabelle Freyburger, Pauline Gaucher, Colline Guinchard, Edwina Hoël, Barbara Morovich, Matar Nyang, Daniel Payot, Sébastien Perruche, Gilles Vodouhe et Grégoire Zabé. Chez R-Diffusion, 13€.


#Hautepierre

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