A l’heure où les contraintes budgétaires de l’ensemble de ces collectivités sont difficiles, où l’argent public est rare, cette décision est incompréhensible pour les écologistes. Il est vrai qu’avec l’aéroport d’Entzheim, qui fait difficilement face à une diminution de son trafic, nous sommes en plein paradoxe.
Le paradoxe avec le TGV
Entre l’ouverture de la ligne TGV Est à l’été 2007 et juin 2010, 800 000 passagers ont délaissé l’avion pour le train. Aujourd’hui on voudrait presque nous faire croire que cela est une catastrophe. C’est pourtant ce que nous recherchions avec la mise en place du TGV. Ce sont autant de points marqués face à la crise énergétique et face au péril climatique.
Mais ces 800 000 nouveaux usagers du train c’est encore insuffisant. Progressivement les prochaines années verront certainement, pour reprendre les termes du directeur régional d’Air France à Strasbourg, une « issue fatale aux vols Strasbourg-Paris d’Air France en direction d’Orly et de Roissy ». A bientôt 1h50 de trajet en TGV, ce sera une évidence.
Le 11 décembre 2011, c’est la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône qui a été mise en service. Lyon serait à terme à 3 heures de Strasbourg et Marseille à 5 heures. Ces lignes sont, après celles de Paris, les principales en terme de nombre de voyageurs et parions que ce sera entre 10 et 20 % du trafic d’Entzheim qui sera amputé. C’est ce que nous attendions, c’est ce que nous souhaitions et c’est le but recherché de cet investissement ferroviaire qui ouvre ces perspectives vers le sud.
Et aujourd’hui la CUS, la Région et le Département soutiennent financièrement pour un montant de près 4 millions d’euros le fonctionnement aéroportuaire et son propre concurrent à savoir le TGV. A l’heure de la rigueur budgétaire, c’est à ne plus rien y comprendre.
Un peu de cohérence
A 240 kilomètres autour de Strasbourg l’Européenne, il y a 12 aéroports. C’est en organisant leur mise en réseau, c’est en structurant leur complémentarité que l’on sécurisera un avenir tenable et durable pour chacune de ces structures mais également leurs salariés. Le Rhin Supérieur est un espace de rencontre, il doit devenir un espace de coopération et non de concurrence néfaste au cœur de l’Europe.
Qui peut croire un seul instant que c’est un projet de développement pour chacun des aéroports, que c’est le retour comme certains le préconisent des vols de nuit, que c’est le dumping fiscal et l’agressivité commerciale qui garantiront un avenir cohérent où chacun s’y retrouvera. Et nous savons, en terme de droit social et parfois de sécurité, où nous mène le dumping et le moins disant fiscal dans le domaine de l’aérien.
Il n’est plus possible, à l’heure où l’Europe s’élargit et où s’ouvrent des horizons sont de plus en plus lointains, de continuer à gérer les politiques de déplacements par l’empirisme, par l’esprit de clocher et le chacun pour soi. Nous ne pouvons revendiquer pour l’Europe une politique fiscale commune et pratiquer le dumping le plus effréné sur notre territoire.
Ne trompons pas nos concitoyens, nos collectivités ont trop d’investissements socialement et écologiquement utiles à réaliser en matière de transports collectifs urbains et péri-urbains pour avoir les moyens de mettre l’aérien sous perfusion. C’est dans le cadre d’une coopération avec Lahr, Baden et des complémentarités avec Bâle et Francfort, qu’Entzheim doit engager sa mutation pour se stabiliser à un niveau pertinent et accompagner la nécessaire transition professionnelle pour une partie du personnel.
« L’environnement, ça commence à bien faire ! »
« Rétablir le vrai coût du transport aérien dont les émissions augmentent rapidement en l’intégrant dans le marché des quotas de gaz à effet de serre, voire par une taxe sur le kérosène augmentant le prix des trajets aériens qui sont desservis par une ligne ferroviaire à grande vitesse (par exemple Paris-Strasbourg ou Paris-Londres) et en supprimant les subventions publiques aux compagnies à bas coût. »
C’est effectivement à l’occasion du Grenelle de l’Environnement qu’un certain nombre de décisions, comme celle-là, ont été actées par toutes les parties en présence. Mais il est vrai que le temps a changé et que « l’environnement, ça commence à bien faire » pour reprendre un formule devenue célèbre depuis.
Et ce sera, pour les collectivités d’Alsace, 4 millions d’euros pour un objectif illusoire de plus de 2 millions de passagers par an en 6 ans. C’est par un dumping fiscal incompréhensible que nous sommes devenus l’aéroport le moins cher de France, digne d’un vrai paradis fiscal. C’est cher pour un illusion et lourd comme symbole.
Quelques propositions
Nous devons pour l’avenir de l’aéroport, faire preuve de courage mais également de lucidité. Nous devons engager pour Entzheim un contrat concerté d’orientations assurant trois objectifs. Un volet « maintien/enracinement » de l’activité aéroportuaire calibrée à la vocation européenne de Strasbourg. Un volet « sécurité de l’emploi et formation » qui garantisse la continuité entre l’emploi actuel et futur car les personnels de l’aéroport ont droit à un langage de vérité et d’anticipation. Et enfin un volet de coopération organisée et structurée avec les autres aéroports du bassin du Rhin Supérieur digne d’une ville qui vit et se développe à 360 ° et non repliée sur une stratégie dépassée et néfaste.
Pour les courtes distances et plus encore quand la grande vitesse est présente, l’aérien constitue une impasse pour l’emploi et pour l’environnement. La course à l’échalote du dumping fiscal ne constitue aucunement un avenir durable pour notre aéroport. Bien au contraire !
Alain Jund
Adjoint au maire de Strasbourg
Porte-parole Europe Ecologie – Les Verts Alsace
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Ryanair revient à l’aéroport de Strasbourg
Sur Rue89 Strasbourg : l’aéroport d’Entzheim engagé dans une partie serrée
Sur Rue89 Strasbourg : des taxes d’aéroport en baisse pour maintenir Entzheim à flot
Chargement des commentaires…