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Subvention pour la mosquée Eyyub Sultan : l’annulation de la délibération proposée au tribunal administratif

La préfecture du Bas-Rhin demande l’annulation de la délibération subventionnant la construction de la mosquée Eyyub Sultan. Une requête soutenue par la rapporteure publique lors d’une audience au tribunal administratif ce jeudi 20 octobre.

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Jeudi 20 octobre, le tribunal administratif de Strasbourg tenait une audience à l’initiative de la préfecture du Bas-Rhin, soutenue par cinq membres de l’opposition municipale Les Républicains (LR). Leur requête vise l’annulation de la délibération ouvrant la possibilité d’une subvention à hauteur de 2,5 millions d’euros pour la construction de la nouvelle mosquée Eyyub Sultan du mouvement d’origine turc Millî Görüs. La rapporteure publique Léa Bonnet a conclu à l’annulation de la délibération votée en conseil municipal de la Ville de Strasbourg le 22 mars 2021 pour « des raisons de forme et de fond ». L’avis du rapporteur public, un magistrat chargé de proposer une solution, est souvent suivi par le tribunal.

La mosquée Eyyub Sultan, située plaine des bouchers. Photo prise en septembre 2021. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Les imprécisions fautives de la Ville

Selon la rapporteure publique, la municipalité écologiste a tout d’abord manqué de précision dans l’information des conseillers municipaux concernant la délibération. « La note explicative transmise ne présentait aucun élément sur le financement du projet ni sur les raisons de l’arrêt du chantier en 2019″, a estimé Léa Bonnet, qui regrette que la Ville de Strasbourg n’ait transmis aucun contre-argument à ce sujet dans le cadre de cette procédure.

La rapporteure publique a aussi déploré une autre imprécision commise par la Ville de Strasbourg, concernant cette fois l’intérêt général du projet de l’association de Milli Görüs. Léa Bonnet a alors repris l’argumentaire de la préfecture du Bas-Rhin, qui estime que la mosquée Eyyub Sultan ne répond pas à un besoin local des fidèles musulmans :

« L’Eurométropole de Strasbourg accueille déjà 19 mosquées susceptibles d’accueillir plus de 10 000 fidèles. Or le besoin local est estimé par la préfecture à 7 500 personnes et la Ville de Strasbourg ne fait pas de démonstration d’un besoin local supérieur. Elle avance seulement la demande de l’association. »

Opposition sur la validité de la délibération

Globalement satisfait des conclusions de la rapporteure publique, l’agent de la préfecture a simplement rappelé que « le courrier de renonciation provisoire à la subvention rédigée par le président de la branche locale de Milli Görüs ne signifie pas un renoncement définitif. » De même, le représentant de la préfecture a invoqué le « parallélisme des formes » pour justifier qu’une annulation de délibération doit passer par le même processus que celui qui a permis à la délibération d’être approuvée, soit un vote majoritaire du conseil municipal : « La communication orale de la maire n’a pas de valeur juridique. »

Du côté de la défense, l’avocat de la Ville de Strasbourg, Gilles Le Chatelier, a affirmé que la délibération attaquée ne faisait qu’énumérer les conditions à remplir pour que la branche locale de Milli Görüs puisse obtenir un financement municipal :

« Si les conditions ne sont pas remplies, alors la décision ne peut être exécutée et n’a pas besoin d’une intervention de la municipalité pour être caduque. De plus, la maire de Strasbourg a communiqué sans ambiguïté sur le fait que la délibération est devenue sans objet. »

L’avocat du cabinet Selas Adamas a avancé un autre argument pour obtenir un non-lieu présent dans la délibération votée le 26 septembre 2022 par la Ville de Strasbourg :

« L’un des derniers paragraphes de cette délibération indique qu’elle annule et remplace la délibération antérieure. Elle fixe un plafond d’un million d’euros pour la subvention, qui est largement dépassé par la délibération attaquée. Ainsi la délibération du 26 septembre prive de tout effet juridique la délibération du 22 mars 2021. »

« Une gestion colonialiste de la communauté musulmane »

Avocate de l’association locale de Milli Görüs, Me Nohra Boukara a d’abord contesté l’argumentaire préfectoral sur l’absence de besoin de lieu de culte musulman supplémentaire au niveau local :

« Dans les quartiers populaires, comme l’Elsau ou Koenigshoffen, le besoin n’est pas satisfait et il n’est pas rare de voir des fidèles prier dans les couloirs ou sur le parvis d’un lieu de culte les jours de forte affluence, comme le vendredi ou les jours de fête. »

Me Nohra Boukara a aussi contesté un argument de la préfecture s’appuyant sur le refus initial des dirigeants français de Milli Görüs de signer la charte de respect des principes de la République. L’avocate a d’abord rappelé les bonnes relations entre les pouvoirs publics et l’association cultuelle depuis 40 ans, « puis du jour au lendemain, s’écrie-t-elle, pour un refus de signer une charte présentée sans discussion ni changement possible, la préfète se fend d’un communiqué qui diffame ses administrés. » Et Me Nohra Boukara de déplorer « une gestion colonialiste de la communauté musulmane, dans une logique aux allures d’Ancien Régime. »

Le tribunal administratif, présidé par Xavier Faessel, doit rendre sa décision le jeudi 10 novembre 2022.


#Conseil municipal

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