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Travail le dimanche : à la recherche du principe et des dérogations

Le tribunal des référés civils de Strasbourg s’est penché ce matin sur l’ouverture dominicale des supérettes. Au final, les deux parties lui ont demandé de se prononcer sur une seule question: l’article 3134 du code du travail applicable en Alsace-Moselle autorise-t-il ou non l’emploi de salariés le dimanche ?

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Le code du travail (Photo FlickR / CC)

Le code du travail applicable en Alsace-Moselle indique dans l’article 3134-2 que « l’emploi de salariés dans les entreprises (…) commerciales est interdit les dimanches et jours fériés ». Mais il précise dans l’article 3134-4 :

« Dans les exploitations commerciales, les salariés ne peuvent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de Pentecôte. Les autres dimanches et jours fériés, leur travail ne peut dépasser cinq heures. »

Alors qu’en est-il ? La question était devant le tribunal des référés civils de Strasbourg mardi matin, à la suite d’une action des services de l’Inspection du travail fin 2012 contre sept supérettes qui avaient pris l’habitude d’accueillir des clients le dimanche. Les supermarchés ont commencé par invoquer une question prioritaire de constitutionnalité, qui a été rejetée par le tribunal. Et ce mardi matin, le tribunal a entendu les arguments des parties sur le fond de l’affaire.

Pour l’inspection du travail, l’interdiction du travail le dimanche prévaut, d’autant que dans le cas de Strasbourg, un arrêté du maire de 1917 interdit tout travail des « commis, apprentis, ouvriers dans les banques, maisons de gros et autres bureaux du commerce. »

Voir l’arrêté de 1917 traduit

Et l’arrêté, non traduit

Version originale de l’arrêté de 1917 (cliquez pour agrandir)

Selon François Stehly, inspecteur du travail, l’article 3134-2 énonce un principe général d’interdiction :

« La limitation dans l’article 3134-4 à cinq heures n’est pas une autorisation du travail le dimanche. C’est un cadrage à d’éventuelles dérogations au principe général. Hors, aucune dérogation n’a été transmise dans ce dossier, tout simplement parce qu’elles n’existent pas. »

Chantage à l’emploi

Mais pour Me Nicola Fady, qui défend le supermarché Pro Inter à la Meinau, il n’y a pas de dérogation à demander :

« La société exploite le supermarché depuis 1983 sans la moindre difficulté. Pourquoi vient-on tenter de nous en empêcher maintenant ? D’autant que si le magasin devait fermer le dimanche, l’entreprise serait contrainte de licencier plusieurs personnes. Est-ce vraiment ce qu’on veut en ce moment ? Et pourquoi l’inspection du travail n’assigne que sept magasins, pourquoi pas toutes les boulangeries et stations services qui disposent de rayons d’épicerie aussi ouvertes le dimanche ?

De toutes façons, il y a un principe général d’autorisation, pour cinq heures de travail, le dimanche. L’arrêté de 1917 ne peut être retenu, car il a été rédigé en allemand et n’a pas fait l’objet d’une traduction officielle. Comme l’a rappelé le conseil constitutionnel dans sa décision du 30 novembre 2012 sur les corporations, il y a un principe général d’accessibilité du droit, qui n’est pas garanti avec ce texte en allemand écrit en lettres gothiques. »

Par ailleurs, ce texte de 1917 est obsolète. Il réglemente en outre la vente de lait le matin, de 7h à 9h, horaires qui peuvent être prolongés si le lait arrive en retard… on soutient que le droit local permet de s’adapter aux spécificités locales et d’évoluer alors qu’en fait il est resté figé depuis un siècle de sorte qu’il est aujourd’hui complètement dépassé. »

Changer la loi

Pour l’inspection du travail, le chantage à l’emploi des supérettes ne tient pas :

« Des études ont prouvé que pour chaque emploi créé sur un chiffre d’affaire dominical, deux emplois étaient perdus dans la même branche et dans le même secteur. Evidemment qu’en profitant d’une absence de concurrence, les commerces font un important chiffre d’affaire. Mais c’est un chiffre obtenu illégalement, en contournant la loi. Si les supermarchés veulent ouvrir le dimanche, pour « animer » la ville ou satisfaire une nouvelle demande, ils doivent saisir leur député et faire changer la loi. »

En France de l’intérieur, les commerces alimentaires peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à 13h. Le délibéré du tribunal est attendu mardi 7 mai.


#droit local alsace-moselle

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