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Transnistrie : Un Bulli dans un pays qui n’existait pas

Le Bulli vient de traverser les frontières d’un pays qui n’existait pas : la Transnistrie. Il arrive en Ukraine : 8 000 km au compteur et 40 degrés dans l’air.

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Le Bulli place Maïdan, entre les barricades et les manifestants… Un jeune homme nous offre un drapeau du pays que tous ici arborent sur les voitures, sur les sacs à dos, ou aux fenêtres.

Plongée dans les coulisses de la 11e semaine du Bulli Tour Europa. Nos reportages journalistiques se trouvent sur notre site.

Viens chez moi, j’habite dans un faux pays

La Transnistrie est une région séparatiste qui s’est proclamée indépendante de la Moldavie en 1992. Après une guerre civile entre Moldaves de l’Est et Moldaves de l’Ouest, un cessez-le-feu a été prononcé. Les frontières ont été dessinées selon la position des troupes de l’époque. Le Dniestr sert de frontière naturelle.

La Transnistrie espère rejoindre le giron russe depuis plus de 20 ans.

En plein cœur de la Transnistrie, la ville de Tiraspol. Alexandre Tikkun y est étudiant. Dans la poche de son pantalon, il a toujours ses deux passeports.

« Y en a un qui est valable en Transnistrie. L’autre, c’est pour le reste du monde. »

Tout comme l’immense majorité des jeunes, il pense quitter la ville pour gagner l’étranger.

« L’Europe et la Russie, ce sont les deux destinations privilégiées. Je pars pour Moscou à la rentrée, tout comme ma mère et mon frère qui y sont déjà. Ce que j’espère, c’est qu’un jour, comme la Crimée, nous aussi nous serons Russes ! »

Dans le centre-ville, des statues de Lénine semblent veiller sur les habitants.

La Transnistrie n’est reconnue par aucun pays, pas même par la Russie. Quelques autres territoires séparatistes l’ont reconnue, histoire de se donner de la crédibilité entre eux….

Après le passage de plusieurs postes-frontières, le Bulli arrive dans l’enclave moldave de Transnistrie…

 

Des tampons, des formulaires, des papiers, des offices…

 

« Un irréductible village résiste encore et toujours… »

Iouri Ivanov vit dans l’enclave moldave en Transnistrie. En 1992, il s’est battu pour Chisinau contre les séparatistes. Il vit au bord du Dniestr et doit passer des heures pour le traverser. « Pourtant, c’est toujours mon pays, ici », dit-il.

Quelques villages moldaves se trouvent en plein territoire séparatiste. Les irréductibles habitants s’y sentent délaissés et oubliés par le gouvernement moldave (sur l’autre rive du Dniestr). C’est le moment des moissons à Cocieri et pourtant les agriculteurs sont assis et leurs machines à l’arrêt. Depuis le mois d’avril 2014, l’accès à leurs champs leur est interdit. 95% de leurs terres agraires se trouvent de l’autre côté de la frontière, dans le territoire sécessionniste. « Les pertes vont être immenses, plusieurs millions de levain. C’est une catastrophe », conclut Piotr Ciracenko, le comptable de la société agricole Victoria.

Le blé des agriculteurs moldaves se trouve au-delà de l’enclave. Il est prêt à être moissonné.
Mais les ouvriers agricoles sont au chômage technique : pour la première fois, Tiraspol leur interdit l’accès aux champs.

Les frontières sur cet étrange territoire sont volantes. Iuri Ivanov, devenu proche voisin des gardes-frontières explique :

« Un jour elles sont ici, l’autre là. Ce qui est sûr, c’est qu’elles resserrent chaque fois l’enclave moldave. Mais notre village dit non. On n’acceptera pas qu’ils aillent plus loin. »

Notre reportage sur l’enclave moldave de Transnistrie sera à voir sur notre site le jeudi 31 juillet 2014.

Après un reportage sur l’économie complexe de l’enclave moldave, le Bulli gagne la frontière Est du territoire séparatiste. La sortie de la Transnistrie vers l’Ukraine est plutôt délicate. Contrôle de l’appareil photo : il manque un tampon sur un des cinq formulaires… et le douanier de lancer :

« Vous n’êtes pas de la presse au moins ? »

Attente au poste-frontière, vérification de l’appareil photo et contrôle minutieux de chaque tampon…

Odessa trop calme

Le port industriel d’Odessa est bien calme en ce début d’été.

« Les touristes ont pris peur face à l’incertitude de la situation actuelle et ont délaissé la côte ukrainienne pour d’autres destinations. Mais le plus grave est l’incertitude. J’ai peur de ce qui peut arriver. Je ne lis plus les journaux tellement je suis effrayée par la situation. Retourner dans le bon vieux passé soviétique n’est pas une réalité… c’est une propagande passéiste. J’ai peur de l’Est à présent. »

C’est ce que nous explique Irina Adarchenko, professeure de français à la retraite. Née dans les années 1950, elle se souvient du mirage soviétique :

« Je pensais que j’étais la plus heureuse d’être née en Union soviétique et que tous les autres, nés ailleurs, étaient vraiment à plaindre. Leurs vies devaient être une misère puisqu’ils ne connaissaient pas notre système, le meilleur au monde. »

Vingt ans après l’effondrement du bloc soviétique, et après pas mal de voyages à l’étranger, Irina n’est plus dupe :

« Hors de question de retourner en arrière ! »

Irina Adarchenko évoque les difficultés économiques du pays depuis les événements de cet hiver. La monnaie ukrainienne a été dévaluée, les touristes sont absents et les salaires misérables (250 euros mensuels de salaire moyen).

Vous pouvez écouter ici notre entretien radio avec Irina Adarchenko.

Le Bulli trace au nord et rejoint Kiev, bastion des manifestations de l’hiver dernier.

La place Maïdan : un décor de guerre

Mi février se déroulaient les derniers affrontements meurtriers de la place Maïdan, faisant une quarantaine de morts en deux jours.

La place Maïdan ressemble à un champ de bataille. Les barricades, les tentes et tout le matériel des combats de cet hiver sont restés à leur place. Ivan, qui avait pris part aux manifestations de cet hiver, raconte :

« On attend. On va rester là pour surveiller le gouvernement. On n’a pas encore réussi notre révolution. Tant que les choses n’auront pas changé en profondeur, on restera ici. Pas mal de Maïdanais sont partis se battre à l’Est. On n’est plus qu’une centaine à Kiev, mais on garde les lieux. »

Le centre-ville de Kiev est un vrai mémorial aux combattants.

Georgii Sokolianskyi fait partie des « personnes déplacées » d’Ukraine. Originaire de Donetsk, il a fui les violences de l’Est pour rejoindre Kiev. L’entreprise qui l’emploie a payé les billets pour tous les autres salariés, afin d’assurer leur sécurité.

Georgii évoque l’insécurité à Donetsk : plus personne ne sort, sauf pour se ravitailler, c’est comme un siège.

Alim Aliev est responsable de l’ONG Sos Crimée. Tatar de Crimée, il vit à Lviv depuis six ans et organise depuis quelques mois l’arrivée des Ukrainiens qui fuient l’Est du pays. Il explique :

« On ne les appelle pas des “réfugiés” mais des “personnes déplacées”. Est réfugié celui qui quitte son pays. Or, ici, les Tatars de Crimée quittent leur région ukrainienne pour rejoindre une autre ville du pays. Dire “réfugiés”, ce serait reconnaître que la Crimée est Russe ! »

Depuis l’automne dernier, 12 000 Tatars sont arrivés et se sont installés entre Lviv et Kiev, en attendant une accalmie à l’Est. Tous espèrent pouvoir rentrer au plus vite chez eux :

« En Ukraine évidemment ! »

Des discussions quotidiennes se déroulent à Maïdan pour évoquer la situation du pays. Derniers sujets en date : les avions abattus à l’Est du pays.

Notre entretien radio avec Marina Petrenko, place Maïdan, sera sur notre site le mercredi 30 juillet.

Le Bulli se fraie un chemin place Maïdan, normalement interdite aux voitures.

Le Bulli poursuit son tour d’Ukraine et part pour Lviv, à l’Ouest de l’Ukraine.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : retrouvez toutes les chroniques vécues du Bulli Tour Europa (blog)

Sur BulliTour.eu : les reportages de Claire Auduy et Baptiste Cogitore


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