Le problème des concertations, c’est qu’on ne peut pas maîtriser tous les paramètres. D’un coté, l’Eurométropole peut s’enorgueillir de « plus de 1 000 contributions », « 11 500 visionnages » et « 85% d’avis favorables au tram » pour le développement du réseau vers le nord. La présidente Pia Imbs (sans étiquette) estime d’ailleurs qu’il ne s’agit « pas juste d’une extension de tramway, mais d’un projet de cohésion urbaine ». Mais le revers de cette participation fournie, c’est qu’aucun tracé ne s’est imposé dans les expressions pour la partie à Strasbourg même. L’Eurométropole et la Ville de Strasbourg ont choisi de faire passer le futur tram par l’avenue des Vosges, afin d’avoir une connexion directe entre la gare et les institutions européennes, en remplacement de la ligne de bus H.
Plus d’avis pour un autre tracé
À Schiltigheim au contraire, la maire écologiste Danielle Dambach s’estime renforcée dans son choix initial du tracé par la route du Général de Gaulle :
« Il n’y a eu que 17% d’expressions défavorables au tramway et nous avons 229 contributions pour la variante 1 (celle retenue) contre 146 pour la variante 2 et 155 pour la variante 3. C’est le tracé le plus rapide et l’emprise est suffisante ».
Ces chiffres ne devraient pas pour autant mettre fin aux débats schilikois. Le maire de Bischheim, Jean-Louis Hoerlé (DVD), est opposé au projet, dont il estime qu’il allongera le temps de transport du quartier des Écrivains jusqu’à Strasbourg. L’association Col’schick pourrait également déposer un recours. Elle estime que la variante 2, qui prévoyait de passer au centre de la commune, avant d’aller à l’ouest, a été présenté de manière peu attractive. Le tracé prévoyait par exemple plusieurs virages et de construire un pont très coûteux, plutôt que d’emprunter celui rue Saint-Charles.
À Strasbourg, le poids du nombre ne fonctionne pas. Le bilan complet de la concertation n'a pas encore été dévoilé, mais il semblerait que davantage d'avis aient été déposés en faveur de la variante C2, qui prévoyait un tracé le long des quais Kléber et Finkmatt.
C'est par exemple le cas d'Arieh Adida, l'un des porte-parole d'un tout nouveau collectif intitulé "Neustadt apaisée" :
"Ce n'est pas un tramway pour les habitants de la Neustadt. C'est un tramway fait pour aller de la gare aux institutions. La Neustadt est un quartier familial ancien, avec peu de garages, contrairement à ce que dit la municipalité, et avec des familles nombreuses pour lesquelles il faut parfois circuler en voiture. Le tram va apporter du bruit, à l'heure où le bruit et la pollution vont diminuer avec les voitures électriques. Et il va réduire le stationnement alors qu'on en a besoin. Les écologistes n'ont pas été élus sur ce projet-là, donc il convient de prendre le temps de bien analyser la situation pour un choix qui va structurer la ville pour au moins 40 ans. On a l'impression qu'ils veulent faire notre bien contre nous."
Ce riverain, proche des élus socialistes, ne se dit pas pro-voiture à tout prix. Il avait d'ailleurs milité "à titre personnel" pour l'ajout des bandes cyclables controversées sur l'avenue des Vosges en 2018. "Il faudrait sécuriser les pistes vélo et interdire les camions en transit", estime-t-il. C'est à peu près la position d'une autre jeune association, appelée "Vosges Neustadt". Elle estime qu'aucun nouveau tram n'est souhaitable dans le quartier. Dans une tribune aux DNA, elle juge que le quartier est déjà bien desservi et soutient l'extension vers Schiltigheim. Selon elle, la priorité est de rendre le quartier plus vivant et plus "apaisé" de la circulation automobile.
La majorité justifie les atouts de l'avenue des Vosges
Quelques centaines d'avis sont-ils représentatifs dans une métropole de près de 500 000 habitants ? Forcément du côté de la majorité, on minimise leur portée, à l'instar d'Alain Jund (EELV), vice-président en charge des mobilités :
"Un choix d'itinéraire est un ensemble d'éléments complémentaires et croisés. On ne peut réduire la concertation à un référendum et ne se baser que sur la parole d'un certain nombre de riverains, même si on en tient compte. Ce sont aussi des déambulations, des avis d'associations d'usagers, etc."
Pour la maire Jeanne Barseghian (EELV), "les résultats n'ont pas été déterminants" :
"On regarde le quantitatif, mais aussi le qualitatif. Les remontées de la concertation nous permettent d'avoir des points de vigilance sur le stationnement, sur le plan de circulation, sur le fait d'accéder à l'autoroute, une raison pour lesquelles certaines personnes ont choisi ce quartier. Il faudra travailler ces aspects avec les aménagements. La variante 2 ne permettait pas d'élargir le centre-ville, tandis que la 3 a été nettement rejetée. L'avenue des Vosges peut devenir un lieu de vie, avec de vraies pistes cyclables, des trottoirs larges, des arbres dont on profitera davantage et des commerces davantage mis en valeur."
D'après nos informations, le choix du tracé a également fait débat au sein des élus de la majorité strasbourgeoise.
Les futures lignes encore inconnues
Une des spécificités de ce projet est qu'aucune ligne, future ou existante, n'est associée aux deux extensions. Car l'un des objectifs est de retravailler tout le réseau de tram pour diminuer les passages place de l'Homme de Fer. Ce qui n'est pas forcément évident pour le passager de demain, car on ne sait pas où iront exactement chacune des futures lignes.
Une manière de procéder que critique Pierre Jakubowicz (Agir, apparenté LREM), dans l'opposition :
"C'est la première fois qu'on n'a pas de débat sur l'extension de la ligne. La concertation a donc été très difficile à comprendre, car on ne sait pas de quel point A à quel point B on se déplace. On ne peut pas comparer deux trajets. Il n'a pas été dit clairement quel objectif on poursuivait. On a l'impression d'une concertation fourre-tout."
De plus, le conseiller municipal ne comprend pas qu'un itinéraire via la rue Jacques Kablé n'ait pas été proposé, "qui permettait d'être rectiligne et donc rapide". "On nous a répondu que l'axe n'est pas assez densément peuplé, mais c'est cette logique qui a prévalu pour le tram D vers Kehl. Et la rue évoluera avec le tram".
Questionné sur le choix des itinéraires, Alain Jund en dit un peu plus sur les itinéraires prévus :
"Au départ de la gare, on pourra bifurquer soit avenue de la Paix, soit vers la place de la République. Le tram de Schiltigheim pourra se rendre jusqu'à la rue du Faubourg-de-Saverne, ce qui permettrait d'être à proximité du centre-ville de Strasbourg."
Encore deux ans avant les travaux
Ce choix promet un débat strasbourgo-strasbourgeois animé lors du conseil municipal du lundi 13 décembre. Ensuite ce sera au tour de l'Eurométropole de voter le vendredi 17 décembre. L'année 2022 sera consacrée à des études d'avant-projet et donc de débats sur les aménagements complémentaires (combien de voies de circulation automobile, quelle place pour le stationnement, les piétons et les vélos, etc.). "Nous sommes encore dans une phase de poursuite de dialogue avec la population", précise Pia Imbs. Parmi les projets connexes, l'ajout d'un parking d'environ 300 places près de la place de Haguenau. "Un trait d'union entre Schiltigheim et Strasbourg à retravailler," selon la maire Danielle Dambach, le parc actuel devrait être agrandi et rendu plus attrayant.
En 2023 se tiendra l'enquête publique. À ce moment-là, les nouvelles lignes de tramway devraient être connues. Enfin les travaux sont prévus pour débuter en 2024. La majorité espère que les chantiers seront terminés "début 2026". Un calendrier que les opposants estiment intenables. Il est pourtant stratégique, car en mars de cette année-là se tiendront les élections municipales. Et en règle générale, il n'est pas toujours populaire d'avoir des travaux en pleine campagne pour une réélection.
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