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Les nouveaux trains Régiolis à rebours des déplacements intermodaux

Ils sont beaux, rapides et tout neufs les Régiolis, ces nouveaux trains du TER Alsace. Mais depuis leur mise en service en avril, les usagers ont découvert un revers à la médaille : bien moins d’emplacements pour les vélos. À l’heure du déplacement multimodal, le choix peut surprendre. La Région assume.

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Dans les Régiolis, l’espace a été sacrifié à la rentabilité (Photo Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / cc)

Onze des 24 nouvelles rames Régiolis commandées par la Région Alsace et la SNCF à Alstom sont en circulation entre Strasbourg, Sarreguemines, Sélestat ou Haguenau. Le Régiolis va continuer à remplacer les trains du réseau TER alsacien, notamment sur les lignes vers Wissembourg, Niederbronn et Lauterbourg aux horizons 2016 et 2017. Il est plus rapide, plus confortable, plus lumineux et plus sûr. Mais… il n’a que trois ou six emplacements réservés aux vélos selon la taille de la rame. Jonathan Leroy, usager régulier du TER, s’agace :

« Cela fait un bout de temps que j’emprunte la ligne Strasbourg-Molsheim pour me rendre à mon lieu de travail à vélo. Jusqu’à présent, je n’avais aucun problème, l’espace réservé aux vélos était suffisant, mais, avec le Régiolis, seulement 3 places maximum nous sont réservées. C’est peu ! Dans les anciens TER, on pouvait en disposer d’entre six et huit. Du coup, c’est toujours complet alors imaginez aux heures de pointe ou en septembre avec le retour des étudiants, ça va être encore pire. Il y a environ trois semaines, il y avait au moins neuf à dix vélos les uns à côté des autres, ils bloquaient le passage et empiétaient sur les espaces dédiés aux passagers. J’ai aussi des collègues cyclistes, on en a discuté entre nous, et on a l’impression qu’on ne veut plus de nous ».

L’association des usagers des transports Fnaut Alsace déplore également cette réduction des emplacements, ainsi que le système d’attache, jugé peu pratique par son président Patrice Paul:

« Dans les anciens trains, les vélos étaient suspendus à un crochet. Désormais, les vélos sont disposés en parallèle et tous sont retenus par une sangle commune, censée les retenir en cas de secousse. Quand une personne a besoin de son vélo il faut qu’elle enlève tous les autres accrochés au sien. Imaginez cette situation en heure de pointe d’autant plus que la personne doit descendre rapidement car le temps d’arrêt du train est limité ! »

Cycliste ou pas, la gêne est là

Conséquence : les piétons râlent aussi, contre ces vélos disposés n’importe comment dans les trains. Jean-Luc, piéton, développe :

« Depuis dix ans, je prends le train tous les jours, et, je préfère sans hésiter l’ancien matériel au nouveau Régiolis. Dans les anciens trains, les voyageurs devaient attendre que les cyclistes décrochent leur vélo. Mais, au moins, ils ne prenaient pas de place ! Là, non seulement ils occupent beaucoup de place, mais ils empêchent les autres de circuler correctement, surtout pendant les heures de pointe. C’est la vraie pagaille. Pour tout vous dire, il y a quelques temps j’empruntais la ligne Strasbourg-Molsheim, et les contrôleurs ont été contraints de descendre du train pour pouvoir contrôler le wagon suivant à cause des vélos, c’est dire à quel point l’espace manquait. Je commence à croire que c’était voulu, j’ai l’impression qu’ils veulent décourager les cyclistes à prendre leurs vélos dans le train ».

Les emplacements dédiés aux vélos dans les TER Régiolis sont insuffisants, selon certains usagers et la Fnaut (Photo Pierre Bazin)

C’est le cas de Jonathan Leroy, qui a décidé d’arrêter de prendre le train pour se rendre sur son lieu de travail :

« Je ne prendrai plus le train que si le temps est mauvais. Mes habitudes vont changer, plus de train mais beaucoup de vélo. J’en ai assez. Si on n’arrive pas dans les tous premiers pour placer son vélo, eh ben on met notre vélo n’importe où et on gêne tout le monde. Pour le moment les contrôleurs ne disent rien, mais il y aura bien un jour où ils vont réagir. Je ne veux pas ce jour-là me retrouver à la gare de Strasbourg sans pouvoir rentrer dans mon train, sous prétexte qu’il n’y a plus assez de place disponible pour les vélos ».

Pour la Région Alsace, priorité aux voyageurs

Le manque d’espace consacré aux vélos n’est pas un problème de conceptualisation, c’est bien un choix assumé par la Région Alsace comme l’explique le directeur des transports, Pascal Weibel :

« Il nous a fallu trouver un compromis entre le nombre de place de voyageurs assis et debout, que ce soit dans l’agglomération strasbourgeoise ou dans le périurbain, et les autres usagers comme les cyclistes. Beaucoup de personnes désirent emprunter les TER, réduire le nombre de places dédiées aux vélos a permis d’optimiser le nombre de voyageurs. En 2017, avec l’ensemble du parc Régiolis, la capacité de transport du TER Alsace aura augmenté de 15%, soit plus de 5 000 places supplémentaires ».

En 2007, après avoir encouragé l’intermodalité, la Région Alsace a interdit l’accès des vélos dans les TER 200, les trains de la ligne Strasbourg-Bâle, aux heures de pointe. La mesure avait provoqué une petite polémique alors que les déplacements trains + vélos commençaient à devenir concurrentiels face à la voiture pour de nombreux usagers pendulaires. À l’époque déjà, la Région Alsace avait invoqué une forte augmentation de la fréquentation. Il est donc surprenant que le problème se pose à nouveau sept ans plus tard, alors que la pratique s’est développée.

Pour la Région Alsace, deux vélos, sinon rien

Pour le président de la Fnaut Alsace, Patrice Paul, la Région Alsace s’est inspiré des usages outre-Rhin :

« L’absence de place nécessaire des vélos dans les nouveaux trains Régiolis laisse penser que la Région Alsace incite les cyclistes à posséder deux vélos : un à la gare de départ, et l’autre, à la gare d’arrivée. Cette pratique est courante en Suisse ou en Allemagne, comme dans les gares de Fribourg ou d’Offenbourg. Si cet usage se généralise, cela arrangera la Région Alsace, en libérant les trains d’un nombre important de vélos, ce qui veut dire, plus de place pour les autres usagers, et du coup, une meilleure rentabilité. Bon, posséder deux vélos est toujours plus rentable que d’avoir une voiture qui coûte cher et pollue. Je connais des cyclistes qui ont adopté cette nouvelle habitude, au début ils râlaient, mais au final ils trouvent cela plus pratique, de ne pas avoir à se balader avec son vélo dans le train. Les associations de cyclistes vont devoir réfléchir à cette pratique ».

Et effectivement, pour Pascal Weibel, le poly-stationnement est la solution :

« La Région Alsace a investi ainsi dans des abris à vélos modulables qui permettront d’augmenter de 6 500 à 10 000 le nombre de stationnement gratuits pour les vélos dans toutes les gares de la région. Ces abris à vélos sont encore au stade du prototype. Un premier est exposé sur le parvis de la Maison de la Région Alsace et propose aux voyageurs huit emplacements vélos répartis sur deux niveaux, intégrant une solution de rechargement de vélos électriques. Un second prototype est exposé à Sélestat. L’ensemble de ces nouveaux abris à vélos seront accessibles à tous via la carte ALSEO. »

Rappelons que le financement du TER Alsace engloutit chaque année 30% du budget de la Région Alsace, 150 millions d’euros en fonctionnement et 80 millions d’euros en investissements. Le TER Alsace détient la prime de la régularité du service en France, avec 96,3% des trains étant arrivés à l’heure en 2013.

Aller plus loin

Sur VéloMaxou : Train + vélo en Alsace, la galère


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