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Au Taps Scala, Les Parents Terribles questionnent les rôles des mères

Au TAPS Scala va se dérouler du jeudi 23 au dimanche 26 janvier un drame rejoué depuis des lustres : la lutte intestine entre des membres d’une même famille, avec comme dénominateur commun l’amour, un amour déchirant, cruel et donc sublime.

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La pièce de Jean Cocteau aborde le sujet de la jalousie familiale, bouleversant. (Doc remis)

Il est des pièces qui nous transcendent, des textes écrits qui garderont leur intemporalité, leur éternité. Ainsi de Jean Cocteau, auteur emblématique de la littérature française du XXème siècle. Arpentant avec une délicatesse et une extrême gravité l’ambigu sujet de la famille (que Gide ne haïssait point), Jean Cocteau prend à bras-le-corps un thème qui aura tourmenté son esprit toute sa vie. Et pour cause.

Itinéraire d’un auteur tourmenté

Fils vouant un véritable culte à sa mère, Jean Cocteau, parti à 30 ans de la bicoque familiale, a toujours accordé à sa génitrice l’essentiel de ses passions, génitrice qui l’a couvé dès le suicide de son père (Cocteau avait alors 9 ans), scellant un peu plus le destin d’un écrivain remarquablement doué pour exprimer ses douleurs sur un fond blanc de papier. La vie d’un écrivain est le leitmotiv de son art. Catherine Delattres, metteure en scène de la pièce qu’elle présentera au TAPS Scala pour la première fois le 23 janvier, et ce durant deux jours, a saisi cette conception de la création. A tel point qu’elle s’est prise de passion pour l’œuvre complexe de Cocteau :

« Quand on est metteur en scène, on a un tiroir dans son esprit qui contient les pièces qu’on rêve de monter, et Les parents terribles fait indubitablement partie de ce répertoire car c’est une œuvre forte ».

Les parents terribles, drame en 3 actes écrit par Jean Cocteau en 1938, conte ironiquement un vaudeville bien amer : un appartement, que ses occupants, doux rêveurs à cent lieues de la réalité, ont surnommé « La roulotte » et où les portes claquent, est à leur image, car c’est un capharnaüm. Autour d’Yvonne gravitent Georges, son mari, un inventeur fantaisiste, raté et veule qui eût pu être génial ; Léonie, sa sœur, que chacun appelle Léo ; Michel, son fils qui a vingt-deux ans.

C’est en fonction de ce dernier, auquel elle est plus que maternellement attachée, auquel elle voue une passion exclusive et dévorante, qu’elle oriente ses moindres faits et gestes. Si Léonie vit avec le couple, c’est parce que, jadis, elle et Georges se sont aimés. Mais il lui a préféré Yvonne et elle a été assez héroïque et effacée pour le laisser partir, trop amoureuse cependant pour le quitter tout à fait. Elle a même consacré à la famille sa fortune personnelle. Par son goût de l’ordre et sa raison, Léo est le pilier de la maisonnée, qu’elle dirige.

 Une femme arrive et tout est déconstruit

L’équilibre instable ayant lieu au sein de cette assemblée va vite être profondément bouleversé quand Michel annonce à sa mère (le père étant absent, muet, ne s’exprimant que dans des transports secrets) qu’il est amoureux de Madeleine, une jeune femme de 25 ans. Cette même Madeleine qui a construit un lien vif avec… le père de Michel, Georges.

Une situation qui s’est créée au sein d’une « famille marginale ou rien n’est simple », comme le dit très justement Catherine Delattres. Une pièce populaire, cruelle, traitant avec dérision des sujets fondamentalement tragiques : la cruauté de l’amour et la difficulté d’être. Avant « Les parents terribles », il avait rédigé « la machine infernale » ou il établit un rapport profond au mythe d’Œdipe. Les pères sont soit absents, soit inexistants ou transparents :

« La figure forte, dramatique, tragique, c’est celle de la mère ou de la femme en général. A 9 ans, il est devenu le petit mari de sa mère. Les mythes d’Œdipe et de Jocaste traversent sa poésie. Dans l’imaginaire de Jean Cocteau, on est obligés de tuer l’autre et d’être libres pour se réaliser. »

Ainsi, les passions ne peuvent endurer de séparation, si ce n’est celle qu’entraîne cette foudre de glace qu’est la mort. Les parents terribles est une pièce à voir parce qu’elle ambitionne de déconstruire le mythe familial en lui administrant un léger parfum de grave nostalgie. C’est une pièce où l’on rigole aux larmes.

C’est un drame comique, un vaudeville mélancolique d’où l’on ne ressort sûrement pas indemne. Comme Guy Bedos ou Antoine Blondin, Jean Cocteau a tenu à faire du drôle avec du triste. La mère aimante, amoureuse, et le père fantomatique, ce sont des personnages qui font partie de nos vies : ils interrogent et fascinent. Il nous revient en mémoire cette phrase de Frédéric Beigbeder tiré de son roman L’égoïste romantique :

« Dans les familles, les absents ont toujours raison, et l’on n’écrit que sur ses fantômes ».

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