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The Witch ou la suprématie du contexte

Succès surprise du festival de cinéma indépendant de Sundance en 2015, The Witch a vu sa réputation enfler mois après mois. Il parvient sur les écrans français en juin 2016, auréolé d’un statut de nouveau phénomène du cinéma d’épouvante.

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En Nouvelle Angleterre, au XVème siècle, un homme pieux est banni avec sa famille d’une ville de colons dont il jugeait la ferveur religieuse insuffisante. Il s’installe alors aux abords d’un bois habité par une sorcière. C’est ainsi que débute The Witch.

Le culte de la précision

Il est souvent bon de connaitre la formation initiale d’un cinéaste. Robert Eggers, qui signe là son premier long-métrage, a débuté sa carrière comme costumier et chef décorateur. Ce soin apporté aux décors, cette précision dans l’accessoire, cette exactitude dans le verbe, dans la prière, dans le geste quotidien sont le résultat du travail d’un brillant artisan.

Eggers pourrait avoir été historien. Son film est factuellement précis. Son film semble même trouver un écho chez des satanistes contemporains. Et cette précision inquiète, parce qu’elle offre une crédibilité au récit. Elle offre un socle ferme à l’intangible. Mais le cinéma, art total, art somme, ne peut se contenter du décorum et des babillages fidèlement reconstitués.

Eggers est un artiste habile et appliqué, qui parvient à l’objectif qu’il s’est fixé. Il nous plonge de manière saisissante dans ce conte de la sorcellerie chez les puritains. Mais après avoir posé les bases de son récit, il oublie l’essentiel ; à savoir la dramaturgie et le rythme imposé par l’intensité dramatique.

La prière au coeur de l’oeuvre (Photo Universal Pictures)

Une oeuvre glacée, plus que glaçante

The Witch s’emploie à créer une poignée d’images saisissantes, annoncées à renforts de cordes stridentes. L’horreur survient tout au bout d’un film court et pourtant trop long.

En attendant que surgisse la sorcière, que le spectateur soit enfin gratifié d’une dose d’horreur grand-guignolesque, l’oeuvre s’avère bavarde, concentrée sur l’accessoire, sur les grimaces éprouvées des comédiens, sur le gris du ciel, sur la boue qui s’accroche aux bottes. Film d’ambiance, diront certains. Mais l’ambiance, bien que glaçante, est insuffisante à générer l’attachement au récit.

The Witch fascine. On en sort avec l’idée que l’on aurait aimer adorer le film, si celui-ci n’était pas plombé par un scénario linéaire, aussi exact que pauvre.

Au festival de Sundance, il était ainsi présenté aux côtés du Sanctuaire, de Corin Hardy, sorti en France dans l’indifférence générale en mars dernier. Ce Sanctuaire (The Hallow, sous son titre original) a été vu comme une oeuvre trop classique, une sorte de recyclage de film de monstre. Mais il portait en son sein une passion, une énergie rare. Il était l’oeuvre d’un enragé du cinéma fantastique, maladroit parfois mais infiniment sincère. The Witch pourra être vu comme l’antithèse du film de Corin Hardy, comme une oeuvre bien pensée, stricte et engoncée et définitivement scolaire.

La bande annonce


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