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The Lost City of Z au cinéma, on ne filme pas la folie sans s’y perdre un peu

Habitué des films d’époque, James Gray délaisse pour la première fois New York afin de s’aventurer dans les méandres du récit épique, entre Irlande et Amazonie. Il filme ainsi l’obsession d’un officier qui tente de réhabiliter le nom familial en partant à la recherche d’une cité perdue au cœur de la jungle amazonienne.

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Le récit s’étend sur une période de vingt ans. Dans The Lost City of Z, Percival Fawcett, brillant soldat, se voit confier la tâche de cartographier la frontière de deux pays d’Amérique latine sur le point d’entrer en guerre. Il reviendra en nourrissant une obsession pour une cité légendaire ; une cité dont la découverte lui permettrait d’entrer dans l’Histoire. Au détriment de sa famille, il enchaînera les expéditions hasardeuses.

Charlie Hunnam, confronté à l’inconnu (Photo StudioCanal)

La famille, maillon indissociable de la logique Gray

James Gray incarne, depuis ses débuts, une forme de paradoxe, celui du cinéaste jeune mais classique. Réalisateur surdoué, coqueluche de la critique depuis son premier film Little Odessa, il s’attache d’emblée à des problématiques autrefois prisées de monuments tels que Visconti ou Coppola.

L’affiche du film

Chez Gray, la famille est au centre de toutes les problématiques. Elle est un obstacle à l’ambition dans La nuit nous appartient, un obstacle à l’amour dans Two Lovers, un cadre sacrificiel dans The Yards. Le personnage principal de The Lost City of Z se définit encore dans son rapport au cercle familial. Le père, la femme, les enfants, sont à l’origine de toute décision. Le fils qui incrimine le major pour ses absences deviendra l’outil servant l’accomplissement de toute ambition.

Gray quitte son terrain de jeu habituel. Il délaisse Brighton Beach et ses immigrés d’ascendance ukrainienne. New York laisse ainsi place à la forêt amazonienne. Mais les personnages ont pourtant les mêmes frontières, les mêmes enjeux. Ils se montrent dignes, fiers, obstinés et luttent contre le courant de l’héritage familial.

Un personnage malheureusement en retrait (Photo StudioCanal)

La jungle et ses ambitions

Urbain, sauvage ou panthéiste ? Au cinéma, le cadre et l’environnement conditionnent le récit. On ne saurait s’aventurer dans la jungle sans s’absoudre des aînés, des maîtres du 7e art venus filmer un univers dans lequel l’homme se trouve perdu face à la solitude, face à sa douleur et sa folie. The Lost City of Z a, quelque part, les défauts de ses grandes qualités. Gray voudrait narrer les tourments d’un homme dans un monde perdu, mais ce monde se doit d’être un personnage à part entière.

Parfois, le cinéma ennuie. Et là, il frustre. L’histoire est monumentale, et le cinéaste s’emploie à ne pas délaisser son héros. Alors il opte pour des ellipses dommageables, sacrifie l’un ou l’autre personnage prometteur. Gray est ainsi raisonnable. Son film est maîtrisé, solide.

Mais peut-on narrer la démesure et la folie sans y toucher quelque peu ? Herzog (dans Aguirre) et Coppola (Apocalypse now) se sont perdus avec leurs personnages. Ils n’ont pas permis que leurs protagonistes soient plus forts que la jungle, conscients sans doute qu’ils amenuiseraient alors la portée de cet univers.

Et si Aguirre est une œuvre traumatisante, c’est parce que l’on y ressent, justement, l’absence de contrôle, la perte de repères. Tout peut surgir au détour d’une branche ou d’une liane. The Lost City of Z, passionnant mais timide, ne parvient jamais à recréer ce type de sensation. C’est un film démesurément ambitieux et outrageusement sage.

Le film d’un grand cinéaste qui se refuse à abdiquer le contrôle. Le film qui arrive trop tôt, ou trop tard, dans la carrière d’un cinéaste équilibré et épanoui dans son art.


#cinéma

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