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Taxe d’habitation : pourquoi vous payez plus cher

La Ville et la CUS n’augmentent pas les impôts, entend-t-on. Pourtant, sur le relevé de la taxe d’habitation reçu la semaine dernière, le montant à payer est toujours plus élevé. En cause, un mécanisme quasi-automatique et datant des années 1970, jamais réformé depuis. Résultat : les habitants du centre-ville sont avantagés par rapport aux autres.

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Les feuilles sont arrivées ces derniers jours dans les foyers, la taxe d’habitation est à payer pour le 15 novembre (Photo PF)

Que valait votre maison ou votre appartement en 1970 ? Vous pensez n’en avoir cure et pourtant, c’est à cette date qu’ont été estimées les valeurs locatives cadastrales (VLC) pour l’ensemble des habitations françaises. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sont toujours ces estimations qui servent d’assiette au calcul de la taxe d’habitation ! Cette taxe censée être indexée sur la valeur d’un bien ne prend pas en compte les rénovations urbaines ni les changements de populations qui ont agité le marché immobilier depuis 40 ans.

Ainsi, les immeubles construits à Hautepierre, à l’Esplanade ou à la Meinau présentent de nombreux éléments de confort (toilettes, eau courante…) et sont généralement frappés d’une VLC plutôt forte tandis que les rénovations des habitations en centre-ville n’ont pas toutes été prises en compte et ces logements généralement très chers peuvent bénéficier d’une VLC faible en proportion. Le pire étant les constructions neuves, datant d’après 1980, disposant de toutes les commodités et de terrasses.

Dans un rapport de juin 2012, les sénateurs François Marc et Pierre Jarlier parlent d’un « système injuste ». Surtout que les VLC servent également au calcul de autres taxes locales (taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe sur les friches commerciales…) et appellent à une réforme du financement des collectivités locales.

Car le code général des impôts a beau prévoir une actualisation des VLC tous les ans, elle n’a eu lieu qu’en 1980. Depuis, seule est appliquée une revalorisation forfaitaire (+1,02% en 2011, +1,018% en 2012) de la VLC. A Strasbourg, cet ajustement mineur explique parfois à lui seul l’augmentation de 3 à 4% du montant global de la taxe d’habitation chaque année.

Une réforme en vue, chaque année…

Laurent Chaintreuil, directeur général du pôle fiscal des finances publiques à Strasbourg, explique pourquoi cette situation n’est pas prête de changer :

« En 1990, l’Etat avait lancé une actualisation des VLC. Mais on s’est rendu compte qu’il y avait des revalorisations énormes à apporter pour de nombreux logements. C’était trop lourd à porter politiquement et l’actualisation a été enterrée. Donc on se retrouve avec cette situation où l’on sait bien que les évaluations des logements sont parfois très éloignées de la réalité… Il faut rappeler aussi que les travaux d’aménagements sont censés être déclarés au centre des impôts. Ce n’est pas toujours le cas. »

Pour Chantal Schneider, avocate fiscaliste, les particuliers ont rarement intérêt à demander la réévaluation de leur valeur locative :

« Il est possible de contester le montant de la taxe et de demander à l’administration d’expliquer ce qui justifie une valeur locative qu’on trouve trop élevée. La réponse de l’administration indiquera les locaux de référence retenus et tenant compte du caractère de l’immeuble, de la qualité de la construction et des éléments d’équipement et de confort. La remise en cause de ces critères extrêmement complexes est délicate, en particulier pour les logements anciens ayant subi des transformations. »

Ainsi Stéphane a vu sa taxe d’habitation passer de 530€ en 2010 à 984€ en 2011, puis 1007€ en 2012, pour le même appartement rue d’Epinoche à Strasbourg, aux mêmes conditions. Raison de cette hausse ? Son appartement a tout simplement été réévalué par les services du cadastre : la valeur locative du même appartement est passée de 1930 à 3265… sans qu’il soit possible de contester cette nouvelle évaluation.

Des critères d’évaluation obsolètes

Autre frein à la réforme de cet impôt, son efficacité. Car tout le monde ou presque le paie. Pour la Ville de Strasbourg, il représente avec près de 62 millions d’euros en 2012, soit 8% des recettes de la collectivité (et 62,6 M€ pour la CUS, soit 16% de ses recettes). Alain Fontanel, adjoint au maire de Strasbourg en charge des finances, précise :

« C’est surtout le seul impôt encore modulable pour la Ville. A Strasbourg cependant, le maire s’est engagé à ne pas augmenter ce taux d’imposition et il a raison puisque la taxe d’habitation, non modulée par les revenus, est très injuste. Si l’on compare au mètre carré, un Strasbourgeois paie plus de taxe à l’Esplanade qu’au Tivoli… La Ville n’a aucun moyen d’intervenir sur les valeurs locatives, par contre elle peut mettre en place des abattements. Et nous utilisons tout ceux permis par la loi. »

Ce qui ne coûte pas cher à la Ville, puisque l’Etat compense la perte de revenu généré par ces abattements. A noter que la CUS dispose des recettes de cet impôt depuis la réforme de la fiscalité des entreprises en 2010, qui a supprimé la taxe professionnelle. Il y a donc eu un transfert de cette charge des entreprises vers les particuliers, mais ces derniers ont vu la colonne « département » de leur avis d’imposition disparaître.


#Alain Fontanel

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