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Sur la lutte contre les incivilités dans la rue ou le bien-être animal, un conseil municipal presque paisible

Sans sujet clivant à l’ordre du jour, le conseil municipal du 10 mai s’est déroulé dans une relative tranquillité. Une harmonie en trompe-l’œil, qui ne cache pas les réserves tenaces de l’opposition.

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Dès le début de la séance, les corps trahissent la fatigue. On se tord, on s’étire, on se triture les yeux encore endoloris. Un concerto de bâillements commence, alors que la maire Jeanne Barseghian énonce la liste des points retenus. En tout, 24 points sont retenus – ceux dont on causera – sur seulement 43 à l’ordre du jour. Mathématiquement, c’est la promesse courte séance. Mais les élus retiennent leur soulagement. Même dénué de points clivants, ils savent qu’un ordre du jour allégé n’est jamais synonyme d’une plénière facile. Et ce conseil municipal du 10 mai donnera raison à leur prudence.

Sur le papier, pas de délibération piège. La question de la protection et de la gestion des animaux en Ville, ou celle d’un recrutement de médiateurs pour contrer les « conflits et les incivilités », devraient mettre d’accord tout le monde. Qui n’aime pas les animaux ? Surtout, qui assumera de le dire publiquement ? Globalement pacifique, ce conseil municipal sera tout de même émaillé de son lot de surprises.

Pas de partenariat avec une municipalité ultranationaliste

Premier point à l’ordre du jour, première surprise. L’approbation d’un partenariat avec la ville ukrainienne de Khmelnytskyï est retirée, « les conditions n’étant pas réunies pour que nous puissions étudier ce point », annonce sobrement la maire. Ses alliés communistes l’auraient alertée en amont des positionnements politiques douteux du maire de la ville. Ce dernier a été réélu en 2020 avec l’étiquette du parti ultranationaliste « Svoboda », ancien « Parti social-national d’Ukraine ».

S’ensuit, une délibération sur le plan local de santé, qui permet à l’opposition et à la majorité de s’entendre sur le manque de médecins. L’Agence régionale de santé avait identifié à ce titre plusieurs « secteurs en tensions », équivalent à des déserts médicaux, dont certains dans les quartiers périurbains de Strasbourg.

Débat houleux sur le financement d’un jardin d’enfant « Steiner »

La tension monte en abordant le troisième point, en apparence anodin : l’attribution de subventions aux associations gestionnaires d’établissements d’accueil de la petite enfance. Ce qui devait être une formalité tourne au duel entre l’adjointe chargée de la petite enfance, Soraya Ouldji et la socialiste Anne-Pernelle Richardot. Cette dernière lance le pavé dans la marelle, en demandant un vote séparé sur l’attribution d’une subvention à un jardin d’enfant «Steiner ».

Inspiré des thèses sur la pédagogie de Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie, les écoles et jardins d’enfants Steiner-Waldorf font l’objet de suspicions sérieuses de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes. Dans son rapport annuel, publié en novembre 2022, l’observatoire réuni plusieurs témoignages édifiants et conclu de façon lapidaire :

« Le fonctionnement particulièrement opaque de ce mouvement qui cible un public vulnérable, notamment des personnes malades et des enfants, implique de s’interroger sur la mise en œuvre d’une potentielle emprise mentale sur ses membres. »

« Il y a une concordance de faits qui inquiètent »

En dépit des témoignages recueillis, la Miviludes ne constate pas frontalement l’existence d’une dérive sectaire, mais se limite à l’avertissement. « Il y a une confusion, nous ne sommes pas en charge du contrôle de ces écoles, c’est le service de protection maternelle et infantile (PMI) qui s’en charge », commente en aparté l’adjointe Soraya Ouldji.

« À notre niveau, aucun parent ne nous a envoyé de signalement sur l’établissement. Alors quoi ? On arrête de financer et on prend le risque que le jardin d’enfants ferme ? Et donc de mettre en difficulté des parents et leurs enfants ? »

En dehors, de l’hémicycle, Anne-Pernelle Richardot assume sa réserve :

« J’ai demandé à ce qu’on applique le principe de précaution. Nous sommes des élus de la République, on n’est pas juste là pour distribuer des subventions, mais aussi pour questionner les écoles quand il y a des doutes. »

La conseillère d’opposition et son groupe s’abstiendront durant le vote, assumant une méfiance franche à l’égard des écoles se réclamant des préceptes de Steiner, évoquant des témoignages relatant des pratiques d’emprises douteuses. « Je ne dis pas que cet établissement concentre tout ça, mais il y a une concordance de faits qui inquiète. » Les autres groupes d’opposition et les élus communistes se rallieront à sa position.

Anne-Pernelle Richardot s’est abstenue lors du vote pour attribuer une subvention à une école Steiner. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Unanimité attendue pour le bien-être animal

Immédiatement après ce débat, s’ensuit l’intervention de l’adjointe déléguée au bien-être animal, Marie-Françoise Hamard. Avec sa voix finement rocailleuse – presque du sable – l’élue expose avec lenteur et charisme les plans de la Ville en matière de gestion et de protection animale. « À presque mi-mandat, il était devenu nécessaire de présenter la structuration de nos politiques concernant le bien-être animal ». Disparates, les mesures vont de la cartographie des ruches domestiques, dispositif « chats libres » ou pigeonnier contraceptif. Deux mesures en particuliers retiennent l’attention de l’hémicycle : la création d’une brigade de protection animale et la possibilité pour les chiens de monter à bord des transports collectifs.

La première mesure fait l’unanimité. L’élue la défend avec solennité : « C’est une grande chance d’avoir dans notre police municipale un noyau dur de policiers très intéressés par le sujet, par conviction. À terme, il y aura dans chaque équipe un agent formé à la protection animale, avec notamment une formation de maître-chien. »

Concernant la possibilité pour les chiens de prendre les transports en commun, Jean-Philippe Vetter s’agace que la conseillère renvoie les conditions d’application à une date ultérieure. « Je suis très surpris que madame Hamard renvoie à une conférence de presse ses réponses. » La maire Jeanne Barseghian réplique, assurant qu’il appartient à la CTS d’en dire plus.

Guerre éternelle contre les rats

Très vite, l’opposition réoriente les discussions vers la question des rats. Comme Jean-Philippe Maurer, qui « ose » parler de nuisibles pour évoquer les rongeurs honnis par les riverains confrontés à ces problèmes, qui rongeraient jusqu’aux câbles des voitures – en particulier celles de l’avenue des Vosges, peut être. Jean-Philippe Vetter enfonce le clou sur le sujet :

« La présence de ces rats a un impact social fort sur les habitants, sur la perception de leur quartier et de leur logement. C’est pour cela que nous devons combattre la prolifération des rats. »

Dans la tribune, l’expression guerrière fait tiquer Marc Hoffsess, qui insiste sur le caractère désuet de l’expression « nuisible ». « Le terme de nuisible a disparu de notre législation récemment, on ne peut plus désigner les animaux comme ça », persifle ce dernier. Pourtant le groupe des Républicains se démarque du reste de l’opposition, en votant en faveur du texte. « Tout n’est pas parfait, mais on sent qu’il y a une certaine volonté de bien faire. C’est ce que notre vote veux souligner, » précise Jean-Philippe Vetter. Les instants de concorde avec la droite sont rares, la majorité savoure.

Malgré des désaccords de principe, Jean-Philippe Vetter souligne l’effort de la majorité pour lutter contre les rats. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Avant la répression, promouvoir la prévention

Après un débat houleux sur la refonte de la démocratie participative – concernant la création d’un observatoire indépendant de la participation citoyenne – les élus trouvent un nouveau terrain d’entente sur la question de la tranquillité publique. L’adjointe en charge, Nadia Zourgui, étant en déplacement pour la municipalité, c’est la maire elle-même qui présente le dossier.

« C’est un dispositif que nous souhaitions créer depuis le début du mandat. Il mettra en place en complémentarité un dispositif privilégiant une approche par le dialogue et la négociation. L’objectif est bien de disposer d’équipes de médiateurs et de médiatrices sur le terrain, pour mener des missions de prévention. L’équipement permettra d’identifier visuellement les agents. »

Un périmètre expérimental sera mis en place, avec un appel d’offre à des prestataires externes, pour un montant maximum annuel de 600 000 euros, pouvant s’étendre jusqu’à quatre ans. Très vite, l’opposition socialiste souligne le recours à des prestataires externes, alors que le conseiller Renaissance Nicolas Matt évoque la situation de la police municipale : « Que faites-vous pour rendre leur travail plus attractif ? De nombreux agents nous relayent déjà des problèmes d’équipements. Surtout, comment allez-vous construire le lien entre les deux services ? »

Les trois conseillers s’accordent pour critiquer la suppression des conseils de quartier. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Malgré des réserves et quelques interrogations, la délibération semble accueillie avec bienveillance. Notamment par l’élu d’opposition Pierre Jakubowicz (Horizons) :

« C’est une délibération qui, dans son esprit et sa philosophie, va dans le bon sens, même s’il nécessite une bonne coordination avec la police. On a souvent tendance à parler davantage du volet répression alors que la prévention est aussi très importante. »

En dehors des socialistes, tous les groupes voteront en faveur de la délibération. Alors que les élus passent au point suivant, les agents quittent progressivement le Centre administratif. Dans un bâtiment presque vide, les conseillers continuent encore de débattre pour quelques heures, au grand malheur de leurs corps fatigués.


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