Interrogé par une procédure initiée par l’inspection du travail, le tribunal des référés civils n’a pas encore pu se pencher sur la légalité de l’ouverture de petits supermarchés le dimanche. Cette question a été renvoyée au 9 avril car il doit d’abord décider s’il transmet à la cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par plusieurs avocats. Pour ces derniers en effet, plusieurs dispositions du droit local réglementant le travail le dimanche posent problème, et notamment celle-ci (5e alinéa de l’art 3134-4du Code du travail) :
« Les heures pendant lesquelles le travail a lieu sont déterminées, compte tenu des horaires des services religieux publics, par les dispositions statutaires qui ont réduit la durée des heures de travail et, dans les autres cas, par l’autorité administrative. Elles peuvent être fixées de façon différente pour chaque branche d’activité commerciale. »
Pour Me Nicola Fady, avocat de plusieurs supermarchés visés par la procédure de l’inspection du travail, cette disposition s’oppose au principe de laïcité :
« J’ai des clients musulmans qui aimeraient ne pas avoir à travailler le vendredi, des juifs pourraient vouloir fermer le vendredi soir et le samedi… Mais à tous, on impose de fermer le dimanche, pour qu’ils puissent aller à la messe ! L’Etat est hors de son rôle et n’a pas à réglementer les horaires de travail en fonction des services religieux. »
Pour Me Fady, le tribunal de Strasbourg n’a pas le choix, il doit transmettre cette question à la cour de cassation avant de s’intéresser au fond, car ce débat doit être tranché par le conseil constitutionnel.
Pour l’administration, les religions n’ont rien à faire dans ce dossier
Ce n’est pas du tout l’avis de l’inspection du travail, qui n’apprécie pas du tout l’irruption de la religion dans la procédure qu’elle a initiée contre les supermarchés ouverts le dimanche. François Stehly, inspecteur du travail, résume la position de l’administration :
« Le choix du dimanche comme jour de repos commun pour tous les Français est un impératif républicain voulu par la Constitution. Les rédacteurs du texte de 1946 ont clairement indiqué qu’il fallait qu’un jour soit chômé uniformément par toute la société, afin qu’elle se retrouve une fois par semaine. C’est donc l’inverse d’un impératif religieux, qui voudrait qu’on ait des commerces musulmans fermés le vendredi, des commerces juifs fermés le samedi, etc. La laïcité, c’est justement l’inscription des pratiques religieuses dans la sphère privée et non l’imposition d’interdits religieux à des employés, en fonction de la religion du dirigeant ».
Pour l’inspection du travail, la présence de la religion dans ce débat est « incongrue » et en tout état de cause, l’alinéa de l’art. 3134-4 visé ne mentionne que les « horaires de travail ». Or, l’inspection du travail se focalise sur le jour de la semaine. Il n’y a donc pas lieu selon l’administration de poser la question au conseil constitutionnel. Le ministère public s’est joint à la procédure initiée par l’inspection du travail,alors que le choix de la procédure civile visait justement à court-circuiter le Parquet. Dans des affaires similaires, qui avaient suivi une voie pénale, les condamnations avaient été assez symboliques, voire les procédures classées sans suite. Les inspecteurs du travail ont donc opté pour la voie civile, procédure qui leur permet de présenter eux-mêmes leurs griefs aux exploitants à la justice. La présidente du tribunal a écouté (religieusement) les parties et rendra sa décision le mardi 2 avril. En cas de refus de transmettre à la cour de cassation, une audience au fond est prévue le 9 avril.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Le travail le dimanche revient devant la justice
Sur Rue89 Strasbourg : Travail le dimanche : vers une censure du conseil constitutionnel ?
Chargement des commentaires…